2 - L’introduction d’une société de conteurs dans les recueils de nouvelles : un équilibre spécifique du récit et du dialogue

S’il est difficile de placer nos romans sous la bannière de la forme dialoguée, un rapprochement avec la nouvelle peut se justifier en raison de la finalité narrative de plusieurs textes publiés dans la seconde partie de notre période d’étude. Saurons-nous différencier la poétique du nouveau roman de celle des recueils contemporains de nouvelles, en particulier de ceux où les contes sont relatés par un groupe de devisants ? Pour éclairer le fonctionnement propre des nouvelles à cadre, nous commencerons par une mise au point sur les recueils qui ne disposent pas du procédé d’enchâssement. Nous nous demanderons ensuite, à partir de quelques œuvres pourvues du double dispositif narratif, quel dosage de la narration et du dialogue pratiquent les romans qui nous préoccupent.

Si l’on admet que le sens littéraire moderne de nouvelle existe en français depuis les Cent Nouvelles nouvelles médiévales et qu’il désigne le récit d’un fait divers récent et divertissant, il faut constater que cette définition a conduit à l’invention d’un type particulier de recueils, où l’auteur-narrateur principal se prétend ou prétend connaître le témoin des histoires qu’il juxtapose l’une à l’autre. Tel est, au XVIe siècle, le contenu du paratexte liminaire des Cent Nouvelles nouvelles de P. de Vigneulles, du Paragon de Nouvelles honnestes et delectables et du Grand parangon des Nouvelles nouvelles de N. de Troyes. Voyons comment B. des Périers reprend à son compte ce premier mode d’accumulation des contes dans les Nouvelles Recreations et Joyeux Devis, écrites avant 1544 mais qui ont paru de manière posthume en 1558. Nous avons affaire à un narrateur facétieux, s’exprimant avec la même verve qu’Alcofribas et feignant d’établir une communication orale avec son lecteur. En l’assurant que les « comptes » ou « nouvelles » s’enchaînent au hasard, que ce qu’il va conter n’est peut-être ‘«’ ‘ pas vray ’» et qu’il n’a d’autre but que de le faire rire 744 , celui-ci déconstruit le motif de la véracité des faits rapportés et définit la forme du recueil comme une collection sans ordre de bonnes histoires. Après ce préambule irrévérencieux envers Boccace, il raconte sa première anecdote où, comme dans les suivantes, il fait fortement sentir sa présence de commentateur ; à la morale attendue à la fin de chaque conte se substituent quelques considérations comiques. Prenons donc le cas d’un recueil où s’élaborent des histoires plus longues et plus structurées et où s’ébauche la structure italienne de la cornice. Les Comptes du Monde adventureux, publiés anonymement en 1555, établissent ainsi un contexte dans lequel les devisants prennent la parole : l’auteur-narrateur principal raconte comment il a rencontré récemment un gentilhomme et une jeune femme malade dans le Dauphiné. Il présente son attirance pour celle-ci, expose les premiers échanges de paroles puis son déplacement avec cette compagnie 745 . Viennent alors les histoires qui, contre toute attente, sont racontées par ce narrateur ; à la différence des recueils précédents toutefois, chaque récit est précédé d’un sommaire moralisateur et d’un sermon adressé « aux Dames ». Du coup, l’œuvre est en rupture avec les collections commerciales compilées par les libraires, qui restent dans la lignée des premiers recueils du siècle, sans être non plus écrite sur le modèle boccacien  notons que les Comptes amoureux de J. Flore avaient déjà francisé la technique du double niveau de récit. Les nouveaux romans n’ont pas grand chose en commun avec ce type de textes où la quasi-absence de lien entre les histoires se double d’une éviction totale du mode du dialogue. Il faut donc nous tourner vers ceux qui pratiquent l’alternance entre un dialogue encadrant et des récits.

