3.3. Les services envisagés comme produits

Issue de la gestion et de l’économie des services, cette approche a un champ d’investigation plus large : son centre d’intérêt s’étend des prestations administratives des services publics aux activités marchandes (banques, assurances, communication, cabinet-conseil, hôtellerie, etc.). Les recherches sont centrées sur les spécificités de l’activité de service par opposition à l’industrie : statut de co-producteur du client qui en fait une « ressource humaine externe » (Gadrey, 1990 : 59), et absence de séparation drastique entre conception, fabrication, distribution et consommation. Ainsi, à la suite d’Eiglier et Langeard (1987), les chercheurs en gestion et économie des services parlent de servuction 41 plutôt que de production. Cette intégration de l’usager dans l’organisation ne s’opère pas facilement : elle nécessite des procédures et des techniques de formatage de la relation agent-client ancrées dans des compétences – le travail du personnel en général – et des supports physiques – meubles, machines, décor, etc.

Les études en marketing des services ont des objectifs divers : elles cherchent, par exemple, à mettre en relief la perception du service par le client, mais aussi le rôle du personnel en contact ainsi que les modalités de la production (localisation, durée, fréquence, nature de la participation du client ou complexité et formalisation de la situation). Toutes ces analyses visent d’une part à évaluer les situations de rencontre interindividuelle, et d’autre part les situations de libre-service dans lesquelles le client est seul face à des automates.

Par ailleurs, les notions de « technologies invisibles » (Berry, 1983), d’« appareil gestionnaire » (Hatchuel & Weil, 1992) ou d’« agencement organisationnel » (Girin, 1995) issues des recherches en gestion incitent les chercheurs à analyser les transformations des services publics à travers les nouveaux équipements – ordinateurs, distributeurs, formulaires, etc. (Hatchuel, 1990 ; Philippe & Langeard, 1991), et les nouveaux produits – carte intégrale de la RATP, carte Kiwi de la SNCF, colissimo de La Poste – (Hatchuel, Jougleux & Pallez, 1996). L’introduction de ces nouveaux équipements et produits a pour but de configurer l’intervention de manière différente si une définition standard du produit est possible ou si elle reste problématique. Schwartz (1991) propose un exemple de définition problématique à l’hôpital où les situations de travail en contact avec les malades restent indéniablement irréductibles à tout protocole. Globalement, ces recherches se penchent sur les questions de l’automatisation par la transformation du service en libre-service, ou de l’évaluation, avec une référence à des critères indus de jugement de manière à faire ressortir les spécificités de la rationalisation et, plus largement, les enjeux de la société de service (Delaunay & Gadrey, 1987 ; Gadrey, 1993).

Notes
41.

Établi à partir de trois entités – le support physique, le personnel en contact et les clients – le modèle de servuction cherche à construire des relations entre elles. « Nous avons forgé ce néologisme pour rendre compte des dépendances entre production, distribution et consommation du service. […] Le défi à relever si l’on veut obtenir un service de qualité est de faire fonctionner ensemble trois logiques longtemps considérées comme distinctes, à savoir celle de la production, de la distribution et de la consommation » (Langeard, 1990 : 209).