2.4.3 Les principales causes d’échec

Plusieurs conditions affectent le système foncier qui est la base du développement de ces villes. Elles sont différentes et ont des origines variées, mais elles ont les mêmes impacts souvent négatifs sur le développement de ces villes. D’ores et déjà, nous avons constaté :

et d’après nos observations, les conditions politiques et économiques du pays, les conditions institutionnelles et organisationnelles, les conditions culturelles et religieuses, ainsi que les conditions politiques et économiques mondiales constituent en général les causes principales de l’échec du système foncier dans de nombreuses villes.

La politique nationale des pays en voie de développement n’est pas trop favorable au développement des villes. Cette politique nationale, trop souvent centraliste est une des principales causes de l’inefficacité de la gestion urbaine et foncière.

Comme la terre et surtout le sol urbain sont des éléments importants pour assurer le pouvoir des états souvent instables, on est souvent confronté à l’absence de volonté pour partager le pouvoir dans les secteurs de l’administration foncière. Peu nombreuses sont les autorités de ces villes qui ont accordé un pouvoir partiel dans le domaine foncier aux autorités locales.

Ainsi, la tendance de la plupart des gouvernements de ces pays s’est orientée très fortement vers la centralisation des pouvoirs en contrôlant ledu sol.

En Afrique, la situation est sérieuse : l’absence de support politique pour le développment des villes est une caractéristique commune.

‘«…There has been lack of adequate political support for the pursuits of the objectives and aims of town planning and development control. Urban development system has failed due to the inherent legal, admininstrative and political weaknesses… » (UNCHS, 2002)’

Dans la plupart des villes latino américaines, par exemple au Mexique, à Baogota, en Colombie malgré l’adaptation du principe de décentralisation, les décisions importantes en matière de développement foncier sont parfois centralisées et relèvent d’une autorité limitée. Par exemple, au Mexique où la décentralisation est un thème récurrent un système fort de centralisation a empêché depuis longtemps la régularisation des occupants informels, « les ejidos ». (Land lines, 1988)

Au Brésil, dans quelques villes, la plupart des décisions en matière foncière experiment la volonté du maire. C’est ce que souligne Ellade Imparato, 1999 :

‘« The stability of local urban policies at the local level is still a dream. It requires the mayors will in the first place…..based on mainly the mayors good will the urban policies change every four year… and every urban development process is a political bargain....».’

L’intervention directe des autorités (en personne) pour des raisons politiques est aussi un facteur explicatif. À Mexico, en Août 1990, le président distribua personnellement plus de 250.000 titres de propriété lors d’une grande manifestation de soutien au gouvernement. (Études foncières, 1994). D’autre part, Pedro Abramo (1998), soumet le cas de Brasilia :

‘«… Further more political influences on the developement process have significantly compromised the chances of efficently managing public land…….In the early 1990s the governement distributed by him self about 65000 lots with out any infrastructure …, ». (Land lines, 1988)’

En Afrique, l’interférence politique est un phénomène commun. Le UNCHS, écrit (2002):

‘« Political interference is not uncommon in the local authorities. Political interference in the urban development control system has limited the local authorities ability to fully regulate and control development. Powerful government officials have been known to enforce approvals which do not meet the stipulated requirements… ».’

Cette forte centralisation aggravée par l’incapacité de l’état ou des autorités concernées à gérer proprement leurs villes, est souvent la cause d’une mauvaise utilisation des plans urbains, de la transgression des lois en matière foncière, et l’exclusion…, de nombreux états ne respectent pas les droits humains et ne protégent pas les citadins pauvres. (Miloon Kothari, 1997).

