2 - La sollicitation de l’affectivité du lecteur

La manière dont le lecteur réalise que son exercice herméneutique est déterminé à l’avance par le romancier mais qu’il doit accomplir librement et avec discernement le parcours qui lui est proposé peut sembler ne relever que de l’étude intellectuelle. Or une part de la lecture des nouveaux romans fait appel à l’intuition : si l’on reprend la distinction traditionnelle entre « explication » et « compréhension », il faut reconnaître que la justesse du décryptage de l’intention des auteurs sollicite à la fois le jugement analytique, qui procède par reconstruction de concepts, et un mode de connaissance non spéculatif, qui suppose une mise en œuvre de l’affect 1090 . L’expérience de la lecture est ainsi complète : elle fait revenir le savoir au sujet pensant et vivant.

L’appel à la sensibilité du lecteur est particulièrement net dans les Angoysses, où la narratrice use des ressorts du movere pour faire entendre ce qu’elle ne peut formuler explicitement. De même qu’elle définit son récit comme une « piteuse complaincte » où est rapportée sa ‘«’ ‘ doloreuse infortune »’ ‘ 1091 ’ ‘, ’elle substitue à son annonce d’un enseignement moral la description paroxystique de la souffrance amoureuse. Il revient au lecteur de comprendre que les « angoysses » d’Hélisenne ne sont pas rapportées seulement dans le but de détourner des dangers de la passion, mais pour faire compatir aux tourments d’une âme torturée. Cette recherche de l’empathie chez le lecteur se double par endroits de la tentative de lui faire entendre, toujours par le moyen des sens, que le discours peut ne pas vouloir dire ce qu’il paraît. Cela se produit, en particulier, dans les passages où, sous couvert de souscrire à la morale de la société, Hélisenne avoue qu’elle aime : sa mise en garde qu’elle adresse à Guénélic contre le « laqz deceptif » du sentiment se révèle un encouragement à aimer sans retenue. La lettre de réponse à son amant s’achève, de fait, sur la chute du masque de la moralisation : après avoir donné des exemples des effets nocifs des ‘«’ ‘ volupteuses lascivitez ’», l’héroïne déclare ainsi que les ‘«’ ‘ doulx et attrayans regards » ’d’un jeune homme comme lui pourraient faire croire à certaines femmes que ‘«’ ‘ resident en leurs personnes beaucoup plus de dons et de perfections que Dieu et nature n’y en auroient mis » ’ ‘ 1092 ’ ‘. ’Comment ne pas déceler ici une demande de confirmation de sa beauté ? Dans la déclaration qui se dit à demi-mots, elle confesse qu’elle brûle d’amour : ‘«’ ‘ croyez que se amour de son aurée sagette m’avoit attaincte, que aultre que vous de ma benevolence ne seroit possesseur ». ’Plus loin, après que Guénélic lui a signifié de vive voix qu’il l’aime, elle prêche le détournement de ‘«’ ‘ ceste affection non moderée » ’mais lui laisse entendre qu’il pourra, s’il se montre docile et patient, obtenir la récompense qu’il attend de son service amoureux 1093 . Elle répète que si elle devait aimer quelqu’un, ce serait nul autre « homme au monde » et, feignant de le dissuader de se livrer aux « ardeurs et enflambemens » sous peine de « tumber en desepoir », affirme qu’elle-même est née sous une mauvaise constellation, ce qui la rend « subjecte à amours ». Or avant de faire sa réponse, elle affirmait qu’elle ne voulait pas déclarer à Guénélic le ‘«’ ‘ secret de [s]on cueur, non pour le bannir ne chasser : mais pour plus ardentement l’enflamber ». ’Elle achèvera de nous persuader qu’elle incite le jeune homme à aimer de manière parfaite, c’est-à-dire sans partage, quand elle retournera explicitement son monologue de reproche de la mauvaise conduite de Guénélic  auquel elle s’adresse fictivement  en appel à transformer le sentiment commun en une totale générosité amoureuse :

‘Et pource doncques sachant ta partie estre à toy favorable, ne soys du nombre de ces pusillanimes : qui la puissance d’Amours laissent imparfaicte, destituée et desolée : car si toy estant espris de l’amoureuse flamme, te monstre timide et craintif, l’on ne pourra jamais esperer, que quelque foys tu soys magnanime 1094 .’

De plusieurs manières, Hélisenne-narratrice forme donc ses destinataires à décoder la duplicité de ses propos.

