5. Le corpus « mairie »

Les interactions qui constituent le corpus « mairie » ont été recueillies au service de l’état civil d’une mairie de La Loire : la mairie de Roanne, les 10, 24 et 29 janvier 2001. Le choix de ce site a été motivé par le fait que, contrairement aux sites précédents, il met en scène des participants entre lesquels il ne circule jamais d’argent. Certes, il y a un service qui est rendu, mais il n’est pas échangé : c’est un service gratuit pour lequel aucune rémunération n’est exigée. Une telle différence peut, elle aussi, impliquer des dissemblances dans le déroulement des interactions. De plus, il est permis de faire l’hypothèse de l’absence de relation entre les participants qui ne sont pas appelés à se rencontrer aussi fréquemment que le marchand de journaux ou le banquier et ses cliagers.

Comme pour les autres corpus, quelques difficultés se sont manifestées lors des séances d’enregistrement.

Il a été particulièrement difficile d’obtenir l’accord de Mme N., responsable du service de l’état civil, pour réaliser les enregistrements. Mme N. ne voyait pas d’objection à ce qu’une étude soit réalisée dans son service, mais refusait l’enregistrement car les faits relatifs aux personnes souvent mentionnés (nom, prénom, âge, sexe, filiation, etc.) sont confidentiels. Elle pensait qu’une simple prise de note serait suffisante. Il a donc fallu solliciter l’accord de son supérieur hiérarchique, M. P., procureur de la république. M. P. a donné son accord pour les enregistrements en l’échange de la signature d’un document précisant que les bandes audio enregistrées ne pourraient être utilisées que dans le cadre de la recherche scientifique et dans le plus grand respect de l’anonymat des cliagers.

L’autorisation du procureur de la république obtenue, un autre problème s’est posé : les commagents refusaient tous d’être observés et enregistrés. Ce n’est qu’après de longues explications sur l’utilisation qui serait faite de ces enregistrements, qu’une employée de mairie a accepté de se soumettre à cette pratique. Puis, peu à peu d’autres guichetiers ont suivi. Au total, quatre guichetiers sur dix ont bien voulu se soumettre à ces enregistrements.

Les guichets de l’état civil – quatre au total – ne sont pas séparés par des cloisons. Il s’agit en fait d’un seul grand guichet derrière lequel quatre employés sont installés à intervalles réguliers. Il a donc été assez difficile de n’enregistrer que l’interaction du guichet souhaité, les interactions des guichets de droite et de gauche venant la parasiter.

Les interactions sélectionnées pour figurer dans le corpus l’ont été en fonction de plusieurs facteurs. Les statistiques fournies par Mme N. sur la période du mois précédent, ont été prises en compte afin d’obtenir une répartition en pourcentage. Le résultat de ces statistiques montrait 51  :

Figure 5 – Répartition des activités à la mairie
Figure 5 – Répartition des activités à la mairie

La première raison qui a motivé le choix des interactions figurant dans le corpus a donc été le respect de ces chiffres afin d’obtenir un rendu fidèle à la situation. La seconde raison est due à des motivations pratiques. En effet, les interactions où il y avait trop de participants, de chevauchements de parole, de passages inaudibles ont été éliminées. La priorité a été donnée aux interactions à plusieurs participants qui étaient exploitables. Souvent, dans le cas des déclarations de décès, des mises à jour de livret de famille et des autorisations de sortie du territoire, les cliagers viennent en groupe.

L’observatrice n’intervient que deux fois lorsqu’elle est prise à partie par des cliagers.

Notes
51.

La plupart des demandes de renseignements concernent les dossiers de carte nationale d’identité qui ne sont pas disponibles au service de l’état civil mais à la police municipale. Il y a tout de même d’autres demandes concernant les formalités à remplir pour modifier son nom patronymique, pour rejoindre le service funéraire, ou encore pour bénéficier des colis de l’aide sociale.