4-1 L'histoire de la ville de Lyon

La formation des pompiers de l'agglomération Lyonnaise possède une histoire et un vécu spécifiques. En remontant les siècles, nous pouvons suivre son évolution et ses transformations.

Au cinquième siècle, les assauts des barbares font chuter l'empire Romain. Lugdunum, capitale des Gaules, demeure une bourgade fragilisée, à la structure légère. Les vigiles, qui défendaient la ville contre les incendies ont disparu, les fontaines ou les aqueducs qui servaient de réserve d'eau sont détruits. La sécurité demeure très incertaine. Malgré sa situation géographique propice à l'essor économique et à son ouverture sur l'Europe du Nord à la Méditerranée, les difficultés croissent avec le développement de la cité.

Au Moyen-Age, ce sont les maçons et les charpentiers qui éteignent les incendies, aidés par les ordres religieux. Ce sont des moines, bénévoles, qui luttent contre les sinistres avec, comme seule arme, des seaux d'eau. Aucune organisation véritable n'est constituée. Pourtant, l'urbanisme médiéval est propice aux accidents : les ruelles sont tortueuses et insalubres, et les maisons, imbriquées les unes dans les autres, sont en bois. La seule mesure de sécurité existante tient à la création de deux dépôts de seaux établis en 1476 à l'hôtel de ville et à l'hôpital Saint-Eloi, dans le quartier Saint Paul. Mais ce dispositif est insuffisant et inefficace car, en 1501, le couvent du théâtre des Célestins n'échappe pas aux flammes. Grâce aux ambitions royales en Italie et à la présence de marchands et financiers issus de l'Europe entière, Lyon va devenir momentanément capitale du royaume. Les transformations architecturales de la cité entraînent une amélioration de la chaîne des seaux. Trois dépôts supplémentaires sont installés en 1517. Le premier à la cathédrale Saint-Jean, le second aux Cordeliers et le dernier aux Carmes.

Au dix septième siècle, après une période de déclin, due aux guerres de religion, la prospérité renaît doucement dans la capitale des Gaules. La municipalité responsabilise la population vis-à-vis de la lutte contre l'incendie, en confiant, dès 1619, des dépôts de seaux aux " Capitaines Pennons ", officiers de la garde bourgeoise, ainsi qu'à certain notables. 1620 correspond aux prémices de la construction des hôpitaux de l'hôtel Dieu et de la Charité, puis de l'hôtel de ville actuel, place des Terreaux. Le nombre d'habitants augmente rapidement. Cette évolution a pour conséquence de renforcer la stabilité quotidienne de la lutte contre le feu. En 1655, treize maîtres charpentiers sont nommés : six sur la rive droite de la Saône, sept sur la presqu’île. Chacun est tenu d'accourir au premier coup de tocsin, pour " aller au feu ". La première pompe à bras est achetée en 1671.

Au dix-huitième siècle, Lyon continue de grandir. L'industrie florissante de la soie en est la cause. Lyon devient " la première concentration ouvrière de la France de l'Ancien Régime " (1), accueillant jusqu'à deux mille émigrants par an. Le combat contre les sinistres devient crucial. Un gouverneur du roi Louis XV, Monsieur De Villeroy, instaure un impôt qui, payé par chaque propriétaire de maison, va permettre l'achat de dix pompes à bras, venant s'ajouter aux deux mille cinq cent seaux déposés chez les Capitaines Pennons, dans les couvents et les hôpitaux. Ces dépôts se situent dans les lieux occupés par de nombreuses congrégations religieuses. En 1736, ils sont au nombre de neuf, équipés de pompes et de chariots, sur lesquels sont installés des échelles et des seaux. Dix ans plus tard, seuls six dépôts subsistent : hôtel de ville, les Cordeliers, place Bellecour, le Concert, le Pont de bois et la Loge du Change. En 1750, la ville est surpeuplée, l'urbanisation non maîtrisée, l'influence du pouvoir royal se fait à nouveau sentir. Une ordonnance, en 1765, décide de la constitution d'un piquet d'incendie par quartier. L'Ancien Régime vacille et, à la fin du dix-huitième siècle, sept dépôts sont ajoutés aux six qui existaient en 1746.

