4-1 L’alerte en France

Après le tocsin et le service de guet, qui persista jusqu'en 1922, apparaît la sirène. Cette dernière présente l'avantage d'être entendue à plusieurs kilomètres. Par la suite, la popularisation du télégraphe, puis du téléphone, va permettre aux sapeurs-pompiers de s'orienter dans deux grandes directions :

  • raccourcir le temps de l'alerte, en faisant relier les casernes ou le poste de garde, qui est parfois le bureau de la police, avec les établissements à risque, puis avec la population.
  • faciliter et raccourcir le temps nécessaire au rassemblement du personnel. Avec le télégraphe, il est possible de relier la caserne centrale aux casernes secondaires ou à certains services spéciaux. Avec le téléphone, on peut prévenir rapidement les officiers et les sapeurs qui, à pied ou à bicyclette, se précipitent chez leurs camarades et, ainsi, réunir beaucoup de personnes dans un laps de temps assez court. Nous pouvons appeler cela le balbutiement de l'appel sélectif des années 1925.

Le fameux numéro «  18 «,  connu dans la France entière, trouve son origine vers les années 1928. A cette époque, le téléphone n'est pas automatique. Il faut décrocher le combiné, actionner une manivelle qui va déclencher une sonnerie au service du téléphone. C'est une employée de ce service qui va composer le numéro d'appel demandé. Seulement, au fil des années, les abonnés sont de plus en plus nombreux et il devient obligatoire de supprimer les intermédiaires pour qu’ils puissent être reliés directement. En 1881, à l'exposition sur l'électricité, à Paris, la première communication automatique est présentée et, en 1908, les allemands installent le premier central automatique.

En France, c'est en 1928, à Paris, qu'est inauguré le premier central automatique, appelé «  carnot « ; il comprend six mille lignes et en prévoit dix mille pour les six mois à venir. La ville de Lyon, quant à elle, remplace le télégraphe par un réseau téléphonique en 1888. Le «  18 «  entre en service cette même année. Nous retrouvons ce numéro d'urgence dans l'annuaire de Paris de 1929 où, en plus, le numéro de chaque caserne est inscrit. Néanmoins, cette généralisation reste lente, car ce n’est que le 11 janvier 1966 que l'automatique arrive dans la ville d'Evreux, donc à la caserne des sapeurs-pompiers. En réalité, le numéro «  18 «  va s'implanter en fonction du développement et de la mise en place de la téléphonie automatique en France.

Le 2 décembre 1996, deux centres de réception de l'alerte fonctionnent dans le Rhône: le premier pour les appels de l'agglomération Lyonnaise, soit cinquante six communes, et le second pour ceux des deux cent quatre vingt treize communes du département. Cela mérite une explication. Depuis 1984, cinq Centres de Transmission de l'Alerte, (C.T.A ), traitaient les appels " 18 "; Belleville, Givors, Lyon, Tarrare, Villefranche sur Saône. Or la réorganisation de réseaux radio, pour être en conformité avec les directives nationales du Ministère de l'Intérieur, est obligatoire et doit être réalisée.

Ce plan a pour but principal de stopper les difficultés rencontrées dans la bande de fréquence 80 MHZ utilisée par les sapeurs-pompiers et dues aux cibistes, qui transmettent parfois sur la même fréquence et aux nombres croissants d'appels-radio émis par les sapeurs-pompiers. Pour cela, des fréquences différenciées sont introduites, selon la destination des communications.

  • fréquence tactique, qui représente la communication sur le terrain,
  • fréquence de commandement, qui représente la liaison du terrain aux C.T.A et C.O.D.I.S,
  • fréquence logistique, réservée à la gestion des moyens lors des grandes opérations, comme le déclenchement d'un plan rouge.

L'infrastructure doit être performante et sécurisante, et c'est pour cela que deux sites sont retenus. La multiplication de ces derniers dans un même département ne peut permettre un niveau élevé de sécurité. Il faut signaler que des transmissions téléphoniques sont acheminées par France Télécom. La coordination des secours relève du Directeur Départemental des Services d'Incendie et de Secours. Ils sont assistés d'un officier supérieur, appelé Inspecteur Adjoint Délégué, ( I.A.D ), par secteur. Les I.A.D, au nombre de huit, trois sur le secteur C.T.A Rhône et cinq sur le secteur C.T.A Lyon, assurent des permanences vingt quatre heures sur vingt quatre. Ils sont nommés par arrêté du Préfet et du Président de la Commission Administrative du Service Départemental d'Incendie et de Secours. Le numéro «  18 « , est, en fait, traduit automatiquement en une séquence de dix chiffres, comme une communication classique. Cependant, elle n'est pas taxée. Toute cette technique récente inclut obligatoirement une formation spécifique du personnel pour le familiariser avec cette technologie nouvelle, » incontournable » à l’aube du vingt et unième siècle .

