A. Les pré-clôtures

Certaines clôtures d’interaction sont précédées par une pré-clôture, c’est-à-dire une intervention destinée à annoncer au partenaire d’interaction sa décision d’y mettre un terme. La présence de cette pré-clôture en contexte transactionnel pose question : qui prend l’initiative de cette pré-clôture ? Le participant qui en est à l’origine aurait-il besoin de l’accord du partenaire d’interaction pour mettre un terme à leur rencontre ? Cette pré-clôture peut-elle faire l’objet d’une négociation entre les participants ?

Les pré-clôtures visent donc à annoncer la proche clôture de l’interaction et à introduire la clôture proprement dite tout en douceur. Suivant Schegloff et Sacks (1973 : 304) les pré-clôtures seront considérées comme faisant partie intégrante de la séquence de clôture. Mais il serait également possible de les considérer comme un prolongement de la transaction, comme une sorte de marqueur de fin de transaction.

Pour ne pas annoncer de façon trop brusque son départ, le participant qui souhaite mettre un terme à l’interaction a recours à une pré-clôture afin d’introduire le ou les échange(s) clôturant(s). Schegloff et Sacks envisagent la pré-clôture comme « une procédure de suspension du système des tours » (Traverso, 1996 : 76). Ces pré-clôtures marquent la fin du système des tours du corps de la transaction en initiant un nouveau système de tours : celui de la clôture. L’intérêt de préparer et d’annoncer la proche clôture de l’interaction vise au ménagement de la face positive de l’interlocuteur. Le quitter brusquement pourrait être perçu comme un FTA, même si cette menace s’avère moins pesante dans ce type de contexte qu’elle ne pourrait l’être dans des situations plus intimes.

Schegloff et Sacks se sont essentiellement intéressés aux pré-clôtures prenant la forme de marqueurs du type « bon », « bien », etc.

‘The kind of pre-closing we have in mind takes one of the following forms, « We-ell », « O.K. », « So-oo », etc. (with downward intonation contours), these forms constituting the entire utterance (1973 : 303).’

En d’autres occasions, le marqueur auquel on attribue une valeur de pré-clôture peut n’être pas suivi de la véritable clôture, mais d’une autre pré-clôture formulée par le partenaire d’interaction, formant ainsi non plus une pré-clôture mais un échange de pré-clôture.

Dans les interactions de commerce et de service, les pré-clôtures sont presque toujours suivies de l’échange clôturant. Traverso (1996 : 75 sqq) propose une étude des pré-clôtures à partir d’un corpus de conversations familières. Les pré-clôtures sont assez nombreuses dans une seule et même interaction car il y a une négociation qui s’engage entre les participants. Les pré-clôtures attestées prennent la forme de marqueurs, du rappel d’un des thèmes abordés dans l’interaction, ou bien de la mention d’une nécessité soudaine de clore l’interaction. La particularité des pré-clôtures dans les conversations familières est qu’elles doivent être réitérées jusqu’à ce que tous les participants soient d’accord pour clore l’interaction et qu’aucun d’entre eux n’initie plus de nouveau thème conversationnel ; processus qui peut parfois être long.

La description des pré-clôtures attestées lors de visites entre personnes de connaissance effectuée par Traverso ne peut s’appliquer aux interactions en situation transactionnelle. En effet, dans ce contexte formel, il est cohérent de n’avoir qu’une seule pré-clôture car une fois la transaction achevée, les commagents n’ont plus de raison de retenir le cliager, lequel n’a pas non plus de raison de s’attarder. Ce n’est pas comme lors d’une soirée entre amis où le moment de la séparation est relativement délicat et où l’on commence parfois à annoncer son intention de s’en aller plusieurs minutes avant le départ réel en produisant plusieurs pré-clôtures à quelques minutes d’intervalle. Le problème posé par les pré-clôtures dans les interactions de commerce et de service est donc de savoir à quel moment particulier de l’interaction elles apparaissent, et sous quelle forme. Deux types d’items à valeur clôturante ont été identifiés et reconnus comme tels : des items verbaux et des items non-verbaux. Les pré-clôtures apparaissent sous l’une de ces formes dans 73.5% des clôtures au tabac-presse, 61.9% à La Poste, 46.3% à la mairie, 42% à la librairie-papeterie-presse et 36.5% au Crédit Agricole.