La façon dont Aneau sollicite l’affectivité du lecteur est différente de celle d’H. de Crenne puisqu’elle repose entièrement sur les liens entre la conduite de l’intrigue et le mécanisme interprétatif. Dans les deux cas cependant, un enseignement est donné sur la manière de décrypter ‘«’ ‘ en sens agile ’» les propos mi-vrais, mi-faux des personnages. La leçon la plus nette et la moins dogmatique qui soit se situe justement dans la présentation de la vie de l’» enfant de mensonge », Désaléthès 1095  : non seulement le sens du nom du personnage est en syllepse, mais les prédictions des fées qui se sont penchées sur lui à sa naissance et l’éthopée que fait de lui le narrateur Croniel sont également placées sous le signe de l’ambiguïté. Après le commentaire du haut-relief sculpté sur le marbre du tombeau de Thanaise, le lecteur voit son attention relancée par l’annonce de l’engendrement de la « vie » dans le « corps mort » de la jeune femme ; de même, après le récit du viol du cadavre par Mammon, des paroles sibyllines prédestinent l’enfant à être « le plus grand menteur du siecle », d’une part, et à ‘«’ ‘ mourir pour dire verité, et non jamais plustost qu’il l’aura dicte ’», de l’autre. Or nous sommes guidée par l’interprétation que fait Mammon de cette dernière prédiction : pensant que son fils mourra dès le jour où il aura cessé de mentir, le méchant usurier nous incite à penser que le mystérieux pour employé par la fée a un sens causal ; comme lui d’ailleurs, nous avons toute confiance dans la véracité des oracles, que nous n’avons jamais vus se tromper. Le personnage est ensuite accoutré de « couleurs changeantes », qui couvrent son corps mi-blanc, mi-noir et il fait bientôt ses preuves en dupant son maître Pseudomanthanon dans un débat de sophistes. Le narrateur dresse alors, dans des phrases interminables, un portrait du menteur accompli :

‘Velà comment Desalethès commença à practiquer la science qu’il avoit apprinse soubz son bon precepteur Pseudomanthanon et (qui pis est) en usa en toutes manieres qu’il peut, s’entremeslant en beaucoup d’affaires de plusieurs gens, mesmement des stupides, oblieux, incurieux, non pensans, malsoigneux, credules, simples, jeunes, desbauchez, estrangiers, loingtains et mors, qui ne mordent ne redarguent, telz estoient ses gens aux quelz il tendoit ses lacz, faisant le devot hypocrite, le frere, jugeant autruy hardiment et se justifiant impudemment, jamais ne jurant qu’il n’y eust mensonge lucrative à parjurer ; sur quoy facilement il faisoit fin de plaid et brider la mule. […]. Au demourant le meilleur filz du monde, plaisant menteur, gracieux flateur, asseuré vanteur, bien enlangagé, bien parlant et trescourtois Courtisant, et pour cela bien venu en toute compagnie, en conduisant ses fallacieux dictz et faictz si dextrement à la Mercuriale Ulyssée que c’estoit toujours à son profict et advantage, et sans laisser anse par où il peust estre prins ou surprins 1096 .’

