IV Méthodologie

La complexité et la diversification de cette profession ont engendré une multitude de documents divers. La formation demeure très variable et, par conséquent, très hétérogène. Nous sommes donc dans l'obligation de travailler par étapes successives, en employant différentes méthodes pour essayer de reconstituer cette histoire.

Pour cela, nous avons d'abord dû, à défaut de documents, difficiles à se procurer du fait de leur rareté, rencontrer de nombreux pompiers, âgés de trente à quatre vingt quatre ans. Ces rencontres se sont déroulées sous-forme de petits entretiens individuels d’une durée moyenne d’une heure. Vingt pompiers ont été interrogés. Chacun n’avait pas incorporé le corps de Lyon la même année, de façon à suivre une évolution dans leur formation initiale. Les plus anciens, en retraite aujourd'hui, nous ont permis de remonter le temps. Les éléments arrivent cependant par brides. En effet, peu d'entre eux ont conservé des documents d’archives ; ils essaient donc de rapporter de mémoire les faits et gestes de l'époque. Nous devons leur poser des questions précises, mais souvent leurs réponses restent vagues. Seules les anecdotes relatives à des interventions peu banales restent gravées dans leur mémoire. A chacun je demande s'il a gardé son classeur d'instruction, c'est à dire le document que les stagiaires ont en leur possession pendant leur cinq mois de formation de base. Il se construit de jour en jour, au fur et à mesure de la progression des cours. Constitué de chapitres qui traitent tous les sujets propres à ce métier, exclusivement technique, il doit répondre à toutes les questions que peut, lors d'une intervention, se poser un sapeur-pompier. Ce dernier doit conserver cet outil technique tout au long de sa carrière et avoir le souci de l'étoffer et de le modifier suivant les nouvelles réglementations. Nous n'avons pas eu la possibilité de le consulter année par année car, hélas, tous les sapeurs-pompiers ne l'ont plus. Dès lors, nous n'avons pas pu faire le point régulièrement ni, ainsi, suivre une progression dans le temps. Ensuite, nous avons repris les entretiens. Le fait d'avoir pu recadrer un historique de formation cohérent autorise l'apport de précisions. Certains événements ont permis aux anciens de se souvenir de faits oubliés jusqu'alors.

En ce qui concerne l'historique général, nous avons travaillé à l'aide de documents, de livres et d'archives découverts dans les bibliothèques de diverses villes de France; Lyon, Montpellier, Toulouse et Saint-Etienne.

Nous nous sommes aussi rendu à l'état-major de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, afin d'obtenir des renseignements sur les formations des militaires. Bien que nous nous soyons entretenu avec plusieurs sous-officiers et officiers, nous nous sommes cependant vite heurté à un mur de silence et de refus. En effet, les militaires n'ont pas le droit de divulguer des renseignements aux civils. Nous avons simplement obtenu des données sur les grandes lignes de la formation classique. Il est donc impossible d'effectuer une analyse comparative poussée entre formation civile et formation militaire. De plus, certaines informations, difficilement obtenues par oral, n'ont pas reçu de l'armée l'autorisation d'être reproduites par écrit. A l'heure actuelle, nous devons donc abandonner la piste «  formation militaire «  et nous en tenir à celle des civils. Nous parlerons simplement de la naissance et du fonctionnement de cette brigade. Il sera en revanche possible, au fur et à mesure des votes qui concernent les textes officiels, de présenter en détail la formation des sapeurs-pompiers volontaires, qui prennent une place de plus en plus importante dans les secours; ils sont donc nombreux. Le ministère de l'Intérieur semble en outre s'intéresser à cette catégorie, susceptible d'intervenir rapidement en nombre suffisant. Financièrement, cette alternative représente une forte économie pour les collectivités locales. Cependant, cela pose certains problèmes en ce qui concerne précisément la formation. Ils conviendra donc d'essayer d'en envisager une qui pourrait s'adapter à eux, vu qu'ils vont certainement jouer un rôle important au vingt et unième siècle.

Au niveau national, les grands changements sont décidés à la Direction de la Sécurité Civile, dont le siège se trouve à Paris. Nous avons donc rencontré des officiers sapeurs-pompiers chargés de ces missions. Après différents entretiens, la présentation des orientations de l'avenir s'est avérée possible. Nous nous rendons compte à cet égard que la formation est l’objet de vues divergentes et est complexe. De plus, les informations, même dans les grands corps comme celui de Lyon, sont diffusées à petite échelle et seulement à une partie minime du personnel. Le fait de ne pas disposer d’un grade d'officier entraîne des difficultés pour les obtenir car toutes les décisions ministérielles et les changements concernant le nouveau schéma de formation ne sont pas systématiquement divulgués à tout le corps du Grand Lyon ou, lorsque c'est le cas, c'est avec beaucoup de retard. Dans ce domaine, un travail considérable de communication est à développer, afin de tenir tous les sapeurs-pompiers au courant du devenir de la formation. Cela pourrait parfois éviter des rumeurs et l'émergence d'incertitudes revendicatrices. Beaucoup, en effet, sont inquiets car ils savent qu’elle va être totalement transformée, mais peu connaissent exactement les grandes directions de ce changement. Cette visite à Paris nous a donc permis de nous informer plus précisément à ce propos. Nous nous rendons compte que sur le terrain, ce remaniement risque de poser des problèmes.

L'étude plus approfondie de ces innovations nous poussera à une critique constructive pour établir et essayer de proposer, à la fin de cette thèse, un système fondé sur une analyse théorique et pratique du nouveau schéma de formation. Si celui-ci est en cours de mise en pratique, il lui faudra probablement plusieurs années pour pouvoir véritablement fonctionner dans tous les corps. L'adaptation sur le terrain engendre automatiquement une formation spécifique des cadres, qui devront la répercuter sur le personnel de terrain. Le facteur relationnel va, à notre avis, être déterminant pour la vitesse d'adaptation. Or le nouveau schéma a omis d'aborder ce facteur, qui risque pourtant d'être essentiel pour une bonne acceptation par le personnel. Une formation communication est mise en place, mais elle demeure exclusivement théorique. Le relationnel entre les personnes de grades différents dans la hiérarchie n'est pas toujours fonctionnel et provoque souvent du retard dans les actions menées. De plus, nos propositions sont susceptibles d'être étudiées par les autorités compétentes, car elles pourront éventuellement compléter ces nouveaux projets. Or cela est, bien entendu, extrêmement motivant et encourageant ; aborder quelque chose de nouveau, qui se construit peu à peu, doit obligatoirement permettre une évolution dans le temps et une progression croissante. N'étant pas achevée, cette nouvelle formation demeure ouverte à des suggestions susceptibles de favoriser une formation complète et efficace des sapeurs-pompiers de l'an deux mille.

Dans la première partie de la thèse, nous analysons essentiellement la construction de la formation à travers le temps, parallèlement à l'évolution de la profession, en prenant l’exemple du corps de Lyon, qui est le plus important de France.

La seconde est consacrée à l'organisation, à l'évolution et à l'agencement de la formation.

La troisième aborde la réforme évolutive au travers de l'histoire, de l'existant, de l’évolution sociologique, des mœurs et du nouveau schéma de formation, de sa mise en place et de son analyse.