Selon des études réalisées dans les villes des PED, les multiples autorités ont des fonctions qui se recoupent et sont parfois conflictuelles, les mécanismes financiers ne sont pas élaborés proprement. De plus, le rôle du secteur privé, des ONGs et des CBOs en ce qui concerne la gestion foncière est négligé ou pas clairement défini. (Jamal H. Ansari, 1977)

En Malaisie par exemple, le processus d’approbation pour obtenir un permis de découpage des lots implique 15 à 20 agences gouvernementales et prend entre 5 et 8 ans (David E. Dowall, 1995). au A Pérou, l’adjudication de terrains appartenant à l’état nécessite environ 43 mois et requiert 207 démarches administratives dans 48 bureaux différents. Au Cameroun, l’enregistrement pour accéder au sol peut durer entre 2 et 7 ans (Catherine et Patrick, 1993)

En Amérique latine, au Pérou, l’approbation d’un projet d’urbanisme peut prendre plus de deux ans. A Sao Paulo, le processus long d’approbation des plans de développement et l’attribution de permis doit se faire auprès de treize institutions. (Claudia, 1994)

L’inefficacité des relations entre le gouvernement central et les autorités locales handicape les opérations des autorités locales dans de nombreuses villes africaines comme c’est le cas à Nairobi, Dar es Salam, Abuja, Lusaka et Harare. À cause de son inefficacité institutionnelle, le gouvernement tanzanien a été obligé de remplacer le conseil de la ville par une certaine commission en 1996. Des documents témoignent de l’attribution de lots disponibles à des personnes difficiles à identifier, même inexistantes. ( Sababu Kaitilla, 1987)

On doit évoquer aussi la corruption qui s’intensifie dans les villes de ces pays. C’est un élément très alarmant dans quasiment toutes les villes et surtout en Afrique, où la transparence n’est pas monnaie courante. Par exemple, le président Moi au Kenya a stoppé en février 2002, l’attribution du sol, quelles que soit l’activités privées, afin de lutter contre la corruption inquiétante existant à Nairobi. (BBC News, 2002)

En Afrique du sud, l’incapacité des institutions gouvernementales, l’absence de pouvoir pour prendre les décisions, l’instabilité des responsables,et l’existence d’une réflexion de « pre post apartheid » et les mauvaises relations entre les responsables de différentes hiérarchies sont les principaux problèmes. (Lauren Royston, 1996)

Au Bénin, le coût administratif actuel de gestion du système foncier est très élevé du fait d’une mauvaise organisation globale225, une partie de l’effectif des fonctionnaires municipaux ne fait que traiter les litiges fonciers.

Une étude a révélé qu’au Ghana l’inefficacité des institutions en matière foncière rend difficile et compliqué l’accès au sol urbain. De plus, la longueur du processus peut très souvent engendrer la hausse du prix du sol. (Gavin et al, 1998)

Selon Shaibu Bala Garba (1997), la centralisation très forte des décisions en matière foncière, l’incapacité des institutions de gestion, l’absence de personnels qualifiées, les conflits de mandats entre les institutions représentent les problèmes les plus critiques dans la capitale du Nigeria. (Habitat international, 1997)

Il est évident que les conditions économiques jouent un rôle important dans le développement des villes, lui même moteur du développement des pays. Selon nos observations, les villes qui rencontrent les difficultés les plus importantes en terme de système foncier sont celles qui sont économiquement faibles. Ceci concerne principalement les villes africaines, notamment les villes au sud du Sahara. Ces pays dans la plupart des cas ne parviennent pas à exploiter les ressources existantes ou sont défavorisés par leur situation géographique. Ils sont incapables de réaliser les investissements nécessaires pour leur développement, et peinent pour attirer les investissements extérieurs (souvent à cause leur mauvaise image politique et de problèmes liés à la nature…)

Les conditions culturelles et religieuses sont aussi à l’origine des difficultés d’administration des villes et de gestion du sol urbain. Par leur importance sociale, elles jouent un rôle négatif sur l’administration foncière des villes.

Par exemple, un fort attachement au sol pour des raisons culturelles a provoqué le rejet de la commercialisation de la copropriété verticale, proposée comme modèle résidentiel au Nigeria et au Brésil226.