Depuis 1992, chaque demandeur est identifié. En effet, le numéro d'appel est inscrit directement sur les cadrans des C.T.A. Cela permet de détecter les faux appels et également d’envoyer des secours aux personnes, notamment les enfants, qui ne peuvent situer exactement le sinistre. Ce mécanisme fonctionne également pour les cabines téléphoniques et les numéros inscrits sur listes rouge. La retransmission de l'alerte s'effectue par voie Hertzienne pour les sites les plus éloignés, ce qui accroît la rapidité du déclenchement des secours. Les centres peuvent également être alertés par voie filaire, en utilisant le réseau téléphonique commuté, ( RTC ).

Les établissements industriels ou ceux qui reçoivent du public sont répertoriés dans des tables informatiques des logiciels de traitement de l'alerte. Les plus importants ou ceux qui sont susceptibles de présenter des risques majeurs disposent d'un «  code départ « , qui correspond à ceux, particuliers, de l'établissement et déclenche l'intervention de secours importants à partir de plusieurs centres, par exemple la raffinerie de Feyzin.

Le numéro «  112 « , correspond au numéro d'appel d'urgence Européen. Une circulaire inter-ministérielle prévoyait sa mise en place avant le 31 décembre 1996. Il doit être implanté dans un C.T.A sapeur-pompier ou dans un centre de réception et de régulations médicales, (centre « 15 «).  Le 28 mai 1996, sur décision préfectorale, le «  112 «  est mis en service au Centre Opérationnel Départemental d'Incendie et de Secours du Rhône. Il ne prend pas la place du «  18 «  ou du «  15 « , mais représente un complément. Lorsque le centre réceptionne un numéro   « 112 « , il oriente cet appel vers le service public compétent: sapeurs-pompiers, gendarmerie, urgences médicales. Dans certains pays étrangers, le «  112 «  représente une structure nouvelle de regroupement des appels d'urgence, et c'est peut-être l'avenir des appels pour le vingt et unième siècle.

Le serveur diffuseur d'alerte et d'information, ( DALI ), à la suite d' une décision d'un comité inter ministériel du 24 janvier 1994, équipe trente six préfectures depuis le premier janvier 1997. Les autres seront dotées de ce système dans les prochains mois. Ce serveur permet de déclencher une alerte adaptée au profil de la crise, via l'appel automatique de plusieurs centaines de correspondants. Il est composé d'un micro-ordinateur doté de cartes de communications vocales et de fax et est connecté à l'autocommutateur des préfectures. Le but du logiciel est essentiellement le déclenchement d'une alerte automatique, un serveur d'informations opérationnel pour la gestion d'une crise et, enfin, un serveur d'information grand public. Ainsi, les Maires, les pompiers, les médecins sont tous rapidement prévenus et peuvent prendre les mesures pour limiter les effets d'une crise. Fin 1999, le système informatique « SIRENA « , est mis en place. Ce dernier va permettre la gestion de l'alerte du département du Rhône aussi bien du centre de transmission de l'alerte du Grand Lyon qui de celui du département, ainsi que la gestion du personnel et du matériel au niveau départemental.

Les secours doivent arriver le plus rapidement possible sur les lieux de l’intervention, de nombreuses missions devant leur réussite au facteur «  temps « . Les opérateurs du CTA ont pour tâches la localisation géographique, l’identification et l’appréciation du sinistre qui a suscité l’appel. Lorsque le chef d’agrès se présente sur les lieux, il constate la réalité et est capable de rapidement préciser les informations susceptibles d’apporter des renseignements qui demandent un renfort médical, humain ou matériel. De plus, lors du retour au centre de secours, il note les renseignements par voie informatique, en vue de constituer un rapport transmis rapidement à l’Etat Majors. Le S.D.A.C.R est basé sur l’exactitude de ces renseignements, qui permettent la définition des besoins qualitatifs et quantitatifs des moyens ainsi que leur répartition dans le département.

