2 - Variété des genres et déstabilisation de la référence

Si le romancier est un créateur d’univers, construit-il un ou plusieurs mondes possibles ? Au vu de bon nombre de productions de la littérature occidentale, il semble légitime d’affirmer que, le plus souvent, il invente un ensemble de personnages et un espace-temps  ce que Bakhtine appelle un « chronotope »  dont les caractéristiques convergent vers l’instauration d’une référence unique. Or dans le nouveau roman de la Renaissance, il est flagrant de constater que la complétude et la cohérence du produit de l’imitation sont remises en cause par l’incompatibilité de nature entre certains objets fictifs et partant, entre les univers qui les abritent. Autrement dit, le mécanisme de la variété préside non seulement à la manipulation de langages, mais aussi à la construction référentielle de chacune des fictions. Comment expliquer ce phénomène atypique ? Nous émettons l’hypothèse que le manque d’unité de la représentation dans nos textes tient à une autre de leurs particularités, à savoir la coexistence en leur sein de plusieurs genres encadrants. Au lecteur revient donc la tâche d’évoluer entre des paysages fictionnels composites.

La relation entre les mondes imaginaires des romans est à la fois rendue délicate et facilitée par le fait que chaque choix générique des auteurs circonscrit un paysage littéraire précis, innovant ou non par rapport à la tradition. Mais la disjonction entre des possibles au fonctionnement disparate a de quoi rebuter et dissuader d’entrer dans autant de pays merveilleux… Dans les Angoysses, le problème sepose de manière aiguë. Dans la première partie, nous avons affaire à la confession féminine d’un amour adultère et, si l’on veut, un « réalisme » psychologique est à l’œuvre dans la peinture des sentiments. À ce niveau, l’usage de la première personne produit un effet de sincérité, qui appelle lui-même une identification de la part du lecteur. Certes, les indications temporelles et spatiales sont bien maigres : on ignore le nom et la situation géographique de la « ville » où Hélisenne et son mari se rendent et où aura lieu la rencontre de Guénélic ; le « temple », lieu de rendez-vous des amants, n’est pas décrit. Seuls les éléments essentiels au déroulement du récit sont donnés ; le reste, comme la datation absolue et relative des événements, n’apparaît qu’avec une imprécision concertée. Puis, un monde masculin ouvert se substitue au chronotope confiné de la narration d’Hélisenne. La logique du roman chevaleresque s’installe alors dans l’œuvre, avec son panel de topoi : les épreuves se succèdent les unes aux autres de manière répétitive ; des combats ont lieu épisodiquement, où les héros trouvent des opposants de grande force ; la quête de Guénélic, enfin, est motivée par l’amour qu’il porte à sa dame. Dans le cadre de l’aventure, le décor change : outres les toponymes du monde méditerranéen, qui désignent parfois des lieux prestigieux de l’Antiquité, les lieux portent des noms fantaisistes, parfois empruntés par anagramme à la géographie de Picardie et des environs  Sirap est Paris, Eliveba Abbeville, Gorenflos le fief de la famille de l’auteur. Mais le lecteur n’a pas fini d’être dérouté : dans le passage qui fait suite à la mort des amants, la mythologie est convoquée. Quézinstra rapporte ainsi sa descente aux enfers puis son arrivée aux champs élyséens en compagnie de Mercure et il saura par celui-ci tous les détails de la querelle de déesses. Face à ces univers variés, le lecteur est tenté de chercher des points de passage entre eux. Celui qui apparaît le plus nettement est la permanence d’un trait de caractère chez les deux personnages principaux : la mélancolie amoureuse 774 . De fait, ils sont des illustrations de la théorie de la passion à base humorale : les amants sont marqués du sceau de la froideur et de l’absence de pouvoir et de vouloir ; ils manifestent tous les signes de la pathologie mélancolique : aux symptômes psychiques de l’abattement s’ajoutent les effets somatiques du changement de couleur, des palpitations cardiaques, de la perte de la parole et de l’évanouissement. Comment Guénélic peut-il être un bon chevalier s’il est d’un tempérament languissant ? Nul doute que cette donnée perturbe sensiblement le trajet initiatique annoncé : le héros n’a pas l’initiative des combats ; il craint la mort et Quézinstra, sur qui est reportée l’image du parfait guerrier, lui reproche à plusieurs reprises sa pusillanimité 775 . Seulement, dans cette perpective, on comprend mieux que le surnaturel soit largement absent de ce chronotope chevaleresque : hormis la notation sur le fait que Quézinstra est doté de l’épée d’Hercule et d’un cheval de la race de Pégase 776 , les éléments du récit se situent dans un univers héroïque où les défis et les épreuves qualifiantes soit ont lieu lors de tournois d’apparat soit sont dégagés du schéma d’aventures médiéval. La contradiction entre le cadre chevaleresque et la personnalité de Guénélic est d’ailleurs telle, que la narratrice se sent obligée, dans son discours en tête de la seconde partie, de s’en expliquer. Elle soupçonne que les « lecteurs benevoles » s’étonnent de deux invraisemblances : qu’un « pauvre gentilhomme » ait des « vertus » à la fois morales et militaires et qu’il devienne tout d’un coup un ‘«’ ‘ cordial amy »’ ‘ 777 ’ ‘. ’Sa première réponse consiste à aller à l’encontre du déterminisme social : si Guénélic est pauvre, il peut s’élever au-dessus de sa condition et acquérir des qualités nobles. La seconde est plus embarrassée : elle accuse d’abord les « faulx delateurs » de lui avoir menti puis elle reconnaît qu’il n’a pas hésité à salir son honneur mais explique que depuis, il s’en est repenti. Que l’on conclue en faveur de l’individuation progressive du personnage ou de l’incohérence entre l’ethos de celui-ci et la geste à laquelle il prend part, il faut remarquer combien est dérangeant le changement d’univers fictionnel au cours du roman.

