INTRODUCTION GENERALE

Depuis deux décennies environ, les entreprises françaises développent de plus en plus leurs activités en dehors des frontières de notre pays. Aujourd’hui, il est courant de parler de mondialisation des produits, de concurrence internationale, de guerre des prix, de respect des délais, de qualité totale, voire même d’excellence. Ces termes recouvrent et imposent aux entreprises françaises des réalités exigeantes. Ces développements répondent à une question de survie et de devenir pour ces entreprises, après les différentes crises économiques qui ont bouleversé la cartographie mondiale des échanges (Dejoux 2001) 1 .

Pour répondre à ces nouvelles données, elles sont contraintes de trouver en leur sein les ressources nécessaires à leur survie. Face aux exigences de souplesse et de réactivité réclamées par les clients, les entreprises doivent s’adapter et remettre en cause leurs modes de fonctionnement organisationnel et repenser la gestion de leur potentiel humain. Elles doivent ainsi redéfinir leurs axes stratégiques en s’appuyant sur leurs ressources humaines, afin de trouver les solutions leur permettant d’accompagner et de piloter les actions transformatives mises en œuvre sur les plans commercial, industriel et technique.

Ces mouvements entraînent une analyse des ressources humaines dans les entreprises, en termes de compétences disponibles actuelles et futures, non plus centrées uniquement sur les postes de travail. Les entreprises sont amenées à reconsidérer la vision qu’elles ont de la gestion des ressources humaines et à revoir conjointement l’instrumentation de cette gestion.

Comment, dans ces conditions, mobiliser le personnel pour l’amener à accepter et accompagner ces mouvements ? En quoi les instruments de gestion des ressources humaines, et plus précisément les systèmes de classification et de rémunération, peuvent-ils apporter un début de réponse à la souplesse et la réactivité réclamées par les clients et faciliter le passage d’une logique de postes à une logique de compétences ? Quelles contributions un système de classification des compétences peut-il apporter à l’amélioration des performances socio-économiques des entreprises et des organisations, dans un contexte de changement, où les références habituellement utilisées dans le contrôle de l’activité des entreprises sont remises en question ?

La gestion des ressources humaines remise en question, interpelle aussi la fonction « Ressources Humaines » qui doit être en capacité d’accompagner et de piloter les processus de changement envisagés. La question qui se pose alors est : quelle contribution la fonction « Ressources Humaines » apporte-t-elle aux décisions stratégiques, par l’élaboration et la qualité de la mise en œuvre d’outils de gestion des ressources humaines renouvelés, répondant aux attentes des acteurs dans des contextes fluctuants ?

Autant de questions auxquelles tente de répondre notre recherche en étudiant un processus de renouvellement de deux outils de gestion des ressources humaines, leur mise en œuvre dans un contexte de changement et leurs conséquences sur le mode de fonctionnement de l’organisation et ses performances. Ce renouvellement touche le domaine des classifications et des rémunérations dans le cadre du passage d’une logique de postes à une logique de compétences.

L’objectif de notre thèse est de démontrer qu’en agissant sur les variables compétence, rémunération et dysfonctionnement par la mise en place d’outils de gestion de ces variables, les entreprises peuvent améliorer durablement leurs performances socio-économiques dans un contexte de changement. Cette démonstration s’appuie sur des éléments issus d’une étude pratique montrant l’élaboration d’une grille de classification des compétences et son utilisation possible dans la recherche d’amélioration des performances socio-économiques d’une entreprise. Conjointement, notre recherche est aussi une interrogation sur le positionnement stratégique de la fonction « Ressources Humaines » et sa contribution à l’évolution des organisations. Tout changement dans une organisation, quelle que soit son origine, perturbe les acteurs dans leurs habitudes, leurs cadres de références. Il affecte aussi les fonctions de l’organisation, entre autres la fonction « Ressources Humaines ». Celle-ci doit permettre aux acteurs de l’entreprise, par des actes créateurs et innovateurs, de s’approprier de nouveaux outils. Notre recherche fait appel à la contribution des chercheurs en Sciences de gestion facilitant une meilleure compréhension des pratiques de gestion des ressources humaines, l’optimisation de ces pratiques et leur articulation avec les décisions stratégiques des organisations. C’est en nous appuyant sur les travaux et résultats des recherches en Sciences de gestion, et plus précisément dans le domaine des ressources humaines, que notre recherche tente d’enrichir les pratiques de gestion des ressources humaines au service de l’amélioration des performances socio-économiques des entreprises.

Par une approche à la fois pragmatique et conceptuelle de la gestion des compétences, nous souhaitons répondre à une double préoccupation :

Dans l’entreprise où nous sommes intervenu, nous avions en charge, de 1993 à 2000, les missions de responsable de la gestion des ressources humaines que nous préciserons à la section 0.2.2 concernant la problématique. Du fait de notre position d’intervenant - chercheur - acteur interne dans le renouvellement et l’utilisation des outils de gestion des ressources humaines et leurs impacts sur le passage d’une logique de postes à une logique de compétences, notre recherche s’inscrit dans le cadre d’une recherche-intervention que nous développerons à la sous-section 0.3.2. Cette méthode d’intervention nous a aidé à accompagner un processus de changement qui s’est amorcé en 1995 et a évolué pendant cinq ans (1995-2000). Elle apporte une dimension cognitive et interactionniste à notre recherche.

Notes
1.

DEJOUX C., « Les compétences au cœur de l’entreprise », Edition Economica, 2001, 348 p.