3 LES GRANDES GUERRES

Août 1870, les armées Prussiennes sont aux portes de Strasbourg et, le quinze de ce mois, la colossale artillerie se met en batterie. La résistance s'installe. Le travail des sapeurs-pompiers est gigantesque et ils sont secondés par toutes les personnes valides, car ils ne sont pas à l'abri de l'artillerie et leur nombre s'amenuise. A Paris, c'est l'affolement général. Le gouvernement fait entreposer dans des dépôts, des vivres, des munitions et du matériel surveillés par les sapeurs-pompiers. Ceux qui sont âgés de moins de quarante ans sont réquisitionnés et dirigés sur la capitale pour renforcer les pompiers militaires. Quant à la garde nationale, elle enrôle des volontaires pour constituer des corps de pompiers auxiliaires. Il y en aura jusqu'à six mille dans la capitale au mois de mai 1871. Pendant la célèbre " semaine sanglante ", les incendies font rage. Les pompiers de Paris sont tellement inorganisés qu'ils n'arrivent plus à arrêter le feu. Il devient difficile d'imaginer le véritable désordre qui existe à cet instant de l'histoire. Leur corps est dissout le 25 mars 1871 mais reconstitué sous le nom de " corps civil des sapeurs-pompiers de la commune de Paris ". Six mille pompiers, chacun avec son propre matériel, déferlent dans les gares de Paris. La plupart du temps, ils sont à pied et doivent essayer de rejoindre une caserne, ce qui entraîne une errance pendant, parfois plusieurs heures, sur les routes. Ils sont exténués et certains sont même arrêtés et jetés en prison car les gens les prennent pour des voleurs. La formation est inexistante. Le désordre est si grand qu'aucune règle n'est établie et que les incendies sont combattus anarchiquement. De plus, de nombreuses manifestations se produisent dans leur ville d'origine, car ils partent pour Paris et laissent quasi désertes leurs casernes. Heureusement, ce désordre ne dure qu'une semaine. Mais, une fois rentrés chez eux, contrairement aux promesses, aucune indemnisation n'est distribuée et le gouvernement proclame que les pompiers communaux ont travaillé par pur patriotisme. Cet événement entraîne immédiatement de nombreuses démissions. Seules certaines villes conservent leur compagnie, car elles ont l'idée judicieuse de distribuer des médailles pour récompenser ceux qui sont partis défendre la capitale.

Au milieu de ce désordre, les autorités doivent prendre des décisions. Le 25 août 1871, la loi Freycinet instaure un règlement d'administration publique. Et, en 1872, une loi sur le règlement et l'organisation des armées entre en vigueur. Elle précise que, même armés, excepté pour les rassemblements en armes, les pompiers ne sont pas soumis à l'autorité militaire et aux lois de l'armée. Le 27 décembre de cette même année, un recensement de toutes les armes est ordonné, en vue d'uniformiser les équipements. Ainsi, l'idée de l'uniformisation, pourtant fort ancienne, est encore d'actualité puisque, aujourd'hui, l'uniformité, que ce soient celles des matériels, de l'équipement, du régime horaire de travail ou de la formation, .., n'est pas encore mise en place ! Cependant, les pompiers s'opposent à cette idée car ils craignent d'être, malgré la loi de 1872, rattachés au ministère de la guerre. Le souvenir de la semaine sanglante est, à ce moment, certainement bien présent parmi eux. Il faut attendre le décret du 29 décembre 1875 4 , pour que la lutte contre les incendies deviennent leur mission principale et qu'ils soient inclus au ministère de l'Intérieur. Ils sont alors recrutés lorsqu'ils sont libérés des obligations militaires et signent un engagement pour une durée de cinq ans. A ce moment, ils seront formés au métier de soldat du feu.