L’Heptameron, publié en 1559 par C. Gruget mais écrit avant 1549, a pour but affiché d’être un Décaméron français. Marguerite de Navarre adopte le principe de l’emboîtement des contes dans une histoire dont les acteurs sont ceux qui les rapportent. Celle-ci est mise en place dans le prologue : dix personnages, accablés par les fatigues de leur parcours respectif dans les Pyrénées  attaque d’ours, violences infligées par des voleurs, subite montée des eaux , se trouvent réunis dans l’abbaye de Sarrance. Ils décident que, pour passer le temps, chacun rapportera ‘«’ ‘ quelque histoire qu’il aura veuë ou bien ouy dire à quelque homme digne de foy’ ‘ 746 ’ ‘ ’». Le programme des journées est planifié d’emblée : après la messe du matin, la plus âgée du groupe lira et commentera un passage du Nouveau Testament et l’après-midi, avant que ne sonne l’heure de vêpres, sera consacré à la récitation de dix histoires. Le je de la narratrice principale disparaît alors définitivement, la brève présentation des mouvements des devisants et du décor ainsi que de leur parole ne se faisant plus que de manière impersonnelle. L’espace textuel de chaque ‘«’ ‘ journée ’» est principalement dévolu aux récits enchâssés, qui s’enchaînent simplement par changement de sexe du conteur et par association ou opposition d’idées, et aux commentaires qu’ils suscitent. Pouvons-nous établir un rapprochement entre le triple mode énonciatif du recueil  narration de l’histoire des devisants, narration au second degré de leurs contes et rapport de leurs débats  et l’interférence du récit et du discours dans nos romans ? Tout d’abord, la présence de la cornice permet la dimension de l’adresse des récits, si chère à nos auteurs. De même, l’insertion d’histoires intercalées dans la trame narrative constitue un point sensible de leur poétique. Dans la première partie de la Mythistoire par exemple, Fanfreluche, tout en conversant avec Songe-creux, évoque le passé de sa famille ; dans Alector, le procédé prend une ampleur remarquable puisque Franc-Gal et Croniel, en chemin vers Orbe, rapportent l’essentiel de la matière narrative. Cependant, ces récits portent soit sur le passé du narrateur intradiégétique, soit sur des événements qui le concernent directement  la vie de ses parents, pour Fanfreluche, les aventures d’Alector, pour Franc-Gal, et l’histoire du prêtre Calliste et de ses conséquences pour la ville, pour Croniel. Alors que les devisants de M. de Navarre parlent d’événements qui se situent le plus souvent en dehors de leur expérience personnelle, nous comprenons que, dans le roman, les histoires de premier et de second niveaux sont solidement reliées entre elles. Hormis dans Alector, l’idée d’un récit à cadre ne préside, par ailleurs, en rien au fonctionnement intrinsèque de nos œuvres. Chez Rabelais, le fait est qu’Alcofribas, tout en déléguant la parole à des personnages, la monopolise souvent ; dans les Angoysses et dans la Mythistoire, le narrateur principal possède des avatars successifs plutôt qu’il ne se dégage de la fonction qu’il a de rapporter des faits. Dès lors, si nos œuvres choisissent de destituer le narrateur principal de sa position de surplomb, ce n’est nullement pour fleurter de près ou de loin avec ce qui apparaît bien comme le « genre » de la nouvelle à cadre.

Reste que des éléments semblent a priori communs aux lois des deux formes ; établissons à présent une comparaison entre elles, point par point. En ce qui concerne l’authentification des faits, d’abord, la nouvelle entretient la fiction de la véracité, alors que le roman détourne précisément ce topos pour assurer qu’il ressortit à la littérature d’imagination. Que M. de Navarre utilise le fonds commun de la tradition orale ou bien des fabliaux, beaucoup plus qu’elle ne se fonde sur des faits historiques, importe peu : tout l’intérêt consiste dans sa volonté de se démarquer des récits mensongers qui ont la réputation de ne transmettre aucune vérité apte à toucher le public. De fait, la nouvelle se démarque au XVIe siècle, sinon dans les termes du moins littérairement, du conte en ce qu’elle repose sur un projet de vraisemblance et prétend faire le tableau moral et social de toute une époque 747 . Outre l’argument du témoignage employé au début du siècle, le meilleur moyen qu’a vite trouvé le genre pour garantir la fiction essentielle d’oralité, de nouveauté et d’authenticité est précisément la forme de l’histoire-cadre. Ensuite, la notion de la brièveté, invoquée pour elle-même, rend en partie floues les frontières du roman et de la nouvelle 748 . Évoquons à ce sujet la réticence de Parlamente à rapporter l’histoire médiévale de la châtelaine de Vergi. Elle dit hésiter à la raconter pour ‘«’ ‘ sa grande longueur ’», parce qu’elle ‘«’ ‘ n’est pas de nostre temps ’» et enfin parce qu’elle ‘«’ ‘ a esté escrit[e] ’» auparavant. Dame Oisille la rassure en lui disant que personne de la compagnie n’en a entendu parler et qu’ils leur reste une ‘«’ ‘ bonne heure ’» devant eux 749 . De fait, malgré le fait qu’elle se déroule sur plusieurs années, l’histoire des amours d’Amadour et de Floride ou celle de la châtelaine de Vergi use de dialogues serrés et vifs, multiplie les actions et refusent la précision du détail : elle repose sur le principe de la brievitas. De plus, il est propable, comme le suggère Oisille, que la longueur des nouvelles reste en-deçà d’une heure d’écoute, ce qui constitue un véritable critère normatif. Si les nouveaux romans sont plutôt brefs  ils sont bien loin d’un roman fleuve comme l’Astrée  , le traitement des dialogues et la longueur des répliques chez Rabelais, l’introspection progressive des âmes chez Hélisenne ou le jeu extrêmement complexe entre les différents fils temporels que tisse à des centaines d’années d’écart Alector n’ont rien de commun avec la facture des contes de M. de Navarre. C’est donc la conception du temps et la manière de le travailler qui varient de la nouvelle au roman. Constatons, pour conclure, que le mot nouvelle, les rares fois où il apparaît dans nos romans, n’a pas son acception littéraire 750 . Rabelais évite ainsi d’utiliser le substantif autrement que dans le sens d’information récente ; dans l’épisode des chevaux factices de Gargantua, le maître d’hôtel et le fourrier du seigneur de Painensac, après s’être faits abuser par l’enfant, vont raconter à Grandgousier non pas la ‘«’ ‘ nouvelle ’», mais ‘«’ ‘ ceste nouvelle histoire’ ‘ 751 ’ ‘ ’». Tout se passe comme si les romanciers avaient délibérément jugé impropre l’emploi de ce terme afin qu’aucune équivoque ne soit faite entre leur art et la relation de choses présentées comme vraies et dont la finalité est la vraisemblance.