Le premier Empire va permettre une avancée décisive vers la création des casernes contemporaines. L'entrée dans le siècle des gardes postées débute. La sécularisation et la vente de terrains par les congrégations religieuses vont permettre une nouvelle extension de la ville, la lutte contre les incendies doit être renforcée. Le 23 juillet 1801, Lyon se dote d'une compagnie de trente deux gardes-pompiers. Ils sont répartis entre onze dépôts particuliers, dispersés sur les territoires des trois divisions mises en place dans la cité. A la suite de différentes répartitions au fil des années, nous retrouverons également, en 1990, un plan de défense de la population contre les risques, qui est divisé en trois parties. Il s'agit d'un exemple, qui montre que certains systèmes anciens, abandonnés, ressurgissent et sont annoncés comme des réels changements ! Le 14 juillet 1803, un nouvel incendie se déclare à l'hôtel de ville. L'utilité et l'efficacité de la jeune compagnie lors de ce sinistre entraînent les autorités à renforcer ses capacités, portant à cent douze hommes l'effectif total. Le 28 octobre 1807, le conseil municipal décide de l'organiser autour du dépôt général des pompes, rue Luizerne, qui sera relayé dans les quartiers par neuf autres dépôts. Le pouvoir impérial s'intéresse de très près à cette sécurité, que nous pouvons qualifier de civile, car un décret du ministère de l'Intérieur, datant du 22 janvier 1808, précise les dispositions locales du corps de garde. Il est dit que les gardes pompiers «  ... ne sont casernés, que leurs fonctions sont d'éteindre les incendies, de sauver les individus prisonniers dans les édifices sinistrés, et de se rendre aux points qui leur sont indiqués au premier coup de tocsin « . A priori, le système d'organisation mis en place à cette époque apparaît assez proche du service public divisé aujourd'hui en compagnies. Ce sont les moyens qui séparent principalement cette époque de la nôtre. En effet, au début du dix neuvième siècle, nous comptons encore sur l'efficacité de la chaîne des seaux. Par conséquent, le concept de   « caserne «  n'est pas encore à l'ordre du jour; il ne le sera de manière définitive qu'un siècle plus tard, en 1905. Il est intéressant de noter que ce terme «  caserne «  est nouveau. Auparavant, ce sont ceux de   « dépôt », puis de « poste » qui étaient employés. Or ce mot est courant dans le langage militaire. C'est le lieu où les soldats vivent, se retrouvent, mangent, dorment,... Pour un pompier, la caserne est donc le lieu de travail, mais également de vie, malgré son statut civil. Les compagnies, quant à elles, regroupent un ensemble de dépôts et/ou de postes. Parallèlement, la volonté de rendre professionnelle l'activité de sapeur-pompier se fait sentir. Dans une lettre du premier mars 1819, le maire de Lyon écrit au nouveau préfet. Il argumente pour le dissuader de ramener le service au complet bénévolat : «  une seule chose me paraît impossible, c'est que le service des pompiers soit gratuit (...). Ils trouvent dans leur rémunération la récompense de leurs services « . Ce plaidoyer est entendu car le corps ne subit aucune modification et conserve cinq corps de garde et quatorze dépôts.

La soierie continue son essor grâce à JACQUARD, qui a mécanisé le système. L'industrialisation pousse Lyon à se lancer dans des travaux de bâtiment. Les rues sont élargies, les quartiers de Vaise et celui de Perrache voient se bâtir de nombreuses usines. Le pont Lafayette est bâti en 1818 et celui de l'Hôtel Dieu en 1839. Le nombre de dépôts croît en conséquence. Dès 1836, l'appellation de «  compagnie de gardes-pompiers «  change, pour devenir celle de «  compagnie de sapeurs-pompiers « . Dans la même période, un architecte-ingénieur et futur chef de corps, du nom de Christophe CREPET, écrit un rapport qui suggère au préfet du Rhône d'encourager les administrations municipales et le gouvernement à constituer une agglomération Lyonnaise, par incorporation des faubourgs sous forme d'arrondissements. Sa prière est exaucée car, le 24 mars 1852, les communes de Lyon, la Guillotière, la Croix-Rousse et Vaise fusionnent. Parallèlement, un bataillon de sapeurs-pompiers, comprenant cinq compagnies, ( une par arrondissement ), permet le mélange des corps des communes préexistantes. Le poste incendie de l'hôtel de ville devient permanent en juin 1853. Nous vivons alors les prémices de la vie de caserne qui, a priori, à cette époque, n'apparaît pas toujours très motivante. En témoigne un rapport du chef de corps, le Capitaine Adjudant Major Christophe CREPET, à l'administration du Rhône, sur l'état des casernes: il mentionne que le poste est dans un état déplorable de propreté ; les punaises ont envahi les lits de camp et les fissures des murs empêchent les hommes de pouvoir se reposer. Ce rapport n'aura pas de suite car aucun budget n'est prévu pour améliorer les conditions de vie. Cependant, le dépôt général des pompes passe de la presqu'île aux maisons que les personnes de la Direction d'Incendie et de secours d'aujourd'hui connaissent bien, au 64 de la rue Monsieur, future rue Molière. Ce transfert reflète la croissance du milieu urbain vers l'est du Rhône, sur la rive gauche. En 1864, en plus du dépôt général, un atelier servi par une brigade de neuf professionnels est constitué. Ces sapeurs sont exclusivement chargés de faire fonctionner une pompe à vapeur achetée en 1867, qui apparaît comme révolutionnaire et constitue un signe de l'avancée de la modernisation du point de vue technique.

