2.1 l’instrumentation Au sein de l’entreprise

2.1.1 La mise en œuvre des compétences : La grille de compétences

Nous avons constaté que la grille de compétences est un outil pertinent pour repérer l’ensemble des opérations réalisées dans un service ou un atelier. Cette grille, créée par Savall H., en 1979, puis mise au point avec les chercheurs de l’ISEOR, est un synoptique qui visualise pour un service ou un atelier donné, le degré de compétences effectives des différentes personnes qui contribuent à l’activité du service ou de l’atelier et l’organisation concrète du travail (Savall et Zardet, 2000) 89 . La grille permet de recenser à la fois les compétences nécessaires à l’activité d’un service et celles relevant de savoir-faire particuliers mis en œuvre ou disponibles chez les personnes.

Les compétences sont définies par le couplage d’une connaissance théorique et de la pratique observable d’une opération (Savall et Zardet, 1995) 90 . Les connaissances théoriques peuvent être acquises de façon didactique ou par apprentissage. La grille de compétences est aussi un indicateur de pilotage de la formation et de l’organisation du travail et à ce titre, s’intègre dans le tableau de bord de pilotage.

La figure 2-1 ci-après résume les finalités de la grille de compétences :

Figure 2- 1 : les finalités de la grille de compétences
Figure 2- 1 : les finalités de la grille de compétences

La grille de compétences, présentée dans la figure 2-2 page 86, montre de quelle manière celle-ci est utilisée et prend sa place dans le tableau de bord d’un responsable d’unité.

La grille de compétences, comme les autres outils, a fait l’objet d’une formation-concertation au profit des membres de l’encadrement et des agents de maîtrise de la société X suivant la démarche HORIVERT. C’est une démarche à la fois HORIzontale et VERTicale. La démarche HORIVERT (Savall et Zardet, 1995) 91 del’intervention socio-économique, dans une organisation comporte deux actions simultanées :

  • une action horizontale qui est réalisée auprès de l’équipe de direction et des cadres ;
  • action verticale qui s’intéresse à quelques unités ou catégories de personnel. Ici se sont les agents de maîtrise et les régleurs qui ont été concernés.

Dans le cadre de cette démarche, trois groupes de formation-concertation ont été constitués et ont concerné l’ensemble de l’encadrement et de la maîtrise des deux sites de la société :

  • un premier groupe rassemblant la direction générale les cadres de la société appelé : Grappe A et représentant onze personnes ;
Figure 2- 2 : la grille de compétences
Figure 2- 2 : la grille de compétences
  • un deuxième groupe constitué des agents de maîtrise et de leur N+1 du site A appelé : Grappe A comprenant dix personnes.
  • un troisième groupe constitué des agents de maîtrise et de leur N+1 du site B appelé : Grappe C pour un total de dix personnes.

Chaque participant a bénéficié d’une assistance personnalisée dans l’intervalle des séances de formation-concertation afin de l’aider dans la construction de sa grille de compétence. L’ensemble de la formation a touché trente et une personnes, ce qui représente un total de cent vingt heures de formation pour l’ensemble des personnes.

La matrice de la grille de compétences a été diffusée à l’ensemble des ateliers et des services de la société. Chaque responsable de service ou d’atelier a eu à faire l’inventaire des opérations de son unité sans oublier d’opérations. Les assistances personnalisées ont permis de vérifier si les objectifs et les finalités de la grille de compétences ont été compris et assimilés par les différents responsables.

La grille de compétences nous a permis de repérer des compétences informelles ou « micro compétences » difficilement repérables sans un outil et donc difficilement valorisables. Ces compétences informelles se sont révélées être des « tours de mains » que les salariés possèdent par expérience et surtout par intelligence de l’opération qu’on leur demande de réaliser. Nous avons, ainsi, découvert qu’un opérateur utilisait sa ceinture pour maintenir une petite pièce d’outillage afin de la caler avec un coin. Cela lui permettait d’ajuster la pression sur la pièce et lui évitait d’appeler un compagnon.

Dans le cadre du développement de l’autonomie et de la polyvalence au sein de la société X, les salariés ont pu prendre en charge de nouvelles opérations et la grille de compétences a permis aux responsables de service ou d’atelier, de repérer les nouvelles compétences acquises et mises en œuvre au cours de la formation théorique « élévation des compétences » et dans sa partie pratique par la résolution des douze problèmes identifiés dans « les modules techniques ». Grâce à la grille de compétences nous avons pu repérer les nouveaux acquis dans le cadre des changements induits par les orientations stratégiques de la société X.

La grille de compétences nous a aussi permis de visualiser les nouvelles activités des opérateurs autour des métiers de base. L’analyse que nous avons faite précédemment du poste d’opérateur forge ou du conducteur de four CFI avant la formation est applicable à l’opérateur débit ou à l’opérateur ressorts. Or nous constatons aujourd’hui sur les grilles de compétences respectives que les compagnons possèdent et mettent en œuvre des compétences nouvelles pour eux. Afin d’illustrer l’utilisation de la grille de compétences pour apprécier l’évolution des compétences, nous avons pris l’exemple de l’atelier « Débit » et de l’atelier « ressorts » 92 , où nous constatons que les ouvriers prennent en charge de nouvelles opérations d’auto-contrôle, de réglage, et de SPC, après avoir suivi la formation. Ces activités nouvelles sont repérées dans les opérations de gestion développement de la grille de compétences de l’atelier « débit ».

Notes
89.

SAVALL H. et ZARDET V. « Maîtriser les coûts et les performances cachés », Ed. Economica, 1ère édition 1987, 3ème édition 2000, p. 184 à 189.

90.

SAVALL H. et ZARDET V. « Ingénierie stratégique du roseau », Ed.Economica, 1995, 517 p.op. cit.

91.

SAVALL H. et ZARDET V. « Ingénierie stratégique du roseau », Ed.Economica, 1995, 517 p. op. cit.

92.

Les grilles de l’atelier débit et ressorts sont en annexe n° 18.