Un CTA reçoit, analyse, traite et suit les interventions : il réceptionne les demandes de secours des particuliers ou des établissements répertoriés. Il localise, définit le type nécessaire, sélectionne les moyens les plus appropriés en fonction du type d’intervention, de sa localisation et des moyens disponibles, sur les recommandations du Règlement de mise en œuvre opérationnelle ( RMO ) ; il transmet les ordres aux casernes concernées et exerce un suivi sur les interventions, afin de mieux coordonner les moyens appropriés. Les centres de secours diffusent l’alerte, saisissent les rapports d’intervention et gèrent leur centre au travers d’automates d’alerte, qui permettent d’accepter ou de refuser cette dernière, de déclencher les récepteurs individuels des pompiers en mode automatique ou manuel, d’éditer les télex de départ , de commander en automatique des équipements, ( portes, sirènes, afficheurs,…), de saisir les rapports d’intervention, de visualiser les moyens et de gérer les services et les moyens. Le personnel ne reçoit pas de formation spécifique. L’apprentissage de cet outil informatique se fait essentiellement sur « le tas » ; seule, une ou deux personnes par centre effectuent des journées d’informations données par des ingénieurs informaticiens. Hélas, ils ne connaissent pas toujours exactement le fonctionnement de chaque caserne. En effet, ces dernières, suivant leur type, mixtes ou non, doivent adapter leur situation en fonction des mouvements et des spécialités du personnel, ( les volontaires faisant des gardes postées par tranches horaires).

Les principales fonctions que le système SIRENA doit assurer sont les suivantes ;

  • automatiser, sécuriser et améliorer l’ergonomie de la prise d’appels téléphoniques «  18 « , en situation normale et en situation de crise,
  • améliorer la localisation de la demande de secours, en fournissant des outils d’aide à la localisation,
  • améliorer la prise en compte des appels par intégration sur un système de suivi des actions,
  • améliorer les communications et transmissions d’informations entre le CTA et les centres de secours,
  • acheminer dans les meilleures conditions les informations de déclenchement de l’alerte,
  • fournir un outil sécurisé et adapté aux besoins des centres de secours,
  • améliorer le suivi des personnes et matériels par gestion de leur état, ( disponible, en intervention,…),
  • offrir une fonction d’assistance à la levée de doute quant aux possibilités de doublons sur appels, ( appels multiples pour une cause unique ),
  • assurer le soutien d’un état-major de crise pour faciliter les prises de décisions,
  • avoir une homogénéité des systèmes dans les centres de secours,
  • améliorer l’ergonomie des automates d’alerte,
  • mettre en œuvre des outils simples et conviviaux.

Ce système informatique permet également l’établissement d’une communication rapide avec d’autres services, le C.O.D.I.S, le C.I.R.C.O.S.C, le SAMU, la gendarmerie,…

Toutes ces fonctions doivent être satisfaites dans un souci constant d’ergonomie, de fiabilité, d’efficacité et de confort, pour l’entrée dans le troisième millénaire.

Une innovation du XXI ème siècle de ce système de gestion de l’intervention d’urgence est la mise en place du logiciel Intergraph en matière de graphisme. Les relations spatiales entre les unités d’intervention et les lieux sont affichées sur une carte qui comporte les voies routières ainsi que la position des différents intervenants, pompiers ou autres. Les opérateurs de l’alerte peuvent rapidement identifier le personnel d’intervention le plus approprié et décider de la route la plus rapide et la plus sûre à emprunter pour arriver sur les lieux de l’intervention.

Le système utilise à la fois des informations graphiques et alphanumériques pour déterminer la position réelle de l’unité, proposer des recommandations d’interventions, ( lieux à risques ) et aider à définir le parcours optimal.

Ce logiciel est le seul système disponible actuellement pour gérer une cartographie interactive avec les possibilités d’interventions, la gestion des interventions et des communications, afin d’offrir une solution complète au problème de gestion des interventions d’urgence. Le département du Rhône peut ainsi bénéficier des données disponibles sur le système urbain de référence, pour les appliquer à la gestion des alertes. Les bases de données techniques contenant des détails d’infrastructures, chaussées, (ponts, limitations de poids ), et les plans de construction ou de développement pourront être prises en considération lors du lancement d’une intervention. Les bases de données qui concernent les plans d’étages d’un bâtiment doivent être facilement accessibles, afin de localiser les issues de secours, les armoires de contrôle électriques et autres instruments importants pour contrôler les incendies. Des informations associées géographiquement à l’infrastructure d’installations telles que les conduites de gaz, les bouches d’incendie et les systèmes de drainage peuvent être incorporés lors de la prise en charge et de la résolution d’une intervention d’urgence.

Ce système informatique offre des avantages majeurs en ce qui concerne la gestion des interventions. Il est conçu pour dialoguer et aider au maximum le personnel responsable des décisions des communications et du contrôle. Les avantages les plus significatifs sont :

  • la réduction au minimum des délais de transfert de l’information entre les preneurs d’appels et les régulateurs,
  • l’amélioration de l’exhaustivité et de l’exactitude de l’information. La détermination du lieu est précise. Dans la mesure où l’heure de l’identification par l’opérateur et l’information de réponse sont automatiquement annexées au fichier de l’appel, le personnel des communications peut consacrer plus de temps à la gestion de l’appel et à la surveillance de l’unité,
  • l’aide aux opérateurs en maintenant le contact entre les appels et les unités attribuées. La possibilité de surveiller graphiquement l’événement et l’activité de l’unité en temps réel est largement appréciée des opérateurs. Le système offre des possibilités qui améliorent la sécurité personnelle de ceux qui interviennent sur le terrain,
  • la possibilité de visualisation active des interventions du Centre de Traitement de l’Alerte, afin de répondre aux conditions spéciales avec méthode et rapidité,
  • l’assurance d’une parfaite cohésion entre les partenaires des services de secours en fédérant les systèmes informatiques installés aux niveau national, départemental et zonal,
  • son évolutivité ( utilisation de tous les standards du marché ) et son ouverture, qui assure la pérennité des investissements.