Les communes, quant à elles, financent leur entretien et celui du matériel. L'organisation se fait plus précise : les corps sont constitués au maximum de cinquante et un hommes et les compagnies de cinquante deux à deux cent cinquante; enfin, un bataillon est formé de cinq cents hommes. Un corps de musique est mis en place en plus de l'effectif et régi par l'article 14 du titre II. Cela est toujours en vigueur et, lors des fêtes nationales, nous pouvons les voir défiler dans de nombreux villages ou petites villes. Les départements sont soumis à l'autorisation ministérielle pour éviter que se reproduise le désordre de la semaine sanglante à Paris. Les officiers doivent porter un uniforme, qui est obligatoire dans les communes de plus de trois mille habitants. Il ressemble à celui des pompiers de Paris. Un inspecteur départemental est nommé par chaque Préfet. Sa mission est l'uniformisation de la tenue et des manœuvres, la formation ne faisant pas partie de sa mission. Mais les conseils généraux, dans leur grande majorité, sont dans l'impossibilité de financer cet inspecteur et, de plus, il n'est pas tellement bien perçu par les futurs sapeurs-pompiers, qui sont, pour la plupart, des artisans. Seul le département de la Seine va, finalement, en nommer un. En conclusion, ce décret va entraîner une perte des effectifs: deux cent quatre vingt six mille en 1867, pour cent quatre deux mille en 1877; le nombre de compagnies chute de huit mille sept cent soixante à six mille cent trente. Mais cette décroissance va s'arrêter à la suite d'un autre décret, qui autorise le maintien des armes. Cependant, toutes les communes n'appliquent pas le règlement et nombreuses sont celles dont le corps ne compte ni grades, ni uniformes. Ces pompiers sont alors nommés : ouvriers-pompiers, travailleurs-pompiers ou encore aides-pompiers. Nous constatons que, dans de nombreux domaines, l'hétérogénéité est de rigueur ; rien de stable n'est établi. La formation n'échappe pas à cette règle et demeure inexistante dans les corps. Ce décret du 29 décembre 1875 ne fait donc pas l'unanimité chez eux.

Ce manque de ferveur est certainement ce qui va entraîner la création de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers. C'est en effet en 1881 que le Capitaine Charles Auguste MICHEL, chef de corps de la ville de Vailly, dans l'Aisne, a, le premier, lancé l'idée de regrouper ceux de son département pour essayer de trouver des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent et qui sont liés, comme nous l'avons constaté auparavant, au décret du 29 décembre 1875, qu’ils n'apprécient guère. Le Capitaine MICHEL estime que l'union peut permettre la création de l'inspection départementale prévue par ce décret, l'uniformisation des manœuvres, la formation du personnel et la modernisation du matériel. Il organise à Vially, les 18 et 19 septembre 1881, un congrès auquel dix huit départements de la moitié nord de la France sont représentés. Une association va en naître, dont le siège social est fixé à Reims, où le futur congrès de 1882 est prévu pour le 17 septembre. Le 24 septembre, les statuts de l'association sont reconnus par le Préfet de la Marne. L'association est nommée: "Fédération des Officiers et Sous-Officiers des Sapeurs-Pompiers de France et d'Algérie ". Son but est de proposer des réformes pour obtenir une bonne organisation des compagnies. Les membres sont nommés pour quatre ans et renouvelables par quart tous les ans. Son premier président est le Capitaine PATOUX. Aujourd'hui, son onzième successeur est le Colonel ORY, l'actuel chef de corps des sapeurs-pompiers du département de l’Isère.

