3.1. Les remerciements des cliagers

Au moment où le commagent met le bien à disposition du cliager, celui-ci peut manifester une réaction, mais elle n’est pas systématique.

3.1.1. L’absence de remerciement

Aucune des délivrances de biens au tabac-presse ne fait l’objet d’une formule remerciante, tout comme 78.9% à la librairie-papeterie-presse, 65.2% à La Poste, 59.5% au Crédit Agricole, et 38.8% à la mairie. Aucun des cliagers du tabac-presse ne remercie la buraliste pour lui avoir fourni le bien demandé immédiatement après sa mise à disposition, mais on peut s’interroger sur le fait que ce remerciement est peut-être simplement différé et énoncé en clôture d’interaction. Dans ce cas, il sera traité en séquence de clôture s’il est précédé d’une (micro-)pause ou d’un quelconque indice permettant de le rattacher à la phase finale de l’interaction plutôt qu’à la mise à disposition du bien. Au tabac-presse comme sur les autres sites, plusieurs situations peuvent conduire à l’absence du remerciement à réception du bien.

Cas n°1  : les participants sont engagés dans un module conversationnel qu’ils n’interrompent pas au moment où le commagent met le bien à disposition. Le geste praxique ne se voit gratifié d’aucune sorte de réaction parce qu’une activité conversationnelle connexe se superpose à l’activité transactionnelle.

Corpus tabac-presse : interaction n°13

(5) Client n°42 : j’ai un: début de sinusite euh :
(( Le client n°42 pose deux pièces de dix francs sur le comptoir-caisse. ))
(6) Client n°42 : c’est le printemps
(7) Buraliste : (rires)
(8) Client n°42 : (rires) (pause 2’’) euh : je voulais un Samson doux =
(9) Buraliste : = quand même (rires)
(10) Client n°42 : ça m’empêch’ra pas de fumer
(11) Buraliste : faut soigner le mal par le mal… c’est le principe de l’homéopathie =
(( La buraliste se retourne et prend un paquet de Samson qu’elle pose sur le comptoir-caisse. ))
(12) Client n°42 : = oui mais là euh :… ça fait deux jours que j’essaye et bon je trouve que ça a pas l’air de vouloir marcher
(( Bruits de caisse enregistreuse. ))
(13) Buraliste : mhm

Cas n°2  : dès que le commagent a mis le bien à disposition, le cliager demande immédiatement combien il doit. Parfois, s’il connaît le prix de l’article, il peut directement poser l’argent sur le ramasse-monnaie, ou demander une confirmation s’il est hésitant.

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°29

(21) Client n°40 : vous vendez des Télécartes ou pas
(22) Guichetière : oui =
(23) Client n°40 : = ben je vais vous z’en prendre une
(24) Guichetière : cinquante ou cent vingt
(25) Client n°40 : euh::: cinquante
  (( La guichetière détache une carte d’un bandeau et le pose sur le comptoir-caisse. ))
(26) Guichetière : voilà
(27) Client n°40 : c’est pas 40.60
(28) Guichetière : si c’est ça

Corpus tabac-presse : interaction n°34

(2) Cliente n°49 : bonjour… un Camel s’i te plaît
  (( La buraliste se retourne et prend un paquet de Camel qu’elle pose sur le comptoir-caisse. La cliente cherche de la monnaie dans sa bourse et finit par donner des pièces jaunes. Bruits de caisse enregistreuse. ))
(3) Cliente n°49 : dix (pause 6’’) neuf (pause 3’’) soixante-dix

Cas n°3  : immédiatement après avoir mis à la disposition du cliager le bien demandé, le commagent réclame son dû.

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n° 26

(12) Cliente n°34 : et puis je voudrais un paquet d’enveloppes... s’i vous plaît
(13) Vendeuse : oui =
(14) Cliente n°34 : = mais des longues
(15) Vendeuse : c’est des z’env’loppes à chèques hein... rectangulaires =
(16) Cliente n°34 : = oui voilà c’est ça
(17) Vendeuse : d’accord
  (( La vendeuse prend un paquet d’enveloppes dans le tiroir où elles sont rangées et le pose sur le comptoir-caisse. Bruits de caisse enregistreuse. ))
(18) Vendeuse : voilà donc vingt-deux francs cinquante s’il vous plaît

Corpus La Poste : interaction n° 7

(4) Cliente n°8 : vous me donnez dix timbres à:: deux soixante-dix
(5) Guichetière : dix à deux soixante-dix (pause 7’’)
  (( La guichetière ouvre le classeur dans lequel sont rangés les timbres et sort dix timbres qu’elle glisse sous la vitre. ))
(6) Guichetière : voilà:… vingt-sept

Cas n°4  : dès que la première demande a été satisfaite, le cliager formule une autre demande.

Corpus mairie : interaction n°2

(116) Guichetier n°1 : voilà les dix bulletins de décès… et puis ben:: pour le moment c’est c’est tout pour nous
  (( Le guichetier pose les bulletins de décès sur le guichet devant le client n°2. Le client n°2 rassemble ses papiers. ))
(117) Client n°2 : oui… alors i faut qu’on aille voir les pompes funèbres

Corpus Crédit Agricole : interaction n°39

  (( L’attaché de clientèle n°4 détache le duplicata, le plie en deux et le tend au client n°47. ))
(37) Attaché de clientèle n°4 : voilà
  (( La cliente regarde le formulaire. ))
(38) Cliente n°48 : faut que je la ramène lorsque je viens alors

Cas n°5  : dès qu’il est en possession du bien demandé, le cliager initie un échange clôturant.

Corpus mairie : interaction n°15

(3) Guichetière n°2 : alors les fiches d’état civil ne se font plus… depuis le début d’année (silence 1’’) faut que vo:: (pause 1’’) présentiez vot(re) livret de famille à l’organisme qui vous réclame les fiches d’état civil… ou en faire une photocopie
(4) Cliente n°20 : ah d’accord… bien (sourire)
(5) Guichetière n°2 : voilà
(6) Cliente n°20 : au r’voir

Corpus Crédit Agricole : interaction n°4

  ((L’attaché de clientèle signe le bordereau de remise et le pose sur le guichet. ))
(7) Client n°4 : eh ben voilà (pause 2’’) c’est tout bon
(8) Attaché de clientèle n°1 : parfait
(9) Client n°4 : au r’voir

Les deux derniers exemples cités ont été choisis parce qu’ils permettent de soulever un problème par rapport à l’acte de remerciement : doit-il toujours se manifester par une formule remerciante conventionnelle ? Par exemple, le sourire de la cliagère dans l’extrait de la mairie ne peut-il pas être considéré comme l’équivalent paraverbal d’un remerciement ? Et le « c’est tout bon » du cliager au Crédit Agricole comme une forme indirecte de remerciement ? Ici encore, il semble pertinent de poser l’existence d’un degré de remerciement, dont la forme verbale « merci » et ses dérivés seraient considérés comme le plus haut degré dans la mesure où leur forme verbale ne peut prêter à confusion (par opposition au sourire, qui dans d’autres contextes pourrait donner lieu à diverses interprétations), et leur contenu sémantique est sans équivoque (par rapport à « c’est tout bon »).