Il y a, selon nous, trois niveaux d’analyse de cette logorrhée, en partie incompatibles. Le premier est décelable par les conditions d’énonciation du discours et par la place qu’il occupe dans le système narratif d’ensemble du roman : Croniel, faisant valoir sa fonction de prêtre, se déchaîne contre un manipulateur, qui est l’emblème, avec son père, de la prolifération infinie du mal à Orbe ; il est remarquable, d’ailleurs, que le vieillard qui le fera arrêter s’appelle Cron. Toutefois, cette interprétation morale ne suffit pas à rendre compte de l’insistance de l’expression sur le thème du double : à côté de l’antiphrase sur ‘«’ ‘ son bon precepteur ’», qui dénote une condamnation sans appel du personnage, le style binaire employé pour décrire les contreparties fallacieuses données à des proies faciles laisse déceler l’imitation du miel de la parole menteuse. À la subtilité du discours  » jamais ne jurant qu’il n’y eust mensonge lucrative à parjurer » , s’ajoute le plaisir de l’énumération assonancée  » roignant, retaillant, cizaillant, changeant » , du défigement de locutions proverbiales ou lexicalisées ‘«’ ‘ jamais ne maniant beurre qu’il n’en eust les mains grasses ’» puis ‘«’ ‘ papiers de raison desraisonnée ’» , de l’usage du zeugme  ‘» sans laisser anse par où il peust estre prins ou surprins » ’, etc. La liste rabelaisienne des subtilités rhétoriques de Désaléthès s’achève ainsi sur la mention de deux de ses modèles antiques, Mercure et Ulysse, et d’une figure plus récente de trompeur, convoquée de manière intertextuelle, celle de Panurge. Du coup, nous nous trouvons gênée pour évaluer la mise en scène des pièges du langage : y a-t-il ici la formulation d’un blâme du mensonge ou un consentement voluptueux au dire mensonger ? Le dialogisme du passage se résout si nous considérons que les prises de parole ne se situent pas sur le même plan : la voix du narrateur met en garde contre les détours pernicieux du discours, quand l’instance qui contrôle le récit se plaît à céder, dans le cadre d’une fiction, aux séductions du verbe. Nous allons pourtant nous heurter par la suite à une nouvelle ambivalence du discours, en lien cette fois avec la suspension narrative. Alors que Désaléthès monte fièrement à l’échafaud et dit : ‘«’ ‘ Adieu, peuple Orbitan ; je m’en vai mourir ’», pensant que cet ultime mensonge le préservera de la mort, nous sommes impatients de savoir si la prophétie de la seconde fée va se réaliser. Le couperet du glaive du bourreau tranche finalement la tête du personnage. Surprise que cette entorse faite à la technique du décryptage rétrospectif, à laquelle le romancier n’a cessé de nous former ! Nous ne manquons pas de penser, avec Franc-Gal, que les « miracles » ont « faill[i] ». Mais voici que Croniel explique que les deux parties du corps vont continuer à vivre trois jours, pour faire part de la vision eschatologique qu’elles auront respectivement eue. Du coup, si la divinité auctoriale n’a pas menti, il faut bien reconnaître qu’elle a dû agir en tant que deus ex machina pour corriger le premier sens donné à la préposition pour et forcer le personnage à mourir afin d’annoncer la vérité aux hommes. C’est donc, par exception, à une lecture prospective que nous invite Aneau après la mort de Désaléthès : en brisant le plaisir produit par un suspens où nous savons par avance tout ce qui va se produire, il crée ici une autre forme d’envie, celle de désirer connaître des événements que nous ignorons. En tous cas, le romancier élabore, comme Hélisenne, une propédeutique à la saisie du double sens des unités langagières, ce qui trouve un écho direct dans la poétique de Rabelais.

Listes, litanies, énumérations sans fin, déclamations facétieuses et éloges paradoxaux ne relèvent ainsi jamais totalement de la gratuité verbale dans les cinq Livres : ces procédés rhétoriques portent du sens sur un plan non point conceptuel, mais affectif ou sensitif. Tout déchaînement langagier porte, en effet, une part de joie, à laquelle les esprits les plus sérieux ne peuvent être insensibles. Les exemples ne manquent pas ; un seul suffira ici. Dans le Cinquiesme livre, après qu’Épistémon, Pantagruel et frère Jean ont déclamé contre l’» institution de quaresme », Panurge se complaît à poursuivre sa confession du frère Fredon. Épistémon refuse d’abord de se laisser charmer par la douceur des octosyllabes et la mélodie de l’alternance des voix et reprend vertement Panurge, qui saura bien lui faire comprendre le plaisir des mots :

‘– Je ne sçay, dist Epistemon, quel plaisir vous prenez, raisonnant avecques ce meschant penaillon de moyne : mais si d’ailleurs ne m’estiez congnu, vous me creeriez en l’entendement opinion de vous peu honorable.
– Allons de par Dieu, dist Panurge, je l’emmenerois volontiers à Gargantua tant il me plaist : quand je seray marié il serviroit à ma femme de foul.
– Voire teur, dist Epistemon, par la figure de Tmesis.
– À ceste heure, dist frere Jehan, en riant, as tu ton vin, pauvre Panurge, tu n’eschappe jamais que tu ne sois cocu jusques au cul 1097 .’

