0.3.2.2 L’apport de la méthodologie de recherche-intervention

La recherche-intervention ayant une vocation transformative est très différente d’une recherche conduite par « observation participante » qui consiste à réaliser des observations en participant à certaines activités de l’entreprise, parfois à l’insu des acteurs. Cette dernière méthode est très utilisée en sociologie des organisations et en sociologie du travail.

Le choix de la position et des outils du chercheur est particulièrement discriminant voire déterminant dans une recherche-intervention. Si la production de connaissances scientifiques s’opère par la collecte interprétée de faits, d’informations, de signaux, il est indispensable que le chercheur choisisse un champ d’observation et une position qui lui permettent de voir ce qu’il souhaite voir et de rechercher une adéquation satisfaisante entre le champ d’observation et l’objet d’étude.

Le chercheur stratège recherche une ou des positions pour observer ce qu’il désire observer. Suivant sa position, en prenant l’exemple de la montagne, il aura trois représentations différentes suivant qu’il se situe sur chaque versant ou au sommet. Le choix de la position du chercheur résulte en fait de mouvements de positions pour générer un champ dynamique producteur de signaux et d’informations, qui lui permettront de construire une série de représentations de la réalité puis une nouvelle représentation qui découlera de la confrontation en synergie des premières (Savall et Zardet, 1995) 51 .

L’observation du comportement des acteurs, par des recherches-interventions, nécessite de négocier avec les acteurs de l’entreprise la ou les positions de l’intervenant chercheur au sein de l’entreprise. Cette négociation préalable doit permettre d’avoir accès aux informations pertinentes, condition impérative pour effectuer une recherche d’intention scientifique ayant un niveau de qualité et de fiabilité suffisant. Après la signature d’une convention, s’il s’avère que certaines conditions ne sont plus accessibles et négociables, le chercheur-intervenant se trouve alors « piégé » dans sa démarche : il subit un biais méthodologique et théorique provoqué par le périmètre étriqué de son panier d’informateurs. Le choix du panier  « d’informateurs » est un facteur-clé pour la qualité des informations obtenues et partant pour la qualité de la représentation de la réalité

Ainsi, dans une problématique touchant à la politique des ressources humaines, le fait de concentrer les informations sur le Directeur des ressources humaines, ses collaborateurs ou le Directeur Général aboutit à une représentation centrée sur les objectifs et le contenu de la politique affichée des ressources humaines ou de la stratégie d’entreprise. A contrario, le fait d’élargir le panier « d’informateurs » à des cadres opérationnels permet de se faire une représentation de la réalité par les comportements observables dans l’entreprise. Cette représentation enrichie met en évidence, non seulement la politique des ressources humaines ou la stratégie telle qu’est est perçue, comprise et acceptée par les acteurs qui la mettent en œuvre, mais aussi les écarts entre les objectifs affichés et les objectifs atteints 52 .

L’alternance, enfin, entre les positions d’immersion dans l’entreprise et la « distanciation » est indispensable pour le chercheur-intervenant afin d’élaborer une représentation conceptuelle de sa problématique. L’hypothèse de concept peut-être formulée sur les lieux mêmes de la recherche-intervention, le test est alors négocié en temps réel pour faire une première validation de sa pertinence

L’incorporation provisoire puis durable de la modélisation se fait lors des phases de distanciation critique, les tests s’effectuant lors des phases d’immersion.

La figure 0-7, de la page suivante, résume la chronologie productrice de concepts qui sont expérimentés de façon quasi-concomitante à leur émergence.

Figure 0-7 : le processus de création et de validation des concepts
Figure 0-7 : le processus de création et de validation des concepts

Source :SAVALL H. et ZARDET V. « Ingénierie stratégique du roseau ».

Nous allons maintenant exposer les raisons qui nous ont conduit à retenir la démarche de recherche-intervention dans le cadre de nos travaux.

Notes
51.

SAVALL H. et ZARDET V. « Ingénierie stratégique du roseau » Ed. Economica, 1995, 517 p. op. cit.

52.

Ibid.