Comme il a été précédemment indiqué, c’est l’introduction du modèle goffmanien, de l’ethnométhodologie et de l’ethnographie de la communication qui inspire ce premier ensemble de recherches tentant de traiter simultanément la question des services publics et la question de l’usager. Ces recherches sont conduites à partir d’interactions authentiques entre agents et usagers, qu’elles soient enregistrées au guichet, au téléphone, ou même parfois au domicile des usagers. Cette approche veut se distinguer des travaux précédents qui considéraient l’administration comme un tout substantiel défini a priori. Elle cherche à percevoir l’administration au travers des multiples configurations pratiques qui se dévoilent par les activités des participants, les conditionsde réussite des échanges et les troubles ou « pannes » pouvant parfois perturber l’interaction.
Ce courant se donne un double objectif : examiner, aussi minutieusement que les outils d’analyse le permettent, les activités desquelles procède le service (cf. Borzeix & Gardin, 1992 ; Lacoste, 1994) ; et repérer et identifier les raisonnements et les procédures que suivent les agents pour désigner les autres participants, c’est-à-dire le public (cf. Ogien, 1986). Ainsi, les travaux cherchent à dévoiler la pluralité des logiques d’usage et des contraintes de travail, la complexité des opérations cognitives auxquelles les agents ont recours afin de savoir à quel partenaire d’interaction ils ont affaire et de pouvoir définir la situation de l’usager. Les études sur des classes d’agents ayant fait l’objet d’investigations minutieuses sont nombreuses, mais on peut renvoyer, parmi d’autres, à Relieu (1991) et Fornel (1993) sur les agents de police, à Borzeix, Girin, Lacoste et Grosjean (1993) sur les agents d’accueil à EDF-GDF, à Joseph (1992) sur les chauffeurs de bus à la RATP, à Warin (1993) sur les agents des offices d’HLM. Toutes ces études s’attachent à mettre en relief, par une description fine et détaillée, les séquences d’activités par le biais desquelles l’agent parvient à inscrire la prestation dans des formats de production. Les éléments décisifs de ces analyses résident dans les rituels d’accès (Coupland, 1983 ; Ventola, 1987 ; Aston, 1988 ; Anderson, 1988), le travail d’identification de la demande (Merritt, 1976 ; Coupland, 1983 ; Anderson, Aston et Tucker, 1988), ou encore la recherche d’un consensus par la négociation en cas de désaccord (cf. Joseph, 1988 ; Aston, 1988 ; Grosjean, 1991 ; Weller, 1997 ; Dumas, 2003).
Bien que l’étude de l’interaction constitue le point central de ces recherches, elles s’intéressent, en plus du travail d’énonciation des interactants, à l’environnement spatial et temporel ainsi qu’aux dispositifs et artefacts cognitifs intervenant au cours de l’interaction (cf. Lacoste, 1991 ; Borzeix, Lacoste, Grosjean & Girin, 1993 ; Traverso, 1997a ; Bonnaud, 1998). Par ailleurs, les recherches menées dans cette perspective rendent également compte des compétences des agents publics (cf. Jeannot & Peraldi, 1991 ; Joseph & Jeannot, 1995). Enfin, elles proposent une analyse de l’organisation en tant qu’ensemble de ressources de régulation des tensions sous-jacentes aux interactions (cf. Boisset & Dartevelle, 1996).
À quelques exceptions près (Merritt, 1976 ; Aston, 1988), ce premier ensemble de travaux porte essentiellement sur les interactions de service. C’est l’une des principales raisons qui a motivé le lancement du projet « commerces » dans le laboratoire lyonnais de l’université Lumière.
Les travaux du GRIC 28 : le projet « commerces »
Situé dans la perspective interactionniste et initié en 1997, le projet « commerces » a donné lieu à de nombreuses études sur corpus, aussi bien dans des commerces que dans des services publics ou commercialisés, dont on peut dire qu’elles s’articulent principalement autour de quatre pôles.
Sur ce point, on pourra consulter les travaux de Bonnaud (1997) au sein d’un garage, Delorme (1997) chez le fleuriste, Carcel (1998) dans un salon de coiffure, Dumas (1998 et 1999) dans une librairie-papeterie-presse et un tabac-presse, et Vosghanian (2002) dans un magasin de retouches.
Groupe de Recherche sur les Interactions Communicatives, devenu ICAR (Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations) en mai 2003.
Transports en Commun Lyonnais.