La guerre de 1870 arrive, les pompiers sont obligés de s'adapter à cet évènement. Cependant, ce dernier amène avec lui le progrès et c'est ainsi que deux pompes à vapeur sont achetées et vont se joindre au matériel déjà existant. Dans le même temps, trois compagnies auxiliaires sont constituées, formées d'éléments de la garde nationale, de volontaires et de citoyens suisses résidant à Lyon. Ces Compagnies seront plus ou moins dissoutes et, en 1874, le corps compte six compagnies, tandis que le nombre de postes et de dépôts se multiplie. Après la guerre, on s'aperçoit que les professionnels employés à l'atelier du dépôt général sont plus efficaces que ceux des compagnies d'arrondissement, car ils arrivent sur les lieux des sinistres beaucoup plus rapidement. 1890 voit donc la création d'une " section active", composée par des hommes du personnel du dépôt général. Le réseau téléphonique, qui remplace le télégraphe en 1888, accentue encore la rapidité, donc l'efficacité, des interventions du personnel du dépôt général.

A l'orée du vingtième siècle, trois cent quatre vingt trois sapeurs-pompiers veillent à la sécurité de la ville; l'agglomération compte alors plus de cinq cent mille habitants. Le corps des pompiers n'est pas assez performant, ne répond plus aux nécessités. Il convient de le transformer avant que de grosses catastrophes se produisent. Le matériel à bras est donc mieux réparti entre les différents postes de Lyon. L'effectif de la section active est augmenté et porté successivement à vingt huit, trente sept, puis quarante cinq hommes. Le matériel à traction animale comprend notamment trois pompes à vapeur et deux départs attelés, ainsi que deux échelles aériennes. Le local de la rue Rabelais se transforme en caserne en 1906. Le terme " caserne ", prend ici toute son importance, car le personnel est logé dans ce bâtiment. Une pompe automobile est mise en place en mars 1910. C'est la première apparition d'une auto-pompe, qui bientôt remplacera la pompe à vapeur. La section active effectue exclusivement le service incendie. Cette dernière est à la base de la réorganisation, arrêtée par décision préfectorale, en date du treize août 1907 ; en créant des postes permanents, elle supprime les compagnies d'arrondissement, trop longues à mobiliser en journée. Seuls quatre postes sont conservés. En janvier 1913, l'effectif de la compagnie active est porté à soixante quinze, puis à cent sept hommes.

La traction mécanique est substituée à la traction animale, ce qui permet aux pompiers de se rendre plus rapidement sur les lieux des interventions. Le matériel comprend quatre fourgons pompes automobiles, une échelle pivotante automobile, un camion, deux ambulances auto, un fourgon de protection auto, formé d'un tracteur et remorquant soit la deuxième échelle aérienne, soit les pompes à vapeur. L'apparition d'ambulances, peut paraître étrange, vu que la section ne s'occupe que de l'incendie. Il semble que ces véhicules aient été mis à disposition pour soigner en premier lieu les pompiers puis, au fil des ans, ceux-ci vont s'occuper des blessés civils car, arrivant les premiers sur les lieux d'interventions, ils peuvent donner les premiers soins très rapidement. Leur travail dans le domaine du secours en urgence va, par la suite, profondément se développer et, en 1998, constitue leur principale activité.