Cependant, de nombreux problèmes subsistent et sont au cœur des discussions : le recrutement du personnel devient difficile, du fait du manque de rétribution, l'institution d'une pension pour les veuves des sapeurs-pompiers morts en service commandé, la tenue réglementaire, le port des armes et enfin l'uniformisation du matériel. C'est pourquoi, à la suite de nombreux désaccords sur ces sujets brûlants, une seconde association va voir le jour le 12 novembre 1900 : l'Union. Cette dernière intègre les corps et les unions cantonales et départementales ; C'est, en quelque sorte, une association dissidente. Mais il s'avère que leurs programmes respectifs diffèrent peu. C'est pourquoi, finalement, un rapprochement va s'amorcer dès 1903 5 , pour aboutir, le 21 juillet 1907, à La Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers Français, ( FNSPF ). Depuis cette date, les responsables vont tout mettre en oeuvre pour organiser et défendre les intérêts des pompiers français. Le 29 mars 1914 6 , le Conseil Fédéral modifie les statuts. Mais la guerre éclate et ces derniers ne seront pas enregistrés : il faudra attendre le 13 août 1925 7 ,. En 1950, une nouvelle refonte des statuts est décidée le 11 juin. En fait, il s'agit simplement de modifier l'appellation. Désormais, il faut dire : "Fédération des Sapeurs-Pompiers de France et de l'Union Française, (journal officiel du 5 mai 1951 ). De même, en 1959, à la suite de la nouvelle Constitution Française de 1958, elle perd son nom et devient : " Fédération des Sapeurs-Pompiers de la République Française et de la Communauté ". Son siège social est installé 27 rue de Dunkerque à Levallois-Perret, où il demeure encore actuellement. Le 19 mars 1965, elle redevient : " Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers Français ". Ce nom ne sera plus modifié depuis. Le 8 octobre 1967, les statuts sont à nouveau transformés, pour permettre aux régions d'être mieux représentées et dans le souci de décentraliser le pouvoir de la fédération, qui reste bien ancrée dans la capitale. Le 8 octobre 1972, les sections de jeunes cadets font leur entrée, en tant que membres associés. Enfin, le 26 avril 1997, les statuts subissent un grand bouleversement 8 . La fédération prend désormais le nom de " Fédération Nationale de France". Elle veut demeurer fidèle à l'image et aux valeurs des sapeurs-pompiers, en respectant les diversités qui créent parfois des tensions mais qui caractérisent ce métier particulier. Ces derniers textes ne se démarquent pas complètement de ceux de 1972. Ils permettent surtout une adaptation à la société actuelle et préparent le pompier de l'an 2000. Il est vrai et évident que, si l' évolution globale est toujours aussi rapide dans les années à venir, ils devront certainement se transformer à nouveau, de façon à s'adapter au contexte.

En ce qui concerne l'organisation, chaque corps de sapeurs-pompiers, volontaires ou professionnels, crée une amicale, dont le président et le bureau sont élus par les pompiers du corps et qui permet d'assurer les relations avec les pouvoirs publics communaux et de gérer une caisse, souvent appelée " caisse d'entraide ". Aujourd'hui, nous pouvons l'assimiler aux comités d'entreprises, car elle joue un rôle similaire.

Celles d'un département sont réunies au sein d'une union départementale, dont le président est élu soit au suffrage universel, soit par le conseil d'administration de son union. Il représente les sapeurs-pompiers auprès des autorités départementales et est chargé de constituer des groupes et des commissions de travail et d'organiser des compétitions sportives. De même, existe-il les unions régionales, qui assurent la liaison entre unions départementales et fédération nationale. Cette dernière établit un lien constant avec le cabinet du Ministre de l'Intérieur et a pour rôle de présenter et défendre les réformes des services de secours dans tous les domaines.

Le président de la fédération est élu au suffrage universel indirect par les présidents des unions, qui possèdent autant de voix qu'ils comptent de sapeurs-pompiers fédérés au sein de leur union départementale. Le comité d'administration est constitué par moitié :

Le comité d'administration se réunit cinq fois par an, pour traiter toutes les informations et il est notamment chargé de présenter le budget de l'année. En ce qui concerne les affaires courantes, elles sont réglées par un comité exécutif composé de sept membres, qui tiennent une réunion tous les quinze jours. Les commissions, constituées de membres nommés par le conseil d'administration, préparent les décisions finales, qui seront votées ou non par le comité exécutif ou par le conseil d'administration pour les questions importantes. Les groupes de travail sont chargés de traiter les sujets en fonction de l'évolution de la profession et dans des domaines très spécialisés. Pour certains thèmes ponctuels, des commissions supplémentaires et temporaires peuvent être mises en place. La fédération possède un rôle d'entraide, c'est à dire qu'elle peut aider un membre par un secours financier d'urgence ou exceptionnel, par le biais de la société mutualiste des membres actifs ou de la caisse d'extrême urgence. Enfin, neuf personnes travaillent à temps plein sous la conduite du comité exécutif, pour la préparation du journal, la gestion de la fédération et l'exécution des décisions. Le journal de la fédération, " Le sapeur-pompier ", est un mensuel, tiré à soixante quinze mille exemplaires. Il rend compte des activités fédérales, internationales, éducatives et sportives, publie les textes officiels ainsi que différents articles relatifs à la sécurité, prévention, etc...

La fédération est une organisation représentative de tous les sapeurs-pompiers; elle compte actuellement deux cent dix mille adhérents. Elle est soucieuse de proposer un service incendie et de secours de qualité efficace, apte à défendre la population contre toutes atteintes. Elle est consciente de l'évolution de la société et veut adapter et organiser les moyens en fonction des risques nouveaux et répondre, en assurant la sécurité, à l'attente du public. La formation est un de ces principaux objectifs. Au cours de son histoire, elle essaie d'avancer avec son temps et de s'adapter aux risques nouveaux, pour préparer au mieux les pompiers du troisième millénaire.

