2.4.2 La théorie et la pratique

Plusieurs auteurs ont indiqué théoriquement les conditions quei doit remplir par la réforme foncière, ses objectifs, ses outils et les différents aspects qu’elle doit traiter. Bien entendu, ils s’appuient sur leurs expériences et leurs convictions mais avec une même idée centrale qui converge. Voici quelques développements que l’on peut trouver dans la littérature :

Mettant l’accent sur les aspects institutionnels et instrumentaux, la réforme du système foncier vise l’équité, l’efficacité, la souplesse et la participation (Catherine et Patrick, (1993)

Selon David et Giles (1991), la reforme de la politique foncière est un processus long, qu’on doit établir étape par étape et qui nécessite une étude des marchés fonciers, la décentralisation administrative, la dérégulation, la réforme ou la création d’agences de développement foncier, l’amélioration des marchés fonciers, des conditions institutionnelles, financières et spatiales ainsi que l’approvisionnement des infrastructures nécessaires.

Selon les Nations Unies, un des principaux objectifs de la réforme du système foncier est la création d’un système où l’offre du sol est suffisante, dans une localisation acceptable, en temps voulu et à un prix convenable. De même, elle doit assurer l’équité de la distribution et de l’utilisation du sol, de manière efficace pour pouvoir loger les pauvres.

De plus, la réforme doit offrir une sécurité de tenure et un accès, égaux pour tous les citadins y compris les femmes et les pauvres. Elle doit être transparente, compréhensible et accessible à tous. Elle doit assurer le transfert des droits et d’héritage tout en protégeant les droits traditionnels des indigènes. Bien entendu, le système de gestion foncière doit également être renforcé.

Selon Alain Durand Lasserve (1997), l’objectif de la réforme foncière est d’assurer la régulation du marché foncier ainsi que de coordonner les différents types de marchés. D’après lui, il est alors important de créer un cadre institutionnel et légal approprié.

De manière générale, de nombreux auteurs ont souligné que la réforme doit définir clairement les mesures nécessaires pour parvenir à une l’utilisation optimale et équitable du sol.

Les pratiques observées sont loin de la théorie. À part quelques approches et actions spécifiques entreprises pour résoudre quelques problèmes urgents à un moment donné, aucune ville n’a tenté de remplir simultanément toutes les conditions indispensables pour une véritable reforme de la politique foncière récemment. Voici les principaux motifs :

  • le cadre de la réforme a une dimension importante vis-à-vis de la capacité de la plupart des villes ; elle la réforme touche l’intérêt des autorités, des bureaucrates, des spéculateurs qui bénéficient du système en place et veulent le conserver.
  • cette réforme est possible seulement dans un contexte, où il y a un leadership (gérance) approprié qui peut mobiliser toutes qui sont enjeux et concernées.
  • Il n’y a pas de modèle, car les conditions varient trop d’une ville à une autre ou d’un pays à un autre : l’importance de l’informelalité, la distribution des riches, l’économie, le développement, les marché, le droit…. (A.D. Lasserve 1997)

Alors comment doivent réagir ces villes ? Quelles sont les solutions pour sortir de la crise urbaine et parvenir au développement souhaité ? Étudions les trois options (démarches) possibles, évoquées par le professeur J. McAuslan, dans son œuvre intitulée Institutionnel, légal options for administration of land développement, (1989).

  • Muddling through : (s’en sortir tant bien que mal) cette option laisse le système existant tel qu’il est. (Respectant ou non le statut quo) les problèmes pressants urgents sont résolus avec les moyens à la disposition, sans aucun effort pour améliorer le système global. C’est une option que la plupart des villes semblent emprunter.
  • Incremental change (changement incrémental) : amélioration progressive du système selon les ressources disponibles pour envisager éventuellement une réforme fondamentale. C’est une option vers laquelle se sont tournées quelques villes, mais avec difficulté.
  • Fundamental reform (réforme fondamentale), consiste en un programme de réformes planifié, global, où tous les acteurs concernés sont impliqués, les ressources financières et humaines… devront être mobilisées pour permettre un changement radical et une réforme du système foncier globale. C’est une option relativement éloignée de la réalité des villes.

Ces trois notions permettent aux autorités des villes d’avoir quelques idées sur les mesures à prendre :

  • Est-ce que les villes doivent suivre la tendance actuelle et rester passives, en parant seulement au plus urgent parce qu’elles sont incapables ou craignent la complexité et l’ampleur de la réforme évoquée ?
  • Doivent-elles améliorer progressivement la situation en résolvant les problèmes actuels tout en arrangeant un changement radical pour l’avenir ?
  • Doivent elles réagir vite pour envisager une réforme fondamentale  de la politique et du système foncier ?

Comme plusieurs études l’ont révélé, toutes les actions partielles concernant l’amélioration du système foncier restent inefficaces. H. Sazanami et al (1992) affirment « l’introduction d’un instrument limité de la gestion n’est plus efficace, et peut même engendrer des effets négatifs ». Mais en même temps, il est évident que l’introduction d’une réforme du système foncier radicale et fondamentale est un chantier complexe de grande ampleur à mettre en oeuvre. Quelle doit donc être la solution ? Quels seront les choix des autorités de ces villes ? Autant des questions importantes, auxquelles nous devons répondre avec précaution en tenant compte du contexte, politique, socio économique et physique …, de chaque ville.