1. Les pré-clôtures non-verbales

Toutes les pré-clôtures non-verbales sont initiées par les cliagers afin de faire comprendre aux commagents qu’ils ont l’intention de rejoindre l’extérieur. Elles se manifestent par un mouvement effectué en direction de la sortie, les cliagers pouvant même rester quelques instants la main sur la porte avant de l’ouvrir pour permettre à leur module conversationnel d’arriver à son terme. Toujours en raison de l’absence de support vidéo, les comptages présentés ici ont été établis à partir des notes prises au moment du recueil des données et sont donc susceptibles d’être faussés, un cliager ayant pu esquisser un tel mouvement alors que j’étais en train de prendre les notes et me trouvais dans l’impossibilité de voir ce mouvement. Les chiffres proposés sont uniquement fournis à titre indicatif. Les pré-clôtures non-verbales représenteraient donc 19.2% du total des pré-clôtures recensées dans les corpus. Il convient de signaler, par ailleurs, que les pré-clôtures non-verbales ne sont pas attestées à la mairie. La configuration spatiale de la mairie ne permet pas ce genre de mouvement en direction de la porte ; la porte de sortie du bâtiment étant située à l’étage inférieur. À la mairie, soit le cliager est devant le guichet, face au commagent, soit il s’en va. Il ne peut pas stationner à quelques mètres du guichet en poursuivant son interaction avec le guichetier pour lui indiquer qu’il souhaite prendre congé. Ce type de pré-clôtures est attesté sur tous les autres sites munis d’une porte de sortie à proximité du guichet, du comptoir-caisse ou de la banque.

Hormis les connaissances encyclopédiques des participants qui impliquent qu’en contexte transactionnel – comme dans d’autres contextes d’ailleurs – lorsqu’on s’approche de la porte, cela marque l’intention de sortir, ce sont les enchaînements auxquels ces mouvements en direction de la porte donnent lieu qui permettent de leur attribuer cette fonction de geste à valeur clôturante. Ils peuvent se combiner à une pré-clôture verbale (cf. § 3) ou une clôture verbale du cliager (cf. § B) ou être suivis d’une pré-clôture verbale (cf. § 3) ou d’une clôture verbale du commagent (cf. § B).

Les cas où ce mouvement en direction de la sortie ne sont suivis d’aucune formule conclusive du cliager ou du commagent posent un problème descriptif : doit-on les considérer comme une pré-clôture ou tout simplement comme un geste nécessaire pour quitter le lieu clos ?

Corpus tabac-presse : interaction n°3

(46) Cliente n°5 : je sais pas p-… mais alors mes gamins me disent tous… j’espère qu’on s’ra pas aussi grand pa’ce qu’alors qu’est-ce qu’il est con c(el)ui-là alors (sourire)
(( La cliente n°5 tient la poignée de la porte. ))
(47) Buraliste : (rires)
(( La cliente n°5 ouvre la porte du magasin. ))
(48) Cliente n°5 : vingt-neuf ans cette année… il a jamais travaillé (pause 3’’)
(49) Buraliste : ben moi aussi j’ai un fils…
(( La cliente n°5 sort du magasin avant que la buraliste n’ait terminé sa phrase . ))
(50) Buraliste : il a 28 ans… il a pas travaillé

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°35

(11) Client n°48 : bon j’envoie le chef payer
(12) Vendeuse : d’accord
(13) Client n°48 : je suis le magasin d’à côté
(14) Vendeuse : oui oui je vous reconnais
  (( Le client ressort en courant .))

En tant que pré-clôtures, ces mouvements en direction de la sortie devraient être suivis d’une autre pré-clôture ou d’une intervention clôturante de la part du commagent ou du cliager. Il est donc impossible de les considérer comme des pré-clôtures. Les interactions où le seul indice de la fin de l’interaction consistera en ce mouvement de sortie seront traitées comme des interactions sans séquence de clôture. À quelques exceptions près, c’est-à-dire les interactions sans séquence de clôture, toutes les pré-clôtures sont suivies d’une intervention ou d’un échange clôturants.

Les pré-clôtures non-verbales apparaissent dans les interactions de commerce et de service à deux moments privilégiés.

Cas n°1  : après la transaction

La pré-clôture non-verbale peut en effet être initiée immédiatement à la fin de la transaction, lorsque le cliager pense que l’interaction n’a plus de raison d’être et décide de s’en aller 201 .

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°27

(19) Vendeuse : oui... non mais c’est vrai qu’on a pas beaucoup ce genre d’ouvrage hein (pause 3’’) voilà
  (( Le client se tient toujours devant la caisse et semble attendre quelque chose. ))
(20) Vendeuse : non mais y a pas de monnaie hein
(21) Client n°35 : quel idiot
  (( Le client esquisse un mouvement en direction de la porte . ))
(22) Vendeuse : bonne soirée... merci... au r’voir monsieur

Cas n°2  : après un module conversationnel

La pré-clôture non-verbale apparaît également lorsque les participants se sont engagés dans un module conversationnel après ou pendant la transaction et que le cliager a suffisamment conversé pour pouvoir s’en aller.

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°2

(31) Vendeuse : hé oui... faut faire avec
  (( Le client n°2 s’approche de la porte et l’entrebâille . ))
(32) Client n°2 : oh ben c’est ben la sais- c’est ben un joli temps r’marquez
(33) Vendeuse : (sourire) allez... bon dimanche

Il est incontestable que le déplacement du cliager vers la porte fonctionne pour les commagents comme une pré-clôture, puisqu’immédiatement après, ils initient eux-mêmes une pré-clôture et/ou une intervention clôturante.

Notes
201.

De manière à avoir accès aux enchaînements, les énoncés nécessaires à l’interprétation de la pré-clôture seront reportés ici et pour les exemples suivants, mais seuls les items en gras sont pris en compte dans la pré-clôture.