La tmèse sur foult-teur, substantif du verbe foutre, signale qu’une nouvelle position morale est adoptée par Épistémon : cessant de s’adonner à la satire, il participe à l’échange convivial de propos débités sans logique. L’épisode atteste, par ailleurs, que la nouvelle manière d’appréhender la réalité  l’intolérance contre un groupe se fait indulgence pour un individu particulier  suppose la création d’une communauté de sujets, à laquelle le lecteur est invité à participer. Un des endroits où les valeurs de l’art de vivre à plusieurs ainsi que l’idée d’une culture vivante sont affirmées avec le plus de force est celui du repas partagé au large de Chaneph. Les personnages déclarent, d’abord, que les questions proposées à Pantagruel ont été résolues par le divertissement des âmes et la restauration des corps ; il revient à Panurge d’expliquer que le bonheur retrouvé est celui du banquet eucharistique, autrement dit de la communion au corps et au sang du Christ :

‘Sans poinct de faulte nous doibvons bien louer le bon Dieu nostre createur, servateur, conservateur, qui par ce bon pain, par ce bon vin et frays, par ces bonnes viandes nous guerist de telles perturbations tant du corps comme de l’ame : oultre le plaisir et volupté que nous avons beuvans et mangeans 1098 .’

Le fait que ce discours chrétien lui soit attribué prouve que les compagnons connaissent, par la joie du partage, un moment exceptionnel. Comme après la divulgation du mot de la Bouteille, le vin devient ensuite le centre de toutes les prises de parole. Pantagruel glose avec humour l’expression « haulser le temps », qui signifie en langage maritime boire ferme en attendant que le temps se lève, en même temps qu’il fait une allusion au concept platonicien et paulinien de sobre ébriété et à la fureur bachique, signalant ainsi l’élévation des esprits lors du festin. Frère Jean l’interrompt pour raconter un cas d’épargne de vin par le don, tandis que Panurge cite un « proverbe commun » sur le « bon » temps retrouvé dans tout festin. Finalement, aucune valeur n’est discutée dans ce chapitre mais les axiomes de la sagesse commune et les préceptes ésotériques et chrétiens sont formulés de manière spontanée par chacun des voyageurs : Rabelais fait ici entendre que le meilleur savoir est celui qui n’est pas le résultat d’une opération purement contemplative mais qui est vécu de l’intérieur par le sujet et qui réconcilie en lui le corps et l’esprit. Cette alliance de la recherche de la vérité, de la vie pratique et de l’herméneutique est si importante aux yeux du romancier qu’il a forgé un concept pour la définir, celui de Pantagruélisme. Le terme unit précisément les domaines de l’éthique, de la création romanesque et de la réception et signifie l’adhésion de l’auteur et du lecteur aux mêmes principes moraux ; il permet donc de jeter les bases d’une existence sage, joyeuse et bonne à plusieurs 1099 . Du coup, l’acte de lecture devient l’occasion de mettre à l’épreuve une nouvelle manière de vivre, de créer concrètement une société restreinte d’individus ayant décidé de valeurs communes  largement celles de l’évangélisme : dès l’instant où il accepte d’» interprete[r] » les « faictz » et les « dictz » du romancier « en la perfectissime partie », le lecteur entre dans la communauté des Pantagruélistes. Les happy few des Livres rabelaisiens sont des hommes dont l’auteur ne craint pas qu’ils prennent un jour « en maulvaise partie » ce qu’» ilz cognoistront sourdre de bon, franc, et loyal couraige », tant ils savent que le « bon vouloir » prime son résultat : au sein des réalisations langagières, ils sont capables de déceler avec leur cœur l’intention que l’auteur y a mise. En un mot, le public que Rabelais appelle de ses vœux se doit d’oser embrasser avec confiance la diversité des opinions théoriques et morales du monde et en pratiquant la compréhension sur la base d’une théorie de l’action juste.

Sans qu’apparaisse dans Alector et dans les Angoysses une conceptualisation de la lecture aussi riche que celle des Livres rabelaisiens, il s’avère ainsi que les nouveaux romanciers pensent de concert l’interprétation comme une activité singulière, qui permet de goûter, dans un mouvement volontaire et libre, une réflexion sur les choix de l’existence. Comme cette vérité n’est jamais formulée de manière doctrinale et que son champ d’exercice est la vie pratique, elle ne peut être atteinte que par la sollicitation concomitante de la pensée analytique et de l’intuition sensible. Si pour aucun de nos auteurs, on ne peut affirmer avec certitude que le savoir est la source de la conduite pratique, il ne fait aucun doute que le contenu des valeurs adoptées par chaque sujet est déterminant s’il veut parvenir à ce qui n’a jamais mieux porté son nom qu’ici, une bonne lecture.