L'histoire des sapeurs-pompiers serait cependant incomplète si nous n'abordons pas le rôle joué par l'uniforme et son influence à travers les âges. Un uniforme est un vêtement de coupe et de couleur réglementaires, porté par divers corps de l’Etat et diverses catégories de personnels 9 . Il peut englober seulement deux pièces, ou la globalité des vêtements. Chez les sapeurs-pompiers, l’uniforme, associé aux accessoires, forme une tenue appelée couramment : »la tenue de feu ».

Avant d’étudier son histoire et son évolution, nous devons toutefois préciser qu'il s'agit des pompiers communaux, c'est à dire de ceux qui luttent contre les incendies sous la houlette de l'autorité municipale, puis du gouvernement et, enfin, du ministère de l'Intérieur. Les pompiers privés, forestiers et militaires, sont exclus de cette catégorie. Nous reviendrons simplement sur l'uniforme de ceux de Paris qui est assez proche, et il faut souligner qu’il tire son origine des militaires. En effet, cela permet de reconnaître l'ennemi et d'être reconnu par les autorités et par les citoyens. Cela supprime également les différences sociales; nous faisons partie d'un groupe à part. De plus, l'uniforme représente, chez certaines personnes, un prestige et, à leurs yeux, leur donne une certaine valeur. Le fait de porter un costume de pompier suscite un regard différent de la part de la population ; mais certains savent mettre à leur profit cette valorisation et ne l'utilisent pas toujours à bon escient.

Le véritable début de l’uniforme remonte au dix septième siècle. A cette époque, les pompiers volontaires ou bénévoles doivent être identifiés. En effet, lorsque un incendie éclate, beaucoup de personnes sont appelées en renfort pour aider la chaîne des seaux et actionner les pompes. Les pompiers sont chargés de pénétrer dans les habitations en feu; il devient obligatoire de les identifier, pour ne pas les confondre avec les pillards, très nombreux à cette période.

Seule, une médaille ou une plaque, généralement gravée aux armes de la ville et accrochée sur la poitrine ou un bonnet donné par les autorités locales permet leur reconnaissance. Bientôt, le casque remplace le bonnet, car il présente un avantage supplémentaire, celui de la protection. Certains corps, comme celui de Briançon, portent un brassard. Cependant, plusieurs villes commencent à intégrer dans leur règlement un uniforme, financé par les pompiers eux-mêmes. Les villes rédigeant chacune leur propre règlement, aucune ne va habiller ses pompiers de la même façon. Ce phénomène est encore d'actualité!

La révolution voit disparaître les fleurs de lys brodées sur les uniformes de la plupart, mais conserve la médaille ou la plaque et le casque. Le ceinturon de cuir, aujourd'hui élément indispensable, apparaît en 1791. Mais la création de la Garde Nationale va venir perturber le développement de l'uniforme. Cette dernière est créée le 13 juillet 1789 à Paris, réorganisée en 1795 puis réduite sous le Consulat et désarmée par Napoléon Bonaparte. De nouveau réglementée en 1805 et en 1812, elle inclut les sapeurs-pompiers. Des uniformes disparus font leur apparition, dont la plupart ressemblent à ceux de la Garde Nationale. De la Restauration au second Empire, plusieurs modifications naissent, en fonction du rôle joué par la Garde Nationale ainsi que de la circulaire du Ministre Montesquiou en date du 6 février 1815. En effet, la rédaction de plusieurs règlements inclut le port de l'uniforme et l'article quarante de la loi du 22 mars 1831 celui du sapeur communal, soldé et entretenu par sa commune, qui a obligation d'utiliser l'uniforme désigné par les autorités locales. Cependant, la médaille et la plaque subsistent toujours et l'uniforme ressemble de plus en plus à celui de la Garde Nationale.

