CONCLUSION

La modernisation de la formation des sapeurs-pompiers se met progressivement en place. Il faudra attendre plusieurs années afin d'obtenir des résultats fiables. En effet, des expérimentations identiques doivent se construire dans plusieurs départements. La synthèse de toutes les remarques permettra une formation finale, validée par des textes de loi. De plus, compte tenu de l'hétérogénéité des départements, certaines formations ne peuvent pas être construites. Un travail important de regroupement, sur le plan tant financier qu'organisationnel, doit se constituer, afin que la formation soit identique chez tous les sapeurs-pompiers de France.

Au congrès de Lyon, en septembre 1997, il est décidé de stopper le lancement de toute la réforme de la formation et d'attendre les premiers résultats de ce qui a été mis en place. En effet, devant la masse colossale de facteurs nouveaux, le premier constat est qu'il est impossible de respecter le calendrier prévu. La Direction de la Sécurité Civile préfère terminer correctement ce qui est en cours, avant de lancer de nouvelles réformes. Il est important d'analyser le comportement des sapeurs-pompiers à la suite de la divulgation des textes relatifs à cette nouvelle formation, car le facteur humain est déterminant pour le bon fonctionnement de cette dernière. Or, il représente certainement l'oubli le plus important de ce schéma. Il faut lister les expérimentations mises en place dans les corps et synthétiser les résultats de leur application, pour déterminer les lacunes et les points positifs. Enfin, il convient de suivre les regroupements, afin de déterminer si la formation est réellement identique chez tous et, si cela n'est pas le cas, d’en mesurer les conséquences pour ces derniers, ainsi que pour la réalisation de leurs missions.

Malgré les textes de loi, il est donc évident que chaque département devra s'adapter et que, obligatoirement, des exceptions vont apparaître. Ces dernières ne sont pas chose nouvelle car la fonction publique se caractérise souvent par ces éléments. Seule la démarche restera identique et cela est un facteur important pour la modernisation et le bon fonctionnement de la formation.

La notion de «  temps de travail «  est fondamentale pour l'avenir du nouveau schéma, en vue de l'adaptation et de la définition du savoir-faire. Comptabiliser annuellement les heures de formation de chaque agent permettra de répondre aux objectifs attendus, que ce soit en matière de coût, de présence en heures de garde ou de recyclage. Cela devrait permettre à chaque département de répondre aux besoins de la population en matière de secours. Les pompiers d'un département comme la Lozère auront besoin d'une formation moindre, cependant obligatoire, pour les incendies d'usines chimiques, que ceux du département du Rhône. Le coût de formation de chaque agent sera diminué. Ce type d'exemple caractérise les différences entre départements; une bonne prévision entraîne de réelles économies. Au bout de deux ou trois années d'exercice, chacun pourra établir un planning proche de la réalité et adapter le plan de formation au fur et à mesure de l'évolution de la société et de ses risques nouveaux.

Au seuil de l'an 2000, le métier de sapeur-pompier subit, surtout en ce qui a trait à la formation, une vaste réorganisation. Les missions évoluent et il faut s'adapter aux réalités nouvelles de la vie quotidienne. D'une monovalence, le feu, le métier est passé à une polyvalence, due essentiellement à une croissance d'activités provoquée par des phénomènes socio-politiques qui, dans le futur, seront peut-être amenés à la création d'une nouvelle entité du métier, c’est à dire qu’il existe peut-être la possibilité de former des pompiers exclusivement pour les détresses physiques et d’autres seulement pour les incendies, ou d'un réel changement de direction dans les missions. En effet, l'exode rural, associé à l'essor des grandes agglomérations entraînera peut-être la création de pompiers des villes et de pompiers ruraux. Mais le risque de la disparition de l'engagement citoyen ainsi que la perte d'une activité historiquement civique seront à prendre en considération. Il faut arriver à limiter cette polyvalence car le danger est d'entraîner le sapeur-pompier à l'incompétence: un généraliste est bon à tout et, en même temps, bon à rien. Il faut donc gérer et former par spécialités. La mise en place d'une « sur formation » serait une anomalie, qui rendrait inefficace toute le déroulement du nouveau schéma de formation. Les pouvoirs publics ont voulu aller trop vite en déposant d'un seul coup les transformations de la formation et en oubliant de comptabiliser le facteur humain, qui est la base des secours.

Au cours de l’année 2000, la notion de « psychiatre, psychologue » commence à faire son apparition, cela à la suite de différentes catastrophes importantes qui ont marqué, non seulement les victimes, mais également les sauveteurs. En effet, ces derniers sont les premiers acteurs à intervenir sur le terrain, où les situations sont parfois très difficiles à vivre. Pour ces derniers, il est important de « faire le vide » pour continuer à pratiquer son métier le plus sereinement possible. A Lyon, un médecin-psychiatre est susceptible d’intervenir à tout moment en situation de crise, pour aider les pompiers à « digérer » les interventions difficiles. De même, un groupe de travail vient de se mettre en place afin de noter les difficultés rencontrées par les soldats du feu, cela de mettre en place un dispositif performant pour rendre plus aisée les retours d’interventions particulières.

Tout en continuant d'intervenir journalièrement, il faut donc s'adapter au vaste chantier, qui est le nouveau schéma de formation. Ce dernier a été mis en place sans réelles explications et sans avoir été clairement défini, alors que son programme est totalement innovant. De plus, des points obscurs ne sont pas résolus, et cela à plusieurs niveaux. Lorsque les pompiers du Grand Lyon sont interrogés sur ce sujet, peu sont capables d'expliquer le futur fonctionnement de la formation et ils ne discernent pas de réels changements, bien qu'ils soient fortement concernés. Un grand effort de communication doit se mettre en place si nous voulons que l'évolution de la formation s’effectue le plus harmonieusement possible. Seule une plus grande concertation avec les hommes de la base permettra de combler les oublis et les lacunes existantes et de susciter ainsi une plus grande motivation, car le métier de sapeur-pompier est avant tout un métier de terrain. Ce dernier, si noble, doit le rester, même si l'évolution de la société doit donner de nouvelles directions aux missions confiées.