À considérer l’importance et la complexité du rôle conféré par Rabelais, H. de Crenne, Des Autels et Aneau au lecteur, nous pouvons affirmer que, dans les nouveaux romans parus entre 1532 et 1564, la dimension esthétique est complémentaire du dispositif de création : les œuvres nécessitent l’acte de coopération du public pour l’élaboration de leur cohérence formelle et herméneutique. Or dans la mise en collision concertée d’unités verbales disparates et d’opinions bigarrées consiste le postulat de la performance discursive des huit textes. Une fois admise cette idée que le nouveau roman n’est pas un montage aléatoire de langages, l’efficacité du mécanisme dialogique trouve sa plus belle manifestation dans la co-naissance d’un sens et d’une subjectivité, au niveau tant de la production que de la réception textuelle. D’une part, en dépit du fait que le jeu interactif des discours échappe en partie à celui qui l’a créé, il s’avère que l’auteur fait entendre sa voix dans les débats engagés entre les instances énonciatives. D’autre part, le lecteur prend conscience de sa singularité en soupesant les élaborations mentales des sujets en discussion. Qui plus est, l’activité de décryptage est ici conçue comme exemplaire : plutôt que de conduire à la transformation morale du lecteur, elle repose sur l’application de principes déterminants pour la vie pratique. Du coup, c’est d’une double manière que la lecture de nouveaux romans met en jeu une praxis : elle crée de toutes pièces un sujet « benevole » et le met au plus près de sa vie morale et affective. Au vu des rapports entre cet effet éthico-pragmatique et l’établissement du sens de nos romans, on a pu avancer qu’il s’agissait de fictions « philosophiques » ou ‘«’ ‘ pédagogiques »’ ‘ 1100 ’ ‘. ’Nous pensons, pour notre part, que ces qualificatifs, qui insistent sur le didactisme des romans, sont peu appropriés : la saisie par le lecteur du principe d’autorité restant toujours ponctuelle et provisoire, l’allégorisme n’est certainement pas le mode de signification cultivé que nos auteurs. De fait, les nouveaux romans fondent une méthode qui place le lecteur en situation de quêter sans cesse leur sens, sans jamais pouvoir vérifier la justesse de son jugement dans la formulation explicite de celui-ci.

Notes
1090.

Selon A. Compagnon, dans Le Démon de la théorie, op. cit., p. 84, la compréhension serait « la fin la plus modeste de l’herméneutique de l’expérience humaine ».

1091.

Les Angoysses douloureuses…, partie I, p. 218.

1092.

Ibid., partie I, p. 131-134.

1093.

Ibid., partie I, pp. 167-168.

1094.

Ibid., partie I, p. 202.

1095.

Alector, chap. 9-12, pp. 68-81. Desalethès signifie à la fois qui n’a pas été allaité par sa mère et qui ne dit pas la vérité.

1096.

Ibid., chap. 10, pp. 74-75. Pour les nécessités de l’étude, nous emprunterons également nos citations à la phrase centrale.

1097.

Cinquiesme livre, chap. 28, p. 799.

1098.

Quart livre, chap. 65, p. 694.

1099.

Voir les principaux passages  essentiellement paratextuels  où apparaît la notion de Pantagruélisme : Pantagruel, chap. 34, p. 337 ; Gargantua, « Prologe de l’Auteur », p. 8 ; Tiers livre, « Prologue de l’Autheur », p. 351 ; Quart livre, « Prologue de l’Autheur », p. 523.

1100.

Dans son introduction à Philosophical Fictions and the French Renaissance, N. Kenny (dir.), Londres, The Warburg Institute, « Warburg Institute Surveys and Texts », 1991, pp. 1-6, N. Kenny explique ainsi que le « Renaissance philosophical romance » relève des « narrationes fabulosae » . Outre des textes revendiquant ouvertement ce statut, s’y rattacheraient des œuvres comme l’Amant resuscité, les Angoysses et les derniers Livres de Rabelais. Dans l’introduction d’Alector, t. I, pp. XLIV et LXI, et dans sa contribution à Philosophical Fictions…, intitulée « Alector de Barthélemy Aneau : la rencontre des ambitions philosophiques et pédagogiques avec la fiction romanesque en 1560 », pp. 29-43, M. M. Fontaine, de son côté, fait de l’histoire fabuleuse un véritable genre, fondé sur l’utilisation ou la création de fables à valeur allégorique. Elle voit son avènement dans des « dialogues ironiques », tels le Momus d’Alberti, l’Éloge de la Folie, le Cymbalum mundi, certains dialogues de Speroni, les dialogues latins de Forcadel et le Debat de Folie et d’Amour de L. Labé ; il trouverait sa forme accomplie dans la prose narrative du milieu du siècle. Elle précise, par ailleurs, que l’histoire fabuleuse a eu pour avatar le conte philosophique.