Il faut attendre le 14 juillet 1852 pour que le ministre de l'Intérieur, Charles Morny, réglemente l'uniforme des sapeurs-pompiers. Duc, fils de la Reine Hortense et du Comte de Flahant, il est président du Corps Législatif de 1854 à 1865, l'année de son décès. Il souhaite que les pompiers adoptent une tenue peu onéreuse, car il pense, et il est certainement le premier, que, dans l'avenir, ils porteront un uniforme payé par la collectivité. Il veut ainsi réduire les coûts. La majorité des villes vont suivre ce règlement, bien que certaines conservent leurs propres attributs 10

Pourtant, en août 1864, Pierre Châtel, ami proche de Charles Morny, en édite un qui atteste que chaque sapeur s'équipe à ses frais; la ville ne fournit que le fusil, le casque, la giberne, le ceinturon, le sabre-poignard et le fourreau de la baïonnette. Nous voyons que l'armement est complet et financé entièrement, alors que la tenue de feu passe au second plan. Cela montre le double rôle des pompiers à cette époque; défendre les citoyens contre les incendies et lutter pour le maintien de l'ordre. Le prestige de l'uniforme reste présent et il devient évident que les pompiers sont habillés en priorité pour la parade et les défilés; la lutte contre les incendies reste secondaire.

Le décret du 17 septembre 1867 autorise les pompiers communaux à porter l'uniforme de ceux de Paris. Celui du 29 décembre 1875 le rend obligatoire dans les communes de plus de trois mille habitants et pour les petites villes. Le décret du 14 juin 1852 est maintenu et ne peut être modifié que par arrêté ministériel. Ce dernier va paraître le 17 septembre 1887 et il stipule, dans son article premier: «  le port de l'uniforme déterminé par les décisions du ministre de la Guerre en date du 10 juin et du 10 août 1885 pour le régiment des sapeurs-pompiers de Paris, est autorisé pour les officiers, sous-officiers, caporaux et sapeurs des autres communes de France. Toutefois, l'uniforme des sapeurs-pompiers communaux recevra, au lieu des boutons en cuivre dorés et des insignes en or que comporte l'uniforme des sapeurs-pompiers de Paris, des boutons en métal blanc et des insignes en argent. Les officiers porteront, en outre, la boutonnière et le galon distinctif de l'armée territoriale « . Le détail de cet uniforme est décrit 11 .

Les tenues sont donc de plus en plus similaires, mais seules les grosses communes, possédant un budget conséquent, peuvent équiper correctement leurs hommes, de sorte que les disparités deviennent réelles. Au mois de décembre 1900, le Président de la Fédération envoie un courrier au Président du Conseil pour qu'il réglemente la tenue de pompiers départementaux, celle de 1887 étant la seule réglementaire. Cependant, un nouvel arrêté ministériel, en date du 17 janvier 1901 stipule que l'uniforme sera celui des pompiers de Paris, par décision du 17 juin 1899. Le 10 novembre 1903, un second décret spécifie que l'uniforme n'est plus réglementé et que le ministre a la possibilité d'en autoriser plusieurs, suivant les ressources de chaque commune. En 1907, le conseil d'administration de la fédération nationale édite une description détaillée de la tenue qu'elle désire voir porter 12 .

En 1914, la commune est dans l'obligation de fournir la tenue de feu des officiers, les autres demeurant facultatives. La première guerre mondiale éclate et habiller les pompiers devient une véritable nécessité. Des réqui-sitions sont effectuées dans toutes les casernes. Lorsque l'armistice est signé, les rescapés regagnent leur corps et conservent l'équipement qui leur reste de la guerre. Cela entraîne une forte disparité des tenues, car les communes n'ont plus les moyens d'en acheter des nouvelles. Il faut attendre les années 1922-1925 pour voir apparaître des décrets 13 , qui distinguent tenue de feu et tenue de ville. Ces derniers seront de rigueur jusqu'en 1946, date à laquelle le principe d'un uniforme spécifique aux pompiers communaux, différent de celui de Paris, est voté le 1 juillet 14 .

Comme nous pouvons le constater, la lutte pour la création d'un uniforme dure depuis de nombreuses années et, aujourd'hui, demeure présente, du fait de l'union des pays Européens. L’arrêté du 18 juin 1993 voit de nouvelles normes se mettre en place 15 . le problème, identique à celui des années passées, se repose car il faut équiper tous les pompiers Européens de la même façon. Cela semble difficile, vu les disparités des systèmes de fonctionnement des services de secours et les innombrables marchés financiers que cela représente. La protection du sapeur-pompier doit demeurer le facteur principal pour déterminer la tenue finale, vu que l'évolution de la technologie peut amener des modifications rapides, et cela pour des périodes proches les unes des autres.