La lecture d’Alector est d’une certaine manière plus aisée. Une fois qu’il est établi qu’aucun genre précis ne permet pas de rendre compte du parcours spécifique de chacun des héros 778 , il suffit de se laisser porter par le merveilleux à l’œuvre à tous les niveaux du texte. De la double naissance d’Alector à la mort singulière de Franc-Gal en passant par la rencontre d’une femme-serpente créée tout exprès par le soleil et la terre pour le Macrobe, le ravissement de leur fils par un esprit aérien et les colères de Durat, il n’est rien qui ne surprenne et n’enchante à la fois. Pourtant, même si l’univers fictionnel du roman n’est pas unifié, il existe des principes d’attraction qui agissent entre des personnages, des lieux et des temps, d’un côté, et des procédés de production de l’imaginaire, de l’autre. Chaque chronotope a ainsi un mode spécifique de fonctionnement : celui des pérégrinations de Franc-Gal se déploie sur la longue durée et dans un espace immense, qui inclut la Scythie ; celui d’Alector jusqu’à sa septième année, qui comprend sa vie avec sa mère et la recherche de son père, est plus réduit ; et celui Orbe, non situé, ne connaît pas le cycle naturel des âges et des saisons et ses lieux sont découpés abstraitement 779 . Du coup, les incidents qui surviennent à Franc-Gal sont souvent ceux des récits de voyages maritimes, tandis qu’Alector est plutôt confronté aux aventures des chevaliers. Quant aux phénomènes surnaturels qui se sont produit à Orbe lors de la jeunesse de Croniel  le comportement lubrique de la sage Thanaise à son agonie après avoir mangé une pomme empoisonnée, la nécrophilie de Mammon sur le corps de la jeune fille, la naissance de Désaléthès avec deux couleurs, la tête tranchée de celui-ci qui s’adresse au peuple , ils relèvent du conte populaire, comme le permet leur appartenance à une histoire insérée. En somme, une certaine organisation de la matière fictionnelle est repérable à la lecture. Mais cela n’empêche pas Aneau de mêler avec plaisir les univers : avant qu’Alector n’affronte le centaure, sa monture et celle d’Arcane s’entretiennent en « langage caballistic » et en « jargon mulois » ; après le départ de Franc-Gal de Scythie, Protée avec ses phoques, tenant une côte de baleine à la main, apparaît à Priscaraxe ; Gallehaut, mort-vivant, ‘«’ ‘ la cervelle toute boillonnant de vers ’», explique à Alector les circonstances de son trépas 780 . Dès lors, H de Crenne et Aneau se jouent des lois de la mimèsis narrative en déployant des mondes possibles distincts au sein de leurs romans.

