2. Les pré-clôtures verbales

Les interventions situées à la fin de la transaction ont été identifiées comme pré-clôtures dans la mesure où elles sont systématiquement suivies d’un énoncé clôturant : ce sont des marqueurs de structuration. Par ailleurs, la présence de certains remerciements à des moments similaires a soulevé de nombreuses difficultés. Le remerciement, plusieurs fois abordé, semble un acte de langage au fonctionnement réellement complexe car le même acte peut se voir attribuer des valeurs illocutoire et conversationnelle fort différentes en fonction du moment et du co(n)texte d’apparition. Le problème rencontré ici rejoint le problème déjà évoqué de remerciements émis par le cliager après le paiement alors qu’il ne s’est pas vu remettre de monnaie (ch. 5 § B 2.3 et 3.3).

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°3

  (( Le client n°5 pose l’appoint sur le ramasse-monnaie, la vendeuse le range dans sa caisse. ))
(78) Client n°5 : ben vous z’y perdrez pas tout
(79) Vendeuse : [merci
(80) Client n°5 : [merci bien

Corpus La Poste : interaction n°15

  ((La cliente sort son porte-monnaie et pose la monnaie sous la vitre. ))
(10) Guichetière : merci
(11) Cliente n°17 : merci

Dans les cas de ce genre, le remerciement du cliager avait été considéré comme difficile à interpréter car le cliager a fourni l’appoint et ne reçoit pas de monnaie, et qu’il n’y a pas de pause préalable à ce remerciement permettant de le distinguer assurément de la fin de la transaction et de le rattacher à la séquence de clôture. Aussi avait-il été admis à ce moment-là que le remerciement du cliager visait vraisemblablement à entériner la transaction. Mais il serait également possible de considérer ce remerciement comme une pré-clôture verbale, la valeur réelle à attribuer à ces remerciements se situant probablement à mi-chemin entre les deux.

De la même manière, les formules d’excuse conclusives énoncées en fin de transaction lorsque le bien ou le service n’est pas disponible ou ne revêt pas la forme souhaitée pourraient être envisagées comme une pré-clôture. Ces excuses ont été rattachées à la transaction car elles surviennent en cas d’échec de la transaction (cf. chapitre 4), mais elles pourraient fonctionner comme pré-clôtures puisqu’elles sont, elles aussi, suivies d’interventions ou d’échanges clôturants, et peuvent être initiées aussi bien par le commagent que le cliager.

Corpus librairie-papeterie-presse : interaction n°31

(3) Cliente n°44 : je peux vous d’mander tout de suite... vous z’avez que ça comme recharges pour les agendas comme ceci
(4) Vendeuse : euh: faites-moi voir votre agenda
(5) Cliente n°44 : c’est euh:: y a tout en fait dedans
(6) Vendeuse : mais vous z’avez une référence (silence 2’’)
(7) Cliente n°44 : pff::: je crois pas qu’y en ait
(8) Vendeuse : pa’ce que c’est pas… c’est pas... un article de papeterie
(9) Cliente n°44 : non... du tout... mais::: [comme euh c’est les mêmes intercalaires... c’est pour
(10) Vendeuse : [ben on-
(11) Cliente n°44 : ça =
(12) Vendeuse : = ben: en général ça se recharge pas ça
(13) Cliente n°44 : d’accord... bon (rires) merci
(14) Vendeuse : je suis désolée: hein
(15) Cliente n°44 : bonsoir
(16) Vendeuse : au r’voir

Cette excuse de la commagente est bien décodée par la cliagère comme une formule d’excuse pouvant se voir attribuer une valeur de pré-clôture : si l’article convoité par n’est pas disponible dans le magasin, sa présence n’est plus nécessaire et elle n’a qu’à quitter les lieux. Par ailleurs, le « merci » dans l’intervention précédente de la cliagère peut déjà fonctionner comme une première pré-clôture. Dans ce cas, la formule d’excuse conclusive de la commagente ne viserait qu’à confirmer l’échec et donc la fin de la transaction.

Corpus mairie : interaction n°17

(3) Client n°22 : je voulais: (pause 1’’) un certificat de:: (silence 1’’)
(4) Guichetière n°2 : vie
(5) Client n°22 : de vie
(6) Guichetière n°2 : oui… euh: =
(7) Client n°22 : = c’est pour envoyer en Espagne… c’est pour toucher ma retraite
(8) Guichetière n°2 : ça ne se fait plus euh::… le certificat de vie…
[…]
(24) Guichetière n°2 : ben non mais [::… si tout le monde répond comme ça i verront bien que c’est
(25) Client n°22 : [eh ben si
(26) Guichetière n°2 : vrai que ça ne se fait plus (pause 1’’) i s’ront bien obligés de : (silence 4’’)
(27) Client n°22 : merci beaucoup… merci
(28) Guichetière n°2 : à vot(re) [service
(29) Client n°22 : [excusez-moi
(30) Guichetière n°2 : y a pas de mal… au r’voir m’sieur

Il arrive que ce soit le cliager qui s’excuse lorsqu’il a formulé une demande un peu spéciale d’article ou de service et que le commagent n’est pas en mesure de la satisfaire. Les excuses produites par les cliagers sont toutes déniées par un « y a pas de mal » des commagents laissant à penser que le cliager n’a pas à s’excuser, et ce, quelle que soit la demande formulée.