D’un seul coup d’œil, le contrôleur peut gérer et répondre à de multiples demandes d’interventions, sans laisser passer un événement ou sans perdre de vue le tableau d’ensemble. L’ergonomie de ses postes de travail est conçu à partir des études réalisées sur les postes de travail des contrôleurs aériens et des salles de contrôle des centrales nucléaires. Des scénarios pour une nouvelle affectation ou un retour au point de départ ou pour procéder à l’étape suivante peuvent être planifiés plus efficacement grâce au graphisme. Les effets à vastes échelles de cas graves tels que des blocages de routes, des évacuations ou de sérieuses obstructions de circulation dues à une intervention peuvent être facilement calculés et résolus par le biais de références graphiques visuelles.

La réponse à des appels au feu est généralement plus facilement pré-planifiable que les appels à Police Secours, par exemple, étant donné que la localisation des moyens disponibles, ( hydrants, casernes,…), est parfaitement connue. L’intervention des équipes de sapeurs-pompiers se fonde sur les recommandations du Règlement de mise en Œuvre Opérationnelle, chaque agence ayant ses propres recommandations.

L’enregistrement de ces plans d’interventions contient des informations qui concernent l’équipement particulier nécessaire pour intervenir sur les interventions dans cette zone et par ordre de préférence. Le nombre de niveaux de recherche est définissable par l’utilisateur.

Les appels d’urgence reçoivent une réponse selon le scénario suivant :

  • l’appel est reçu,
  • les centres de secours affectés à la couverture de la zone sont déterminés en fonction de la localisation de l’intervention, ainsi que de son type, dans le cas où l’intervention nécessite un moyen que tous les centres n’ont pas,
  • la priorité de l’intervention, son niveau d’alarme, ainsi que le complément d’informations de réponse à un premier niveau d’alerte sont déterminés en fonction du type d’intervention,
  • le système d’aide à la décision propose les unités susceptibles de prendre en charge l’intervention,
  • celles-ci sont affectées à l’intervention, et les centres de secours les possédant reçoivent l’ordre de mission,
  • les moyens ainsi «  armés «  arrivent sur les lieux et traitent l’intervention. Tous les statuts qui concernent le suivi de la mission sont remontés par radio et saisis sur le système central par les opérateurs, qui peuvent ainsi superviser tout le processus d’intervention,
  • les unités terminent leur travail et quittent les lieux de l’intervention puis, de retour à leur centre de secours, rédigent le rapport.

Les opérateurs saisissent les localisations par le biais d’une adresse dans une rue, d’une ancienne dénomination, d’une intersection,…Dès qu’elles sont saisies, le sous-système de traitement géographique identifie et détermine la zone du service d’urgence, le quartier et la localisation du centre de secours responsable de cette zone, le commissariat de police concerné, le centre de secours médicaux d’urgence, les risques afférents à la localisation ainsi que toutes les informations qui ont un rapport avec la localisation ou le voisinage. Lorsque cette dernière est constatée, les informations qui correspondent sont automatiquement transférées dans la base de données. Si, en revanche, celles-ci ne peuvent être vérifiées, le système propose des guides opérateurs pour permettre de sélectionner la localisation parmi les listes, ou d’obtenir plus d’information de la part de l’appelant.

Nous sommes loin de l’alerte du tocsin ; le XXIème siècle apporte des évolutions considérables, qui vont dans le sens d’une sécurité optimum pour tous les citoyens. Or, à ce stade, la formation des opérateurs devient obligatoire et performante. Aucun détail ne doit être négligé. Le sapeur-pompier qui entre dans le service du centre de traitement de l’alerte doit subir un mois complet de stage avant d’être mis en double sur un poste de travail. En réalité, il faut compter six mois pour qu’un opérateur soit efficace et autonome. Dans les centres d’intervention, seules les personnes ayant travaillé au C.T.A connaissent parfaitement les manipulations informatiques. Les autres agents se forment sur le « tas » et, forcement, des anomalies informatiques apparaissent du fait de mauvaises manœuvres lors des saisies.