Chez Rabelais et Des Autels, à la déstabilisation de la référence romanesque s’ajoute la mise à distance des normes qui régissent la production fictionnelle. Alors que depuis l’Antiquité chaque style contient des impératifs de forme et de contenu, ces auteurs décident de détruire des affinités pluriséculaires et d’en créer de nouvelles. Nous allons donc voir comment leur refus de cloisonner les genres, les sujets et les tons implique la création de mondes possibles spécifiques. Pour prendre le cas de Pantagruel et de Gargantua, l’interférence entre le récit des exploits d’un héros surnaturel et la biographie d’un homme hors du commun confère au récit un double univers fictionnel. D’un côté, les géants semblent tout juste émerger des eaux du Déluge : leur ville est Amaurotes, lieu proprement utopique ; ils laissent leur marque sur le monde humain par une auge immense rompue en un endroit, par de grosses chaînes visibles à La Rochelle, Lyon et Angers ou par la pierre levée de Poitiers ; ils affrontent des monstres de leur taille, comme le féroce Loup-garou et ses trois cents géants. En même temps, Panurge appartient au cadre parisien des farces aux soldats de la garde et les rois folkloriques eux-mêmes évoluent en partie dans la France de la fin du XVe siècle 781 . Du coup, le lecteur ne sait pas toujours dans quel univers situer les actions : la mention de Geoffroy de Lusignan a-t-elle pour rôle de donner à Pantagruel un ancêtre en lien avec l’abbaye de Maillezais ou bien fait-elle du héros un digne successeur du terrible Geoffroy à la grande dent ? Ici comme dans ses autres romans, Rabelais veille à ménager l’hésitation entre les espaces-temps antiques et contemporains, entre la logique du merveilleux et celle du réel et entre lespersonnages historiques et ceux d’origine littéraire. On a avancé que la particularité de son œuvre consistait dans l’attachement qu’il manifeste à la vie quotidienne : à tous les niveaux de fiction, il établirait une zone de contact avec l’immédiateté sensible du réel 782 . Cela n’est acceptable que si l’on précise que l’auteur fait contrepoids à l’association habituelle de la trivialité aux formes littéraires basses par une représentation exubérante du domaine matériel. Pour pallier la fixité des images du vivant dans l’immense majorité des textes qui précèdent les siens, il convoque l’imaginaire du folklore médiéval et confère démesure et animation aux opérations d’ingestion, de digestion et de reproduction 783 . Rabelais dépasse donc les impératifs des genres et met en crise la hiérarchie habituelle entre l’esprit et le corps, l’idéal et le trivial, l’essence et l’existence ; quel que soit son sujet, il use de tous les registres et tous les styles dans le dessein d’embrasser le monde, de refléter la vie dans son entier.

