3. Les modifications

Les demandes principales font souvent l’objet de modifications internes ou externes visant à adoucir le degré de coercition de l’acte de langage et/ou à minimiser la menace qu’il peut constituer pour les faces mises en présence. Les demandes subordonnées sont assez rarement modifiées dans le sens de cette minimisation.

Le seul procédé fréquemment utilisé pour adoucir les demandes principales que l’on retrouve également en tant qu’adoucisseur des demandes subordonnées concerne les requêtes, et plus spécialement l’indirection des requêtes (cf. supra, § 4.1). L’indirection de la requête subordonnée est la stratégie préférée d’expression des cliagers à la librairie-papeterie-presse, au tabac-presse, au Crédit Agricole et à la mairie.

En revanche, il convient de noter l’apparition du minimisateur lexical « petit » dans 22.3% des requêtes subordonnées à la librairie-papeterie-presse, et 34% à La Poste.

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°23

(33) Cliente n°31 : vous me faites une p’tite pochette

Corpus La Poste : interaction n°33

(5) Cliente n°37 : avec un p’tit reçu

Ici, l’adjectif n’entretient pas de rapport spécifique avec la taille de l’objet. Ces emplois montrent par ailleurs « combien la valeur rituelle de "petit" peut être étrangère à la signification dimensionnelle de l’adjectif » (Kerbrat-Orecchioni, 2001a : 108).

Les modifications externes sont, elles aussi, peu fréquentes en accompagnement des demandes subordonnées. En réalité, aucune des demandes subordonnées n’est annoncée par une pré-demande. On relève tout de même quelques cas de minimisation par la justification de la demande, mais ce procédé ne s’applique qu’aux requêtes subordonnées – aucune des questions subordonnées n’étant justifiée. Au total, 19% des requêtes subordonnées à la mairie, et 9% au Crédit Agricole font l’objet d’une justification.

Corpus mairie : interaction n°35

(18) Client n°46 : et vous pourrez corriger la date euh: (pause 1’’) sur le papier sinon l’examinateur va le voir alors: (silence 1’’)

Corpus Crédit Agricole : interaction n°9

(20) Cliente n°10 : ouh la la… ouh la la… vous z’avez pas des gros billets
  […]
(29) Cliente n°10 : c’est plus facile à transporter

En ce qui concerne les modifications internes, aucun désactualisateur modal ou temporel n’a été relevé en tant que minimisateur des demandes subordonnées.

Le modifieur externe « s’il vous plaît » ne vient adoucir qu’une seule des requêtes subordonnées et n’accompagne aucune des questions subordonnées.

Corpus mairie : interaction n°38

(5) Client n°46 : et l’inspecteur veut… une pièce de la mairie… avec euh::… ma photo tamponnée… sinon i veut pas que je passe le permis… et je dois le passer dans:… dans dix minutes c’est pour ça c’est très z’urgent
  […]
(36) Client n°46 : vous pouvez tamponner la: la photo s’i vous plaît

La comparaison des stratégies utilisées par les cliagers pour formuler leurs demandes principales et leurs demandes subordonnées montre que, dans l’ensemble, les demandes subordonnées sont formulées de manière beaucoup plus directe. L’étude comparative des modifications internes et externes permet de constater que les demandes subordonnées sont aussi beaucoup moins adoucies. Elles sont adressées au commagent de manière plus brutale et plus directive. Il semble donc que les cliagers soient beaucoup plus enclins à adoucir leurs demandes principales que leurs demandes subordonnées. Une hypothèse interprétative consiste à admettre que les cliagers ménagent les commagents et leurs faces en énonçant leurs demandes principales. Une fois que le commagent a accepté de les servir et est impliqué dans la réalisation de la demande, les cliagers ne prennent plus la peine d’adoucir leurs autres demandes, au risque de malmener les faces des commagents.