Une réforme est logiquement être incluse dans un cadre évolutif de l'environnement de la structure réformée. Les sapeurs-pompiers ne peuvent échapper à cette règle. Le nouveau schéma de formation en tient-il compte? L'exigence demandée est-elle en harmonie avec la compétence effectuée?

Comme nous l'avons vu auparavant, l'expression «  les soldats du feu «  n'a plus la même signification. La profession évolue obligatoirement avec la diversification des missions et la multiplication des risques liés à l'évolution constante de la société, due notamment au développement de l'urbanisation, de l'industrie chimique et nucléaire, ou à l'accroissement des transports,...Les pompiers doivent faire face aux risques tant courants qu’exceptionnels. L'éthique «  courage et dévouement «  se transforme et se dirige vers une éthique «  préventive et technique « . Cela est-il possible?; Cela annonce-t-il une ère nouvelle, qui se dessinerait à l'horizon pour ce métier? Lorsque nous regardons le nouveau schéma de formation, nous pouvons en être convaincu: il évolue, change, se transforme. L'aspect technique est traité dans sa globalité et concerne toutes les missions qu'il peut rencontrer lors des interventions. Cela étant obligatoire, l'évolution croissante et rapide de la formation doit répondre à toutes les exigences que réclame la technicité accrue des missions. Cette évolution de la formation est également favorisée par celle, générale, du métier, caractérisée par le projet de loi relatif à l'organisation des secours d'incendie et de secours du 17 janvier 1995, qui représente une avancée fondamentale. En effet, comme nous l’avons vu les moyens de secours, hommes et matériels confondus, vont se regrouper harmonieusement par le biais du passage à un établissement public. Ce phénomène est une petite révolution pour le métier, dont l'histoire a montré l'évolution chaotique et hétérogène et, parfois, les limites. Bien entendu, cela ne se fera pas sans difficulté, et de long mois seront nécessaires à sa réalisation. Des points-clés ne sont pas encore résolus, ou ont été oubliés. Par exemple, deux, pourtant essentiels pour les professionnels: le nouveau régime indemnitaire qu'implique le transfert de la Communauté Urbaine de Lyon à celui de l'établissement public, et le régime du temps de travail, avec les lois qui concernent les trente cinq heures. Le nouveau système de formation ne peut les occulter, sous peine de n’être pas soutenu par les pompiers eux-mêmes, qui feront barrage à toutes les réformes ou changements si ces deux facteurs ne sont pas régularisés rapidement. Il est évident qu'il paraît illogique de regrouper en un service unique des personnels dont la rémunération et le temps de travail sont disparates. Pourtant, les sapeurs-pompiers sont conscients que cela est une étape obligatoire de l'évolution de leur profession. Lorsque nous regardons le schéma de formation, nous constatons que les aspects techniques sont généralement remarquablement énoncés et précis, alors que les régimes de travail et indemnitaires ne sont que rarement évoqués. La tâche n'est pas aisée ; l'hétérogénéité constatée dans le métier de sapeur-pompier sera difficilement homogénéisable. Il conviendra de laisser une marge de manœuvre lors de la mise en place de futurs décrets, afin de trouver des solutions adéquates concernant la couverture des risques de chaque département.

Nous avons constaté que la diversité croissante des missions risque d'entraîner une généralisation de la formation. Il faut tenir compte de cet aspect sans évincer certaines valeurs qui font la force du métier: l'esprit d'équipe, la solidarité face aux dangers de certaines situations et au stress qui fait partie du quotidien. Le décès de pompiers, environ une vingtaine par année, les blessés, surtout ceux qui subissent les conséquences physiologiques et physiques dramatiques et irréversibles, cela doit amener à ne pas oublier qu'être sapeur-pompier représente une activité dangereuse. La personne qui risque sa vie pour sauver celle d'un de ses concitoyens mérite un minimum de reconnaissance de la part de l'Etat, qui ne doit en aucun cas banaliser cette profession. La motivation ou ce que nous pouvons appeler " la vocation ", risquerait de s'atténuer, surtout aujourd'hui, dans une société où le chômage est important. Enfin, un dernier aspect, jadis lointain pour beaucoup de personnes, doit être pris en compte; il s'agit de l'aspect pénal. Les pompiers jouent avec la vie des personnes. Un geste, une attitude, bons ou mauvais, peuvent avoir de graves conséquences et aboutir à un procès. La fatalité, la malchance n'ont plus cours actuellement. Les plaintes des victimes ou de leurs proches et les poursuites qui peuvent en résulter deviennent de plus en plus des banalités et se généralisent. Le service contentieux des pompiers traite ces dernières en nombre croissant. L'Etat ne doit pas oublier ces aspects, qui touchent fortement les pompiers, s'il veut que la modernisation de la profession soit possible.

La réforme de la formation doit se construire parallèlement à la modernisation des services d'incendie et de secours et former une osmose. La clarification doit être de rigueur ; «  l'à-peu-près «  n'est plus possible chez les pompiers du troisième millénaire. C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent être attentifs à l'élaboration du temps de travail et au régime indemnitaire, au risque d'entraîner l'échec de la modernisation de la formation ou un fort retard de réalisation. Cette dernière ne peut s’effectuer que si le personnel se sent concerné et fait partie intégrante d'un système qui représente l'avenir de la profession. Les pompiers doivent, pendant de longues années, pouvoir continuer à honorer la devise «  courage et dévouement ».