A Bamako, à la périphérie de la ville, la coutume considère la terre comme un élément sacré et divin. Le sol ne peut donc être géré que par ceux qui détiennent le pouvoir des ancêtres « le chef » ceci représente un obstacle de plus pour la gestion foncière de la ville. (Herve Vieillard Baron, 1989)

La politique mondiale a des impacts forts sur la politique foncière en particulier et sur le développement des villes en générale.

On peut évoquer ici, le cas de la plupart des pays qui nationalisent le sol urbain au nom de l’intérêt social. Ceci suit le principe socialiste appliqué dans des nombreux pays. L’impact est relativement fort sur le système foncier. On peut aussi constater les implications de la politique mondiale à présent, après l’effondrement de l’union soviétique : de nombreuses villes recourent à l’application d’une politique foncière libérale, abandonnant aussi le système foncier socialiste.,Cc’est le cas de la plupart des pays ex-socialistes, qui à l’heure actuelle sont confrontés à plusieurs difficultés.

Les conditions économiques mondiales ont également influencé directement ou indirectement le développement urbain en général et le système foncier de ces villes en particulier.

Aujourd’hui, à cause de l’émergence de la globalisation, plusieurs villes sont confrontées à des difficultés énormes. Malgré son importance capitale pour la création d’emplois la globalisation génère une imposition sur le système foncier démesurée pour ces villes, qui ne sont pas encore prêtes pour accueillir ce type d’investissements dits « Multinational manufacturing coorporations » qui viennent sd’y s’installer. Ces villes sont encore pauvres en infrastructures, en logements pour le fonctionnement de ces investissements ainsi que pour attirer les investisseurs de grande ampleur. Ceci concerne parmi d’autres, l’Argentine, Barbade, l’Indonésie, la Malaisie, Mexico, les Philippines, Singapore et le Sri lanka227.

De manière différente, dans quelque cas, la globalisation a un effet négatif sur le développement de quelques villes : l’avancement technologique industriel a pour conséquences la réduction de la main d’œuvre. Par exemple, à Sao Paulo, comme Ellade Imparto, l’a constaté en 1999,

‘« ... the globalization process brought not only enedmic unemployement and the revision of soverginity National state concept, but the weakness of popular movements as a reflection of this tendancy… ».’

Nous nous rappelons aussi l’impact de la crise financière mondiale dans les années soixante dix. Cette crise (qui menace encore de nombreuses villes de ces pays) avait provoqué une augmentation forte sur le marché immobilier dans de nombreux pays et surtout dans les villes des pays asiatiques comme en Thaïlande, à Hong Kong, en Corée du Sud…, cela a engendré une forte hausse du prix du sol urbain, qui a exclu de la ville de nombreux habitants. Donc la plupart des autorités de ces villes ont du réexaminer leur système foncier.(Ellade Imparto,1999)

Enfin, n’oublions pas l’influence négative de l’échec du marché financier de New York en 1928. Il a fait fortement baissér le prix du café Brésilien, engendrant une forte migration des paysans à la recherche d’emplois vers la ville, ce mouvement conséquent est à l’origine de la création des « favelas » ou encore de l’occupation informelle qui à l’heure actuelle n’est toujours pas solutionnée.

Notes
225.

UMP. Pourqoi une reforme ? [on ligne]. Disponible sur : < http://www.foncier.org/travaux/benin/benin-1.html >

226.

Une formule dite « la formule d’Adiron » a été instituée depuis 1972 à Sao Paulo, l’idée et d’obtenir l’augmentation du COS proportionnellement à la réduction de l’emprise au sol par la loi de zonage, dont les constructeurs peuvent partout dans la ville. La formule utilisée pour le calcul du supplément de COS a pris le nom do secrétaire de l’urbanisme de l’époque.

227.

Selon la banque Mondiale, vingt quatre million emplois sont crée par les multinationales entre 1985 et 1992 dans les PED.