2.5.3 Les institutions socioculturelles comme « capital social 103  »

Il est bien évident que dans la plupart des pays pauvres, où l’Etat est incapable d’assumer ses responsabilités, les institutions socio culturelles jouent un rôle essentiel pour le bien être des citoyens. Ces institutions sociales organisées par les citoyens peuvent avoir plusieurs fonctions qui peuvent varier d’une simple entraide familiale au développement physique et socio-économique des quartiers, de la ville et même du pays. En Éthiopie, ces institutions socio culturelles ont plusieurs formes et fonctions. Parmi ces institutions « l’Idir et l’Iqub » sont très répandus et jouent un rôle important pour le bien être de la société.

Iquob : mot éthiopien pour designer la tontine c’est à dire une sorte d’organisation, qui émerge depuis l’occupation italienne (1936-1941), dans laquelle la population commence à sécuriser son capital et à épargner (Pankhurust and Endreas,1958, Alemayehu,1969, Dejene,1993) 104 . L’iquob est très répandu dans la ville d’Addis Abeba. Il naît souvent d’une relation sociale pré-établie entre les membres d’un même lieu de travail, d’une même profession, d’un même groupe ethnique, ou d’une même famille... (Dejené 1993) 105 . Les personnes volontaires, capables de verser une somme d’argent pour une durée limitée, déterminée au préalable selon leur capacité financières pourront éventuellement être comptées parmi les membres et reçoivent leur argent s’ils sont sélectionnées par tirage au sort pendant une période régulière souvent d’un mois ou d’une semaine. Cette institution, même si elle n’a pas de rôle direct en matière de développement urbain, permet de renforcer les relations sociales entre les gens, elle facilite l’accès des membres au crédit financier en cas de besoin ; elle apporte aussi une contribution aux institutions financières formelles, lorsque il s’agit d’iquob qui sont financièrement importants.

Idir : désigne une organisation sociale qui émerge elle aussi pendant l’occupation des Italiens et concerne des nombreuses Ethiopiens en général, et les citoyens de la ville d’Addis Abeba en particulier. Selon Dejene (1993) il y a 4 types d’Idir, formé en fonction des relations sociales existantes. Idir de communauté (territorial), Idir d’un lieu de travail, Idir d’amis, et Idir des familles. Dans tout les cas tous les membres versent une cotisation régulière, souvent mensuelle.

Cette organisation sociale a été conçue initialement pour développer l’entraide entre les membres de la communauté pendant les deuils, ou les accidents. A l’heure actuelle, elle a agrandi son horizon d’action. Selon une étude récente, la plupart de ces organisations se sont engagées dans les activités de développement à l’usage des citoyens, comme la création de crèches, les activités d’élevage … De plus, dans quelques cas, elles se sont engagés sur des collectes de fonds, en créant des petites entreprises de bois, de bambou, de métal, entreprises génératrices d’emplois pour la grande majorité des membres de la communauté 106 .

Formés par les citadins pour les citadins, ces capitaux sociaux jouent un rôle important et ont montré leur efficacité, remplaçant le capital institutionnel inexistant. De même, ils ont montré aux autorités locales (qui, eux mêmes font partie de ces institutions) que, ce sont les citoyens eux-mêmes qui connaissent le mieux leurs problèmes et donc que c’est à eux à les résoudre…. ainsi, selon nos constats la reconnaissance et l’encouragement de ces organisations vitales, tant au niveau de la conception, qu’au niveau de la décision en matière de développement urbain, peut contribuer énormément au développement souhaité.

Notes
103.

Cette terminologie, qui me semble explicite dans ce cas est venue d’un auteur Américain, Robert Putnam, se basant sur l’idéologie « l’infrastructure sociale a une valeur importante ». Il se réfère de la valeur de l’en semble des infrastructures sociales et la tendance d’entre aide provenant de ces infrastructures sociales. Qui se manifeste par : le transmission d’information des uns aux autres, l’assistance mutuelle, l’action collective, solidarité, (« I mentality in to a WE mentality ») Robert Putnam. Bowling Alone, 1995, p 7. [on line]. Disponible sur. < http://www.cpn.org/sections/tools/models/social/_capital.html > (consulté le 26/11/02).

104.

Cité dans, Annual economic report on the Ethiopian economy, vol.1.1999/2000, p,338

105.

Ibid., p,338.

106.

Addis tribune. Edirs : The latent socio-economique force which could be reckoned with, 2002. p,1. [on line]. Disponible sur: < http// www.addistribune.com/archives /2002/03/08-03-02/EDIRS.htm> (consulté le 20/02/02).