Nous voudrions, pour finir, envisager des œuvres qui allient les codes  puisque codes il y a  de la nouvelle à cadre et du dialogue. Une mutation du genre narratif, aujourd’hui bien enregistrée, est décelable dans les années 1580 sous la plume de Bouchet, Du Fail et Cholières. Une rupture de l’équilibre entre la société conteuse et ses contes déplace alors l’intérêt de la narration vers la discussion : le mouvement du dialogue prime les quelques historiettes racontées par les devisants 752 . Du coup, les Dialogues de Tahureau et l’Heptameron constituent simultanément deux patrons pour ce courant, que nous pourrions appeler le ‘«’ ‘ mélange de propos ’» et auquel l’essai montaignien est redevable 753 . Or une phase préparatoire à l’avènement de cette nouvelle poétique a lieu lors de notre période d’étude ; voyons si nos romans sauront se distinguer cette troisième forme avec laquelle ils entrent en concurrence. Prenons d’abord les Propos rustiques de Léon l’Adulfi, alias Noël du Fail, parus en 1547. Le narrateur explique qu’il a fait la rencontre de vieux paysans un jour de fête ; un de ses amis lui a donné le nom et l’état de chacun d’eux 754 . Il a alors écouté leur conversation à bâtons rompus puis l’a transcrite : sous sa plume, un campagnard se plaint de l’évolution des temps, un autre surenchérit en déplorant le changement dans la coutume des festins, un autre reproduit la harangue que les plus âgés avaient par le passé l’habitude d’adresser aux plus jeunes après la danse ; tous mêlent à leurs considérations des histoires qu’ils ontvécues. Au premier plan de l’œuvre, s’élabore donc un discours qui, à la différence de celui de l’Heptameron, relie étroitement le cadre de la parole aux récits. De même, les Discours des Champs faëz de Claude de Taillemont présentent le double dispositif de narration et gonflent la part du contexte enchâssant. La réflexion sur l’amour est lancée par le personnage-conteur, qui rapporte d’ailleurs les deux récits encadrés du recueil. Sur le modèle des Azolains de Bembo, le texte insère des pièces lyriques ; au dialogue moral s’ajoutent, d’ailleurs, aussi bien des contes que des lettres, des épitaphes et des descriptions symboliques 755 . Hormis cette introduction d’unités verbales diverses, le lien entre cette œuvre et nos romans  à part, toujours, pour le cas-limite du Tiers livre  est ténu. Dans ce recueil comme dans les Propos rustiques, le discours entre les personnages ne l’emporte pas quantitativement mais hiérarchiquement sur la narration. Si la solidarité entre les deux dimensions rappelle que les entretiens, dans les romans, ont souvent lieu aussi autour d’une question afférente à la narration principale, la conversation désordonnée entre devisants n’est pas leur objet premier. Une exception doit être faite pour l’Amant resuscité de Denisot. Ce roman a la particularité de mettre en place une cornice au premier livre et de faire alterner, dans les deux derniers, la ‘«’ ‘ brieve narration’ ‘ 756 ’ ‘ ’» de l’amant souffrant avec des débats sur l’éducation des jeunes gens ou la divination. Entre temps, au chevet de l’amant, le personnage-narrateur, la comtesse, Florinde, Trébatio et un médecin s’entretiendront de la mélancolie amoureuse et du parfait amour ; Florinde, pour prouver la supériorité de la cruauté des hommes en amour par rapport à celle des femmes rapportera l’histoire de Didon et Énée, dans une traduction fidèle du livre IV de l’Énéide. Nous avons réunis ici tous les critères d’une histoire-cadre : l’amant distribue la parole entre les devisants, qui s’interrompent en fin de journée et reprennent leurs propos le lendemain. Mais trois éléments nous éloignent des lois de la nouvelle et nous rapprochent de celles du commentaire dialogué : l’importance des discours, la participation du je aux débats, qu’il consigne par écrit, et la longueur de l’histoire enchâssée finale. La discussion est ici envahissante et elle n’a pas le naturel de celle des seigneurs et nobles dames de M. de Navarre. Pourtant, le fait que l’un des devisants rapporte sa propre histoire, annoncée d’emblée comme le sujet du livre, rejoint la narration à la première personne des Angoysses. Le procédé de l’encadrement de ce récit a en fait un but didactique, hérité du roman sentimental italien et espagnol : il invite le lecteur à réfléchir sur l’histoire de l’amant et permet de l’ériger en contre-exemple. Le contenu principal de l’ouvrage est moins une histoire d’amour malheureux qu’une dissertation sur les dangers de la passion : il s’agit d’un roman qui compose avec la forme du traité illustré et qui, pour cette raison, se démarque des romans que nous avons choisi d’étudier.

