1.1.4.1 La prédominance des logements irréguliers : dit «habitats spontanés »

L’habitat spontané est une forme d’urbanisation développée par les ménages à faibles revenus dans les pays en voie de développement. Il se caractérise souvent par une densité maximale, des constructions en matériaux précaires, sans équipement ni infrastructure. Ce phénomène qui se développe plus vite que l’habitat moderne est la conséquence d’une rupture d’équilibre entre l’offre et la demande de logements et les services urbains.

Une partie importante des citadins des pays en développement, (parfois la majorité) est exclue des filières légales d’accès au sol et au logement. Elle vit dans une situation foncière précaire, dans des quartiers sous-équipés, qui sont souvent désignés comme « irréguliers ». Selon les régions et les pays, il est estimé que cet habitat irrégulier contribue de 20% à 80 % à la croissance urbaine et concerne entre 10 % et 70 % des citadins des pays en développement. La moyenne se situe aux alentours de 40 % et concerne de 30 à 70 % des tissus urbains. (A. Durand L., 1997) C’est dans les grandes métropoles que les problèmes sont les plus aigus. (ENDA, 19996)

L’émergence des logements irréguliers qui ont des appellations différents178 n’est pas un phénomène qu’on connaît précisément, il serait apparu vers les années quarante peut être en Asie. A Delhi, par exemple vers 1956, 22.000 familles sont concernées elles sont 30 millions en 1998. Il est évident que c’est le résultat d’une urbanisation rapide et d’une pression démographique forte qui a entraîné trois phénomènes :

  • Une demande importante de la surface à fonction résidentielle pour une population qui construit majoritairement des logements,
  • Une demande croissante des infrastructures, logements, équipements que les états concernés ne peuvent pas satisfaire,
  • Une demande de moyens financiers pour faire face aux demandes précédentes (Engelbert, 1999).

Les logements irréguliers, qui font partie de l’Image des villes des PED, satisfont les besoins des habitants et surtout ceux des pauvres. Ils sont fortement liés aux activités informelles dominantes dans ces villes ; on trouve des types de logement variés, tant au niveau de la structure qu’au niveau qualité, qui se sont répandus selon le rythme de la demande et selon le contexte régional.

En Afrique, la situation est grave, particulièrement en Afrique sub saharienne : 70 % de la population de Dar Es-saalam, 75 % de la population, de Nairobi (Kenya) et d’Addis Abeba (Éthiopie), plus de la moitié de la population de Douala (Cameroun), plus de 75 % de celle de Conakry, (Guinée), et 30 % de la population de Dakar, (Sénégal) sont concernées.

En Amérique latine, il a été estimé en 1990, que 40 % des logements au Mexique étaient irréguliers, 41 % de la population de Caracas et du Venezuela vit actuellement dans les Barrios. De la même manière, plus de la moitié de la population de Sao Paulo et de Brésil vit dans les quartiers irréguliers179.

En ce qui concerne l’Asie, c’est le cas de 36 % de la population en Inde (40 % à Bombay), 50 % des citidans à Dacca au Bangladesh, et 40% de la population de Manille dans les philippins.

Dans les pays arabes, la population des établissements irréguliers s’accroît à un rythme rapide depuis longtemps(CNRS, 1995), par exemple, 45% de la population de Maroc, 36 % de la population de Caire sont dans tels logements. (CNRS, 1995)

Toutefois, il faut prendre ces chiffres avec précaution : ces informations ne sont pas continuellement mises à jour et elles sont donc peu fiables dans la mesure ou les occupation et les évictions se succèdent très rapidement.

Les regards envers ce type d’occupation sont variés et évoluent depuis longtemps soit en leur faveur soit contre, et paradoxalement parfois dans les deux directions à la fois180. Selon Manal El-Batran, ces occupations ne doivent pas être considérées comme des crises du logement, mais au contraire comme une contribution de la part des pauvres pour trouver une solution… (Manal E., 1999)  Différentes mesures ont été prises : au Brésil par exemple, on a d’abord tenté de les « cacher », puis de les « expulser », et on a finalement tenté de les « régulariser ». (Betania, M., 1999). Actuellement les tendances sont confuses : éviction181régularisation, ou bien les deux à la fois selon la situation économique et politique.