Le premier janvier 1911, la municipalité décide de ramener à deux le nombre de compagnies composées de volontaires. L'année suivante, la compagnie professionnelle compte soixante quinze hommes, sous les ordres du Capitaine JATOWSKI, détaché du régiment des sapeurs-pompiers de Paris, tandis que tous les volontaires sont envoyés à la retraite d'office et que les postes et les dépôts sont supprimés.

La première guerre mondiale éclate. Des unités provisoires sont mises en place, comme cela existait en 1870. Les postes ont surtout un rôle de surveillance des usines qui travaillent pour la défense nationale. En 1918, l'armistice est signée et, en 1919, sept communes proches de Lyon ( Caluire, Villeurbanne, Rillieux, Bron, Vénissieux, Saint-Priest et la Mulatière ) demandent que le corps de Lyon se charge de pourvoir à leur sécurité. Le bataillon est divisé en deux compagnies. La première reste postée rue Rabelais, alors que la seconde s'installe rue de la Madeleine en avril 1924. C'est à cette époque que débute la construction du grand quartier des Etats-Unis, sous l'égide de Tony GARNIER.

En 1938, à la veille de la seconde guerre mondiale, et certainement influencé par les menaces de grave conflit avec l'Allemagne, un abri anti-aérien de défense passive doté d'un standard téléphonique est construit dans le sous-sol du poste de la rue Rabelais. Lorsque la guerre éclate, le bataillon doit se réorganiser en fonction des circonstances. En 1939, cinq postes sont implantés sur le territoire de la commune, pour seconder les deux compagnies professionnelles. Environ cent quatre vingt pompiers défendent la ville. Et, en 1944, une compagnie, appelée «  les permanents « , formée d'anciens des chantiers de jeunesse, vient les renforcer. Ces aides sont loin d'être superflues car l'avenue Berthelot, la Croix-Rousse et la gare de Vaise sont durement touchées par les bombardements. Le bataillon reprend sa forme classique dès 1945. En 1953, la ville achète les bâtiments de la «  société centrale frigorifique « , situés du dix sept au vingt cinq de l'avenue Debourg, à Gerland, pour remiser les véhicules de réserve. Puis cet entrepôt est aménagé en vue de former une nouvelle compagnie et, le onze février 1959, la troisième compagnie est inaugurée. L'année 1960 est marquée par l'avènement des Zones à Urbaniser en Priorité, ( Z.U.P ), au niveau national. Lyon va participer rapidement à ce phénomène et décide de construire sur le plateau de la Duchère un grand ensemble d'immeubles. Mais l'éloignement de ce quartier, qui va compter rapidement vingt mille personnes, vis à vis des secours oblige les pouvoirs publics à prévoir la construction d'une nouvelle caserne et, le dix septembre 1966, celle-ci, la quatrième, est ouverte. Cette même année va rester à jamais gravée dans la mémoire du service incendie Lyonnais. En effet le quatre janvier, la catastrophe des sphères du site de Feyzin fait sept victimes parmi les sapeurs-pompiers. Cet accident, pourtant moins dramatique que le glissement de terrain de la colline de Fourvière en novembre 1930, connaît un fort impact émotionnel. Dans cet état d'esprit, cette catastrophe ayant certainement influencé les politiques, la loi sur les Communautés Urbaines est votée le 31 décembre 1966. Et, le 1er janvier 1969, trente et un corps de sapeurs-pompiers, dont celui de Lyon, se regroupent en un seul : le corps communautaire. Cela va accélérer la formation de trois nouvelles compagnies: la cinquième à Saint-Priest en 1971, la sixième à Villeurbanne en 1973 et la septième à la Croix-Rousse en 1981. L'évolution démographique de la Communauté Urbaine de Lyon, ( C.O.U.R.L.Y ), la complexité et le nombre des interventions ainsi que le resserrement des budgets vont permettre de rapprocher compagnies professionnelles et sections de volontaires, ce qui n'était pas le cas au début des années 1970. Et, en 1987, la première section «  mixte « , est créée à Pierre-Bénite. Ainsi, une fois de plus, l'histoire est un perpétuel recommencement. Nous retrouvons , en effet, les mêmes grands événements qui ont marqué l'ancienne organisation d'avant 1913, c'est à dire la mixité. .