On pourrait penser que Des Autels rêve également de créer une nouvelle vision du réel en réconciliant les plans du matériel et du corporel, d’un côté, et du sacré et du spirituel, de l’autre. Une analyse des mondes possibles qu’il élabore va nous montrer, en fait, que le romancier privilégie un seul mode d’écriture qui entérine plutôt qu’il ne déconstruit, l’univers de référence qui lui sert de repoussoir. Nous l’avons dit, la Mythistoire prend avant tout pour modèle les chroniques rabelaisiennes : bien qu’elle introduise la thématique amoureuse, la fiction s’intéresse au devenir d’êtres nobles dans le monde historique. Or au lieu d’incarner les plus hautes capacités de l’homme comme le font les géants de Rabelais  leur taille a évidemment une signification symbolique , les quatre personnages de Des Autels n’excellent que dans la médiocrité : ils ont un parcours banal au sein d’un monde bien proche du commun. Outre la mention de la Creuse, pays d’origine de Fanfreluche, les toponymes sont pour l’essentiel inventés et leur valeur dépréciative est évidente : Trigory vient du « bas pays de Rusterie » ; Fanfreluche est mise dans un couvent « aux hautes montaignes de Crolecul en Barragouynois » ; Gaudichon a une parenté avec « la royne Gilon de Croquelardie » ; après son séjour à Paris, celui-ci se rend à ‘«’ ‘ l’Université de Peu d’estude en la basse desbauche »’ ‘ 784 ’ ‘. ’Certes, dans la forêt de Bière, Gaudichon rencontre des satyres et voit la déesse Délie sur une nuée ; dans son ascension du Mont Fourchu, il discute avec des cyclopes ; et au sommet, le château d’Hélicon lui apparaît, avec des muses devenues des putains depuis que Cupidon a évincé Apollon à la tête de la troupe. Mais c’est là un rappel du cadre noble des aventures, comme le sont aussi la lettre d’Happe-bran à son fils, la leçon publique sur un problème de droit et l’arrestation de Gaudichon à Noli pour avoir porté une épée  alors qu’il ignorait qu’un décret venait de l’interdire dans la ville 785 . À partir de l’hypotexte rabelaisien, Des Autels choisit d’introduire un « style » vulgaire : tout en conservant une matrice héroïque par les personnages et l’action d’ensemble, il ravale la hauteur de son modèle à l’univers de la beuverie, du sexe et du pédantisme ; nous sommes proprement dans le cas de ce que Gérard Genette appelle le ‘«’ ‘ travestissement burlesque’ ‘ 786 ’ ‘ ’». On saisit alors la différence entre le projet du maître et celui de l’épigone : l’un tient à traiter avec sérieux une matière en partie triviale et à rabaisser par le rire des sujets élevés, tandis que l’autre cherche à attenter à la dignité d’un monde dont il a bien perçu la part de noblesse. Dès lors, la Mythistoire n’est pas un mauvais pastiche de Pantagruel : il s’agit d’un roman qui met à plat l’association rabelaisienne des genres, des sujets et des tons dans l’optique d’une confrontation dégradante entre les domaines du haut et du bas. Or si l’effet de familiarité que produit le burlesque donne l’impression d’une représentation de la réalité pratique, il est clair que le travestissement n’invalide pas l’univers de l’œuvre parasitée ; au contraire, il le rend présent au niveau de l’invention et de l’élocution 787 . En somme, Rabelais, par les hésitations qu’il suscite à tout moment entre un monde humain et empirique et un univers noble et idéalisé parvient à faire saisir au lecteur un système unitaire et dynamique. Des Autels, de son côté, accentue la tension entre le commun et le fabuleux et restaure ainsi une vision duelle du monde : l’exagération grotesque n’a pas pour lui le rôle d’ouvrir le texte à la diversité infinie du réel, mais de sensibiliser à la laideur et la médiocrité de la vie.

L’analyse des mondes possibles déployés dans le roman de la Renaissance a montré que le problème de la fiction est au centre de la nouvelle poétique de Rabelais, d’H. de Crenne, de Des Autels et d’Aneau. Au lieu de choisir entre la représentation de la vérité factuelle, la production vraisemblable d’entia rationis et la recherche de l’incroyable, ceux-ci s’attachent à produire des références plurielles. Chez le plus facétieux d’entre eux, la variété des objets imités est un garant de proximité avec l’existence humaine : quand bien même les paysages produits demeurent en partie codifiés, le roman rabelaisien restitue dans sa foisonnante créativité le dynamisme du monde vivant. Sans reproduire le quotidien dans ses détails, le romancier invente un univers dont la diversité des chronotopes ne veut pas ‘«’ ‘ faire concurrence à l’état civil ’», mais à une natura naturans.

Notes
774.

Pour un exposé de l’incidence de la conception antique de l’amour-maladie sur la littérature à partir du Moyen Âge, voir M. Simonin, « Aegritudo amoris et res litteraria à la Renaissance : réflexions préliminaires », in La Folie et le corps, J. Céard (dir.), Paris, Presses de l’É. N. S., « Arts et langage », 1985, pp. 83-90. L’auteur montre que les Angoysses n’ont rien d’original en leur temps puisque d’autres textes narratifs, comme les romans de J. de Flores, le Tristan de Sala et l’Heptameron  mais aussi, nous l’ajoutons, les romans d’amour italien , font usage d’une présentation similaire des comportements amoureux.

775.