Par conséquent, si le roman nouvelle manière allie narration et discours des personnages, il le fait d’une autre façon que les recueils de dialogues et de nouvelles contemporains. Il établit entre eux une hiérarchie particulière, qui ne passe ni par la restitution mimétique de conversations à visée conceptuelle, ni par l’introduction d’une société conteuse, ni par la mise en œuvre d’un mélange de propos. En son sein, le plurilinguisme s’introduit à tous les niveaux et de manière plus variée que sous les seules espèces du récit bref et du débat d’idée. Chacune des œuvres que nous avons envisagées réalise un dosage spécifique de procédés d’écriture communs à plusieurs genres entre 1530 et 1560. Il ressort, par corollaire, que la notion de mixité, envisagée ici sous l’angle des interférences du récit et du discours, n’invalide pas la particularité du fonctionnement générique des œuvres.

Au terme de cette étude, nous avalisons le postulat selon lequel le roman est une forme spécifique d’écriture, apte à recevoir une définition : si tout langage peut s’intégrer au roman, toute œuvre narrative n’est pas romanesque. Tout en se situant sur un plan différent des formes traditionnelles, le roman n’annule pas en son sein la notion de genre. Notre enquête sur une variante historique de ce type de création narrative, qui offre un exemple remarquable de ses capacités assimilatrices, nous a conduit à admettre que le genre possède des critères distinctifs intemporels et que ses avatars successifs prennent, à un moment donné de l’histoire littéraire, des caractères tout à fait discernables. En l’occurrence, le nouveau roman de la Renaissance se distingue par le foisonnement de sa matière verbale, par le mélange de nombreux énoncés, parmi lesquels certains déterminent sa structure d’ensemble : parce qu’il n’a pas de cadre théorique à respecter, il peut imiter toutes sortes de modèles, littéraires ou non. Mais il s’agit en même temps d’une forme assimilatrice qui digère la multiplicité de ses composantes  genres, modes et discours. La force antigénérique qui le travaille et qui lui donne une nature hybride ne procède pas à une dissolution des contours des énoncés englobants, mais à la juxtaposition affichée de ceux-ci. C’est pourquoi, sans trahir cette recherche de l’indétermination générique, les auteurs établissent des points de cohésion entre les unités disparates : le lecteur perçoit la discontinuité de cette forme et en fait, dans une reconstruction intellectuelle, un amalgame concerté de langages. Nos romans utilisent donc des ressources diverses pour substituer à leur anomie originelle, c’est-à-dire à leur absence d’organisation naturelle par rapport à la typologie des formes reconnues, une dominante qui les définit intrinsèquement. Ils réalisent tangiblement le paradoxe qui consiste à rendre cohérente une foule bariolée, à faire d’une potentielle bâtardise une véritable poétique de la varietas.