Après 1875, la mécanisation arrive à grands pas, la pompe à vapeur remplace la pompe à bras, les échelles aériennes sur porteur à quatre roues font leur première apparition,... une nouvelle ère est née. Les corps sont dans l'obligation de s'organiser et d’initier le personnel au fonctionnement des nouveaux matériels. A ce stade, une formation minimale est obligatoire. Mais, en fait, elle est également liée aux fonctionnement propre de ce dernier. Les villes sont désireuses de posséder des équipes prêtes au départ. Les premiers professionnels commencent ainsi à être recrutés, en plus des volontaires, puis des permanents, par la suite. Les volontaires sont surtout présents les jours fériés et les week-end , et également dans les théâtres ou les salles de spectacle, pour assurer la sécurité incendie. Aujourd'hui, ils sont de plus en plus présents lors des manifestations publiques. A Lyon, le service sécurité incendie de la Halle Tony Garnier ou celui du stade de football de Gerland sont assurés par les sapeurs-pompiers professionnels du Grand Lyon. Le décret du 29 décembre 1875 est réactualisé le 10 novembre 1903 et bouleverse leur organisation. Ils commencent en effet à être reconnus officiellement comme un service public. Les corps libres sont autorisés dans les industries, ce qui marque peut-être le départ des pompiers privés d'entreprises. Des corps, sous-forme d'associations loi 1901, se mettent en place dans les communes. En fait, il s'agit simplement de sauveteurs, qui se regroupent et renforcent les pompiers lors de gros sinistres. Les rassemblements sont tolérés, à la suite de la loi du 22 mars 1890 sur les syndicats. L'enrôlement se fait à partir de dix huit ans et le recrutement est simplifié. Les officiers sont nommés pour cinq ans par le Président de la République, les sous-officiers, par le chef de corps. Comme nous l'avons vu 16 , la commune équipe ses propre pompiers. Ces derniers conservent leurs fusils, mais sans les cartouches, excepté pour des séances de tirs, qui demeurent toujours en vigueur. Grâce à cette autorisation de porter les armes, le recrutement va augmenter. Pour l'année 1877, il avait considérablement baissé. A cette date, la Fédération prend de l'ampleur et commence à obtenir des réponses favorables à ses demandes, par exemple l'engagement financier des communes.

Cependant, vers 1905, apparaissent les premiers problèmes de notre société industrielle et des divergences politiques. Le parti socialiste se retire de la majorité, ce qui va entraîner la chute de la gauche, malgré la lutte de Jean JAURES. De nombreux conflits sociaux enflamment le pays. Le service militaire passe à trois ans. 18 août 1914, un nouveau décret diminue l'autorité des Préfets et des Maires. Les officiers peuvent être recrutés à l'extérieur du corps et la limite d'âge est fixée à soixante ans. Le financement du service incendie par les communes demeure. Environ 332000 sapeurs-pompiers actifs sont répartis en 12070 compagnies. Mais, le 2 août 1914 , la première guerre mondiale est déclarée et bouleverse totalement le pays, les sapeurs-pompiers n'échappant pas à la règle. Les compagnies sont décimées partiellement ou totalement dans certains villages. Les hommes valides partent à la guerre; seuls restent les anciens pompiers, appelés " les vétérans ". Afin d’assurer la sécurité contre l'incendie, l'Etat réquisitionne leurs effets pour équiper les soldats, appauvrissant ainsi les casernes. L'Armistice ne permet pas la reconstitution des corps. En effet, cette guerre a profondément choqué les esprits et transformé les mentalités. Les horreurs ne s'effacent pas et la population ne fait plus confiance à l'Etat.

Le 23 janvier 1919, celui-ci spécifie, par un courrier envoyé à chaque mairie de France, que les communes doivent réorganiser les corps de sapeurs-pompiers. Seulement, ceux-ci n'ont pratiquement plus d'uniformes, l'Etat les ayant réquisitionnés. De plus, il devait prélever une taxe sur les primes d'assurance, pour la reverser aux veuves et orphelins des sapeurs-pompiers. Seul, le quart de la somme sera donné, et seulement en 1925. Ces conflits entraînent un non réengagement des survivants de la guerre et l'effectif des pompiers est très faible. La France a beaucoup perdu lors de cette guerre: hommes, usines,...On tente de reconstruire les villes, en entraînant ainsi un premier exode rural, qui va accentuer l'affaiblissement des pompiers.

