3. Les remerciements

Le remerciement est un acte de langage particulier,

‘[un] acte consistant à accuser réception d’un cadeau et à exprimer sa reconnaissance au responsable du cadeau. Le terme de « cadeau » doit être entendu au sens large, comme recouvrant toutes sortes d’actions bénéfiques pour le destinataire, qu’elles soient de nature non verbale ou verbale (Kerbrat-Orecchioni, 1996a : 86).’

Le remerciement doit donc être envisagé comme une formule réactive, comme l’expression d’une gratitude verbale pour une action ou le résultat d’une action demandée.

‘They occur in second position functioning as a means to convey a certain interpretation of the respective first-position element. […] Every sincere verbalization of gratitude is directed to some action (or actions) of a « benefactor » or to a result of this action (Coulmas, 1981 : 73-74).’

L’objet de la gratitude peut différer de plusieurs manières, mais Coulmas (ibid.) distingue quatre dimensions particulièrement importantes qui peuvent contraindre le choix du remerciement :

Ces quatre critères ne visent pas à l’élaboration de huit classes distinctes de remerciements et Coulmas ne les établit pas en tant que typologie : d’une part, il ne pose pas ces critères comme mutuellement exclusifs, et d’autre part, il envisage la possibilité de faire intervenir d’autres critères. Ces quatre critères visent simplement à la description de l’objet de reconnaissance en termes de propriétés différentes. Dans les interactions de commerce et de service, le remerciement à réception du produit peut se définir ainsi : il s’agit d’un remerciement ex post qui vient toujours en réaction à un bien matériel ou immatériel délivré à la suite d’une demande spécifique. Il vise donc à l’effacement d’une dette et varie également en fonction de la dette qu’il doit racheter : tous les objets de reconnaissance ne requièrent pas la même stratégie de remerciement. Par ailleurs, le choix de la formule remerciante visant à exprimer la gratitude du locuteur peut également varier en fonction de la relation interpersonnelle des participants. Ainsi,

‘the social relation of the participants and the inherent properties of the object of gratitude work together to determine the degree of gratefulness that should be expressed in a given situation (ibid., 75).’

Dans les interactions de commerce et de service, toutes les occurrences de remerciements relevées à réception du bien ne peuvent pas se voir attribuer la même valeur : celle-ci varie en fonction de la nature monnayée ou non de la transaction. Lorsque le bien ne donne pas lieu à compensation financière, la situation est une situation de don (Dimachki & Hmed, 2001b : 4), le remerciement vise alors à l’effacement d’une dette contractée par le cliager et à l’expression d’une gratitude envers le commagent. En cas de monnayage du bien, il n’y a plus de dette à effacer verbalement : seule l’expression d’une gratitude pour la mise à disposition du bien demeure.

Indépendamment de cette valeur attribuée au remerciement, toutes les formulations recensées sont des formulations directes. La formule elliptique « merci » de la formule performative « je vous remercie » constitue l’énoncé le plus courant, celui-ci relevant à la fois de la norme « normale » et de la norme « normée 141 ». Le remerciement fera l’objet de plusieurs traitements successifs au cours de cette analyse en fonction des contextes d’apparition. S’il n’est pas toujours aisé d’attribuer une valeur aux remerciements (cf. chapitre 5), ceux qui suivent immédiatement la mise à disposition du bien ou du service semblent incontestablement liés à cette mise à disposition. Les remerciements peuvent être énoncés par les cliagers aussi bien que par les commagents, mais ils demeurent dans une large proportion l’apanage des cliagers dans cette partie de la transaction.

Notes
141.

Terminologie fréquemment utilisée dans les manuels de Français Langue Étrangère permettant de distinguer une norme « normale » relevant de la fréquence d’utilisation des locuteurs d’une langue, d’une norme « normée » rendant uniquement compte de l’écrit.

Exemples :

A. Nous, on mange à la cantine tous les jours  norme normale ;

B. Nous, nous mangeons à la cantine tous les jours  norme normée.