Ce constat a été fait par de nombreux critiques. Voir en particulier M. J. Baker, « France’s first sentimental novel and novels of chivalry », Bibliothèque d’humanisme et Renaissance, Genève, Droz, t. XXXVI, vol. 1, 1974, pp. 33-45 et M. Stanesco, « Mélancolie amoureuse et chevalerie dans les Angoysses douloureuses d’Hélisenne de Crenne », Du Roman courtois au roman baroque, op. cit. Si comme Amadis et à la différence des vieux romans réimprimés au XVIe siècle, les Angoysses redonnent à l’amour le rôle de moteur de l’action chevaleresque et qu’il reçoit un traitement sérieux, il n’est pas sûr que ce soient des sentiments courtois qui animent Guénélic ; d’autre part, Quézinstra lui-même, n’entendant servir que Dieu, fait entorse à l’éthique médiévale.

776.

Les Angoysses douloureuses…, partie II, pp. 319 et 365.

777.

Ibid., partie II, pp. 229-231.

778.

C’est ce que nous avons montré au chapitre précédent, pp. 367-368.

779.

Voir, pour ce découpage temporel et spatial, l’introduction d’Alector,t. I, pp. LXXVIII-LXXIX. Il apparaît, par ailleurs, qu’Aneau se plaît à souligner l’élasticité de l’âge d’Alector, comme pour insister sur l’appartenance de Franc-Gal, d’Alector et de Croniel à une temporalité en dehors du commun : à quelques lignes d’intervalles, l’enfant est aussi « prudent et avisé d’esprit » à cinq ans que les autres enfants à quinze, puis il n’» avoit son pareil à vingt ans, jasoit qu’il n’en eust pas six » (chap. 17, p. 113).

780.

Ibid., chap. 3, p. 38 ; chap. 16, p. 108 et chap. 20, p. 140.

781.

C’est ce que l’on peut déduire de l’allusion à l’importation de l’imprimerie en Utopie (Gargantua, chap. 6, p. 136). Pour le calcul de l’année de naissance de Gargantua, voir la note p. 1102.

782.

Voir É. Auerbach, Mimèsis…, op. cit., « Le monde que renferme la bouche de Pantagruel », pp. 267-286. L’idée est que Rabelais, au lieu de se limiter au style bas, traite avec sérieux la réalité dans sa concrétude. S’il n’intègre pas la vie des personnages au grand mouvement de l’histoire contemporaine et s’il ne détaille pas les realia à la manière d’un Zola, il ne se refuse la description d’aucun milieu social.

783.

Voir la thèse de M. Bakhtine dans L’Œuvre de François Rabelais…, op. cit. Il propose l’expression « réalisme grotesque » pour définir le caractère outré de l’» imagerie comique » rabelaisienne (pp. 28-29).

784.

Mythistoire barragouyne…, chap. 2, p. 6 ; chap. 7, p. 31 ; chap. 9, p. 42 ; et chap. 14, p. 75. Notons que la rusterie est un plat populaire. Dans ses notes, M. Françon tente d’identifier certains de ces noms fantaisistes, mais il n’arrive pas à une conclusion ferme (pp. xxxvi-xxxviii).

785.

Dans un article intitulé « Contribution à l’étude de la langue facétieuse au XVIe siècle. La Mitistoire Barragouyne de Fanfreluche et Gaudichon », Le Français moderne, Paris, vol. 12, n° 4, 1944, pp. 281-295, V.-L. Saulnier énumère les épisodes directement imités de Pantagruel. Il montre surtout que Des Autels calque sa prose sur les procédés de style de Rabelais, auxquels il ajoute des proverbes, des calembours et des lapsus de son crû. Au vu des nombreux exemples cités, nous précisons que les reprises comme les néologismes de forme ou de sens portent souvent sur des réalités triviales  sexuelles avant tout.

786.

Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, « Essais », 1982, p. 193. L’exemple canonique du mode burlesque est le Virgile travesti de Scarron, écrit sur le modèle de l’Énéide. Le critique le définit comme la transcription en « style vulgaire d’un texte noble », le terme de « style » étant employé ici au sens large d’ensemble des procédés de traitement d’une matière. Voici les précisions qu’il donne à ce fonctionnement :

[…] la discordance stylistique s’établi[t] précisément entre la noblesse conservée des situations sociales (rois, princes, héros, etc.) et la vulgarité du récit, des discours tenus et des détails thématiques […].
787.

Comme le dit T. Pavel, on n’arrive aucunement ici à une « perception immédiate du quotidien, puisque cette perception ne parvient pas de son propre chef à fonder un système cohérent » (L’Art de l’éloignement…, op. cit., p. 283).