3.1.3 L’histoire de la construction des logiques de postes

Durant toute la période de 1850 à 1944, les méthodes de travail sont empiriques et les performances de la main d’œuvre faibles. En 1880, naît l’Organisation Scientifique du Travail avec le postulat qu’il est possible d’accroître l’efficacité des salariés en parcellisant les tâches et en spécialisant les personnes. C’est à partir de ces principes que la notion de poste de travail émerge et trouve son utilisation dans de nombreux domaines que nous venons de voir. Cette utilisation va avoir un développement, à partir des années 1950, avec la cotation par poste, inspirée des méthodes américaines, qui lie les salaires des ouvriers aux postes qu’ils occupent (job évaluation)(Pezet, 2000) 124 .

Lussato (1972) 125 dégage les hypothèses implicites sur lesquelles se fonde l’Organisation Scientifique du Travail en identifiant les différents principes suivants :

L’analyse de Lussato sur les concepts de Taylor montre que, dans le modèle taylorien-fordien, le personnel occupe un poste et que la spécialisation du travail a pour corollaire sa division. La spécialisation du travail se justifie par des considérations économiques et est synonyme de productivité (Helfer,Kalika et Orsoni, 2000) 126 . Ce constat renvoie au principe de spécialisation qui entraîne une plus grande facilité d’apprentissage des tâches simples prescrites et autorise à penser que l’homme sera ainsi plus « rentable », c’est-à-dire plus productif. Cette productivité renvoie aussi à des préoccupations économiques comme nous l’avons vu dans la société X, où il était instauré jusqu’en 1990, le système des « minutes-primes » ou primes au rendement. Les incidences économiques de cette productivité sont, du côté de l’entreprise, des gains potentiellement supérieurs par rapport aux standards définis et du côté du salarié, une source de « motivation » qui tend à le pousser à plus de productivité.

Nous verrons dans la section 6.8 que cette vision restrictive de la productivité semble déboucher aujourd’hui sur d’autres indicateurs de performance, comme la réduction des coûts cachés ou la rémunération des compétences.

Nous pourrions résumer la notion de poste et son évolution à travers ses différentes applications par la figure 3-3 suivante :

Figure 3- 3 : l’évolution de la notion de poste
Figure 3- 3 : l’évolution de la notion de poste

L’analyse de poste et la description des tâches qui le composent, sont des supports très utilisés dans la gestion des effectifs des organisations. Elles permettent de se rendre compte de l’utilité de tel ou tel poste en regard de la nature de l’activité et de son importance. Cela nous renvoie à son coût et justifie ou non un recrutement. Pour le recrutement, l’analyse de poste est un support à la recherche des candidats possédant les compétences nécessaires à la tenue du poste de travail à pourvoir. Elle permet en interne, à l’occasion des entretiens d’évaluation, d’apprécier le niveau des compétences des titulaires par rapport aux postes tenus et d’envisager si nécessaire des actions de formation afin d’optimiser l’adéquation formation / emploi.

Comme nous le verrons au chapitre 4, la description de poste est la première phase opératoire du processus de classification des emplois dans une organisation. Les descriptions de postes permettent d’attribuer un poids relatif aux différents postes de travail dont l’objectif est de pouvoir déterminer des seuils de rémunération en fonction de ce poids. Les études ergonomiques effectuées sur les postes de travail s’appuient sur les descriptions de postes pour améliorer les conditions de travail et répondre à un certain nombre de contraintes législatives d’hygiène et de sécurité. Enfin, nous avons déjà précisé l’importance de la description de poste dans la recherche des coûts induits par le poste en valorisant les tâches élémentaires effectuées.

Face à cette invention taylorienne, nous proposons de voir comment les différents regards portés sur les organisations ont influencé les logiques de postes et façonné un modèle de l’homme au travail face à ces logiques.

Notes
124.

PEZET E.,  « Négociation et gouvernement d’entreprise », Entreprise et histoire, 2000, n° 26, pp. 74-88, op. cit.

125.

LUSSATO B., « Introduction critique aux théories des organisations », Ed. Dunod, 1972, cité par SAVALL H. dans « Enrichir le travail humain : l’évaluation économique », Ed. Economica, 1989, 275 p.

126.

HELFER J.P., KALIKA M., ORSONI J., « Management : Stratégie et organisation » Ed. VUIBERT, 2000, 3ème Edition, 404 p. op. cit.