Notes
744.

Les Nouvelles Recreations et Joyeux Devis, in Conteurs français du XVI e siècle, P. Jourda (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1956, pp. 359-594 et ici p. 368.

745.

Les Comptes du monde adventureux, 2 t., F. Frank (éd.), Genève, Slatkine Reprints, 1969, t. I, pp. 2-9.

746.

L’Heptaméron, op. cit., « Prologue », p. 66.

747.

Telle est la thèse de G. A. Pérouse dans ses Nouvelles françaises du XVI siècle…, op. cit. Sur l’opposition du merveilleux et du vraisemblable dans le conte et la nouvelle, voir le chapitre 1 de notre première partie, pp. 53-54.

748.

Le critère de la longueur n’est d’ailleurs pas assez déterminant pour que l’espagnol change dès le XVIe siècle l’appellation de novela en novela corta. Le fait que le roman reprenne ensuite à son compte le substantif novela est une preuve supplémentaire de la porosité de ces deux genres. Le phénomène le plus patent de ce point de vue est bien l’association étroite de la nouvelle classique avec la forme du petit roman. Comme l’explique F. Deloffre, dans La Nouvelle en France à l’âge classique, op. cit., p. 43, entre 1660 et 1680 la longueur n’est un élément fondamental ni pour les poéticiens ni pour les nouvellistes.

749.

L’Heptaméron, op. cit., « Septième journée », nouvelle 69, p. 559.

750.

La seule exception vient de Des Autels : Songe-creux demande à Fanfreluche de poursuivre ses « nouvelles », à savoir l’histoire des ébats de son père et de sa mère (Mythistoire barragouyne…, op. cit., chap. 3, p. 13). Le terme a ici la double acception de choses nouvelles et surprenantes et de récits qui traitent l’action sans retardement. Nous avons vu cependant la légèreté avec laquelle l’auteur convoque des catégories littéraires fort précises, mais qui ne conviennent pas à son roman ; de fait, l’histoire de Fanfreluche sera fort circonstanciée.

751.

Gargantua, chap. 12, p. 38. Nous rejoignons la conclusion de G.-A. Pérouse, dans Nouvelles françaises du XVI siècle…, op. cit., p. 101, selon laquelle

[…] non seulement il n’applique cette dénomination ni à son ouvrage lui-même (c’était hors de question) ni à aucune de ses parties (cela aurait pu se justifier pour telle histoire intercalée), mais il ne fait pas même état de l’acception littéraire du terme : pour lui le mot « nouvelle » signifie en essence (comme vingt ans auparavant pour Philippe de Vigneulles) « annonce d’un fait récent » et l’on dirait même qu’il évite délibérément de l’employer en un autre sens […].
752.

Voir à ce sujet G.-A. Pérouse, « De Montaigne à Boccace et de Boccace à Montaigne : contribution à l’étude de la naissance de l’essai », in La Nouvelle française à la Renaissance, L. Sozzi (dir.), Genève, Slatkine, « Bibliothèque Franco Simone », 1981, pp. 13-40. L’auteur souhaite ranger ce qu’il appelle les « discours bigarrés » dans la catégorie de la nouvelle car les œuvres s’ouvrent sur le récit de la réunion des entreparleurs et contiennent des histoires insérées. Comme ce sont d’abord des commentaires dialogués, nous avons souhaité les distinguer, dans notre Annexe II, de la forme canonique des recueils de nouvelles par une trame grise.

753.

Nous souhaitons mettre en garde contre la tendance actuelle à l’intégration des Essais au mode du récit : s’ils rapportent des anecdotes ou des cas illustres, ils ne formulent aucun projet narratif. En revanche, comme le montre G.-A. Pérouse, ils peuvent faire emprunt aux dialogues facétieux de la formulation d’une question et de l’échange de propos et de raisonnements pour y répondre.

754.

Propos rustiques, in Conteurs français du XVI e siècle, op. cit., pp. 597-659 et ici pp. 607-608.

755.

Nous empruntons cette présentation de l’ouvrageà l’article de J.-C. Arnould intitulé « Plaisirs du récit et difficulté de la narration dans les Discours des Champs faëz de Claude de Taillemont (1553) », in La Nouvelle. Définitions, transformations, Lille, Presses Universitaires de Lille, « Travaux et recherches », 1990, pp. 59-72.

756.

L’Amant resuscité…, op. cit., livre IV, p. 213.