Au moment où le commagent met le bien à disposition du cliager, celui-ci peut manifester une réaction, mais elle n’est pas systématique.
Aucune des délivrances de biens au tabac-presse ne fait l’objet d’une formule remerciante, tout comme 78.9% à la librairie-papeterie-presse, 65.2% à La Poste, 59.5% au Crédit Agricole, et 38.8% à la mairie. Aucun des cliagers du tabac-presse ne remercie la buraliste pour lui avoir fourni le bien demandé immédiatement après sa mise à disposition, mais on peut s’interroger sur le fait que ce remerciement est peut-être simplement différé et énoncé en clôture d’interaction. Dans ce cas, il sera traité en séquence de clôture s’il est précédé d’une (micro-)pause ou d’un quelconque indice permettant de le rattacher à la phase finale de l’interaction plutôt qu’à la mise à disposition du bien. Au tabac-presse comme sur les autres sites, plusieurs situations peuvent conduire à l’absence du remerciement à réception du bien.
Cas n°1 : les participants sont engagés dans un module conversationnel qu’ils n’interrompent pas au moment où le commagent met le bien à disposition. Le geste praxique ne se voit gratifié d’aucune sorte de réaction parce qu’une activité conversationnelle connexe se superpose à l’activité transactionnelle.
Corpus tabac-presse : interaction n°13
(5) | Client n°42 : j’ai un: début de sinusite euh : |
(( Le client n°42 pose deux pièces de dix francs sur le comptoir-caisse. )) | |
(6) | Client n°42 : c’est le printemps |
(7) | Buraliste : (rires) |
(8) | Client n°42 : (rires) (pause 2’’) euh : je voulais un Samson doux = |
(9) | Buraliste : = quand même (rires) |
(10) | Client n°42 : ça m’empêch’ra pas de fumer |
(11) | Buraliste : faut soigner le mal par le mal… c’est le principe de l’homéopathie = |
(( La buraliste se retourne et prend un paquet de Samson qu’elle pose sur le comptoir-caisse. )) | |
(12) | Client n°42 : = oui mais là euh :… ça fait deux jours que j’essaye et bon je trouve que ça a pas l’air de vouloir marcher |
(( Bruits de caisse enregistreuse. )) | |
(13) | Buraliste : mhm |
Cas n°2 : dès que le commagent a mis le bien à disposition, le cliager demande immédiatement combien il doit. Parfois, s’il connaît le prix de l’article, il peut directement poser l’argent sur le ramasse-monnaie, ou demander une confirmation s’il est hésitant.
Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°29
(21) | Client n°40 : vous vendez des Télécartes ou pas |
(22) | Guichetière : oui = |
(23) | Client n°40 : = ben je vais vous z’en prendre une |
(24) | Guichetière : cinquante ou cent vingt |
(25) | Client n°40 : euh::: cinquante |
(( La guichetière détache une carte d’un bandeau et le pose sur le comptoir-caisse. )) | |
(26) | Guichetière : voilà |
(27) | Client n°40 : c’est pas 40.60 |
(28) | Guichetière : si c’est ça |
Corpus tabac-presse : interaction n°34
(2) | Cliente n°49 : bonjour… un Camel s’i te plaît |
(( La buraliste se retourne et prend un paquet de Camel qu’elle pose sur le comptoir-caisse. La cliente cherche de la monnaie dans sa bourse et finit par donner des pièces jaunes. Bruits de caisse enregistreuse. )) | |
(3) | Cliente n°49 : dix (pause 6’’) neuf (pause 3’’) soixante-dix |
Cas n°3 : immédiatement après avoir mis à la disposition du cliager le bien demandé, le commagent réclame son dû.
Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n° 26
(12) | Cliente n°34 : et puis je voudrais un paquet d’enveloppes... s’i vous plaît |
(13) | Vendeuse : oui = |
(14) | Cliente n°34 : = mais des longues |
(15) | Vendeuse : c’est des z’env’loppes à chèques hein... rectangulaires = |
(16) | Cliente n°34 : = oui voilà c’est ça |
(17) | Vendeuse : d’accord |
(( La vendeuse prend un paquet d’enveloppes dans le tiroir où elles sont rangées et le pose sur le comptoir-caisse. Bruits de caisse enregistreuse. )) | |
(18) | Vendeuse : voilà donc vingt-deux francs cinquante s’il vous plaît |
Corpus La Poste : interaction n° 7
(4) | Cliente n°8 : vous me donnez dix timbres à:: deux soixante-dix |
(5) | Guichetière : dix à deux soixante-dix (pause 7’’) |
(( La guichetière ouvre le classeur dans lequel sont rangés les timbres et sort dix timbres qu’elle glisse sous la vitre. )) | |
(6) | Guichetière : voilà:… vingt-sept |
Cas n°4 : dès que la première demande a été satisfaite, le cliager formule une autre demande.
Corpus mairie : interaction n°2
(116) | Guichetier n°1 : voilà les dix bulletins de décès… et puis ben:: pour le moment c’est c’est tout pour nous |
(( Le guichetier pose les bulletins de décès sur le guichet devant le client n°2. Le client n°2 rassemble ses papiers. )) | |
(117) | Client n°2 : oui… alors i faut qu’on aille voir les pompes funèbres |
Corpus Crédit Agricole : interaction n°39
(( L’attaché de clientèle n°4 détache le duplicata, le plie en deux et le tend au client n°47. )) | |
(37) | Attaché de clientèle n°4 : voilà |
(( La cliente regarde le formulaire. )) | |
(38) | Cliente n°48 : faut que je la ramène lorsque je viens alors |
Cas n°5 : dès qu’il est en possession du bien demandé, le cliager initie un échange clôturant.
Corpus mairie : interaction n°15
(3) | Guichetière n°2 : alors les fiches d’état civil ne se font plus… depuis le début d’année (silence 1’’) faut que vo:: (pause 1’’) présentiez vot(re) livret de famille à l’organisme qui vous réclame les fiches d’état civil… ou en faire une photocopie |
(4) | Cliente n°20 : ah d’accord… bien (sourire) |
(5) | Guichetière n°2 : voilà |
(6) | Cliente n°20 : au r’voir |
Corpus Crédit Agricole : interaction n°4
((L’attaché de clientèle signe le bordereau de remise et le pose sur le guichet. )) | |
(7) | Client n°4 : eh ben voilà (pause 2’’) c’est tout bon |
(8) | Attaché de clientèle n°1 : parfait |
(9) | Client n°4 : au r’voir |
Les deux derniers exemples cités ont été choisis parce qu’ils permettent de soulever un problème par rapport à l’acte de remerciement : doit-il toujours se manifester par une formule remerciante conventionnelle ? Par exemple, le sourire de la cliagère dans l’extrait de la mairie ne peut-il pas être considéré comme l’équivalent paraverbal d’un remerciement ? Et le « c’est tout bon » du cliager au Crédit Agricole comme une forme indirecte de remerciement ? Ici encore, il semble pertinent de poser l’existence d’un degré de remerciement, dont la forme verbale « merci » et ses dérivés seraient considérés comme le plus haut degré dans la mesure où leur forme verbale ne peut prêter à confusion (par opposition au sourire, qui dans d’autres contextes pourrait donner lieu à diverses interprétations), et leur contenu sémantique est sans équivoque (par rapport à « c’est tout bon »).