L’Afrique du Sud protège ces occupations, promulguant certaines lois « The interim protection of informal land rights act ( IPILRA)182 [ Voir annexe 10 ] Mais dans le même temps elle en expulse les occupants par la force et ceci jusqu’à aujourd’huiBBC News. South Africa police clash with squatters. [on line]. Disponible sur < http:// news.bbc.co.uk/hi/english/world/africa/newsid_2065000/2065192.stm> consulté le 25/06/02. (p 188/1 (BBC, 2002)

A Séoul en Corée du Sud, 50.000 à 60.000 familles en situation irrégulière sont expulsées pour laisser la place à d’autres projets.

A Manille (où la responsable de logement disait « Nous devons suivre les lois du marché. Les terrains de Manille ont trop de valeur pour être attribués aux pauvres »), huit grands projets d’infrastructure vont conduire à l’expulsion de 100.000 familles pauvres, soit un demi million de personnes à reloger.

A Bombay, 30.000 familles ont été expulsées de force en 1997 (Dennis M., 1998)

Au nom du principe de la « lutte frontale contre l’extrême pauvreté », entre 1988 et 1994, le Mexique a régularisé la situation de plus de 15 millions de personnes (Patrice M., 1993)

Ce type d’occupation présente à la fois des avantages et des inconvénients : Fortement lié aux activités informelles, ce type d’occupation joue un rôle important, principalement en absorbant des citadins incapables de s’intégrer à la filière formelle des logements pour des raisons économiques. C’est aussi une source de création d’emplois… Les inconvénients sont variés, hormis les fâcheuses conséquences sur le développement physique et socio-économique de la ville en général, les habitants dans de ce type d’occupation sont souvent exposés à la violence, au crime, aux maladies transmissibles et parfois fatales… Les dégâts financiers, matériels et humains sont très importants lors d’un déguerpissement…183

Depuis les années 1960, des urbanistes et des sociologues ont tenté de convaincre les autorités de stopper l’éviction en montrant le bien fondé de ces habitations. (Yap Kioe, 1982) [John F.C Turner est un chercheur qui a reconnu ces occupations comme autonomes et qui s’attache à démontrer leur importance depuis 1960]. Pourtant, des idées contradictoires demeurent, provenant à la fois des autorités des villes, des chercheurs, des politiciens, des habitants formels… Il est difficile de résoudre le problème actuel et de stopper la tendance continuelle de ce phénomène. Atténuer ce problème nécessite une approche variée, dans des secteurs très différents, et consiste principalement, à appliquer un système foncier, flexible…en faisant participer tous ceux qui sont concernés.

Notes
178.

Informel, spontanés, populaires, slums, logements autonomes, ….. et cela veut dire en générale désorganisées, non planifié. ( Ardanal et El-Batran) et selon l’organisation mondiale de travailleurs ils sont le « Pauverty belts »

179.

ENDA, En finir avec l’insécurité, in  : ENDA, Vivre autrement, l’accès au sol constitue l’obstacle le plus difficile à surmonter dans la réalisation des projets d’habitat. Istanbul 96, 1996, p, 5. Dossier, série 6, n° 10, Ibid,.

180.

A l’époque socialiste, selon les marxistes, des logements irréguliers ne résoudront pas le problème du logement, au contraire, ils provoquent inégalité et montrent la dominance des capitalistes. Selon les socialistes, les occupations informelles sont les résultats du mode de production capitaliste.(Yap kioe-sheng june 1981).

181.

Selon UNCHS l’eviction est « Permanent or temporary removal againist the will of individuals, families, and communities from the homes and land which they occupy, with out the provision of and acces to appropriat form of legal or other protection…(position paper on housing rights. UNCHS (HABITAT) march 2001). 

182.

Department of land affaires, Marissa Greeff, TK Sonjica. The interim Protection of informal land rights act (IPILIRA) act 31 of 1996, p,8. (p 113)

183.

Les dégâts financier pendant les déguerpissement de ces types d’occupations sur lesquels les pauvres citadins investisse beaucoup, les dégâts humain pendant l’affrontement avec les forces de l’ordre, dans ces pays et surtout en Amérique latin : en Mexique et en brésil par exemple sont importants.