1925, la France se reconstruit peu à peu. Le 13 août, un décret interdit les armes chez les sapeurs-pompiers et les intègre comme corps civil au ministère de l'Intérieur. Il ne protestent pas; leur motivation reste faible. Les souvenirs des horreurs de la guerre sont toujours ancrés, alors que, hélas, se profilent à l'horizon de nouveaux conflits. Nous pouvons résumer cette période d'entre deux guerres comme étape d'immobilisme, chez les pompiers.

La seconde guerre mondiale éclate et désorganise à nouveau totalement les corps de sapeurs-pompiers communaux. Ceux de Paris, par décret-loi du 22 février 1940, sont chargés de défendre le département de la Seine. Dans les autres villes, au même titre que les autres citoyens, ils sont mobilisés et partent au front; seuls les anciens restent. C'est, en quelque sorte, un recommencement de 1914-1918. Le 25 juin 1940, ceux de Paris sont désarmés et rattachés au ministère de l'Intérieur ; des détachements partent alors renforcer la province. A cet égard, il convient de rendre hommage aux pompiers qui, engagés dans la résistance, ont, dans l'ombre, apporté une forte contribution à la libération de la France. Sans rentrer dans les détails, citons simplement des exemples de bravoures et d'ingéniosité pour la lutte contre l'ennemi. Peu de documents sur la résistance relatent les actions de ces hommes qui, avec courage ont défendu à leur façon leur patrie contre l'invasion Allemande. Les documents réunis par monsieur Grégoire, ancien pompier appartenant à la Résistance 17 , permettent de donner les exemples suivants:

Lorsqu'une action des résistants devait se produire, un feu s'allumait dans la ville pour tromper la vigilance des Allemands et ainsi les déplacements devenaient possibles grâce aux véhicules de feu qui circulaient à ce moment là librement.

La guerre est terminée, le pays en ruine. Le service incendie est complètement désorganisé et demeure sans moyen. Les hommes valides sont rares et n'ont pas le cœur à reprendre du service, le matériel est détruit ou vétuste. Le rapport des Maires au gouvernement est alarmant: les casernes restent désertes.

Le 20 août 1949, la forêt de Gascogne est victime d'un terrible incendie, qui tue quatre vingt deux pompiers et détruit des centaines d'hectares du patrimoine français. Les pouvoirs publics réagissent et parcourent l'importance de l'existence d'un service incendie. Et, le 7 mars 1953, un décret parait, en vue d'organiser une nouvelle fois les corps de sapeurs-pompiers communaux. L'engagement est porté à trente ans et les professionnels deviennent fonctionnaires communaux. Les syndicats sont autorisés et reconnus. Un service médical est obligatoire dans chaque centre de secours. La différenciation entre centre de secours, centre de premiers secours et centre de secours principal est créée et, le 20 mai 1955, le service départemental d'incendie et de secours est mis en place. Nous pouvons dire que les sapeurs-pompiers renaissent à partir de 1953. Ils deviennent un élément important et indispensable des services de l'Etat et la population commence à les reconnaître en tant que tels. A partir de cette date, l'histoire et les changements vont s'accélérer, pour donner des sapeurs-pompiers de l'an deux mille, performants et enviés de nos voisins.

Notes
4.

annexe n° II pages 1 à 13

5.

annexe n°III pages 1 à 8

6.

annexe n°IV pages 1 à 7

7.

annexe n°V pages 1 à7

8.

annexe n°VI pages 1 à 7

9.

Petit Larousse Illustré page 998 édition 1990

10.

revue « le sapeur pompier », avril 1993 page 185

11.

revue « le sapeur pompier », avril 1993 page 185 à 194

12.

revue « le sapeur pompier », mai 1993 page 189

13.

revue « le sapeur pompier », avril 1993 page 192

14.

revue « le sapeur pompier », avril 1993 page 193

15.

annexe n° VII pages 1 à 26 (arrêté du 18/06/93)

16.

revue « le sapeur pompier », avril 1993 page 185 à 195

17.

Ces documents, propriétés de Monsieur GREGOIRE, ancien résistant, ont été consultés mais non reproduits