3.2 L’apport des théories sur les organisations

3.2.1 Le concept d’organisation

Les études d’organisation du travail remontent au XVIIIe siècle (Perronet, 1739 et 174I). Il existe une diversité de formulations de ce qui constitue l’essence de l’organisation. Pour exprimer l’essence de ce concept, il convient d’inventorier les traits spécifiques et constitutifs qui permettent de dire que l’objet considéré est bien une organisation 127 .

Plusieurs auteurs ont cherché à donner une définition de l’organisation. Nous en citerons quelques-uns: Scott (1987) 128 , Robbins (1987) 129 , Katz et Kahn (1966) 130 ,Fombrun (1986) 131 ,Barnard (1938) 132 et Simon (1947) 133 ,Crozier (1963) 134 , Desreumaux (1998) 135 .

Scott propose trois définitions caractéristiques d’une organisation :

  • - une collectivité qui partage un intérêt commun à la survie du système organisationnel et s’engage dans des activités communes ;
  • - une collectivité axée sur la poursuite de buts relativement spécifiques et manifestant une structure sociale hautement formalisée ;
  • - une coalition de groupes d’intérêts variables qui élaborent des buts communs par négociation.

Robbins considère l’organisation comme une entité de coordination possédant des frontières identifiables et fonctionnant de manière durable pour atteindre un ou des objectifs partagés par les participants. Pour Katz et Kahn, l’organisation apparaît comme une entité repérable, disposant de ressources auprès d’un univers extérieur, dotée d’une finalité et de buts à poursuivre, et fonctionnant sur un principe d’échange.

Le modèle de « l’équilibre organisationnel » de Barnard et Simon définit l’organisation comme un système de comportements sociaux interconnectés entre plusieurs catégories de participants (le personnel, les dirigeants, les clients, etc) où chacun reçoit de l’organisation des avantages ou des rémunérations en contre-partie du travail qu’il accomplit.

Le caractère multidimensionnel de l’organisation est une réalité que Fombrun caractérise par trois séries d’éléments :

  • - une infrastructure d’activités productrices (contraintes techniques qui configurent la configuration des tâches) ;
  • - une sociostructure de relations d’échanges (administration, architecture des relations sociales, division du travail et regroupement en unité ou service) ;
  • - une superstructure de valeurs partagées (dimension symbolique, normes, valeurs).

Selon Crozier, l’organisation « est la réponse au problème de l’action collective qui se pose dès qu’un projet ou une activité ne peut être mené par l’exercice des capacités d’un seul individu ».

Desreumaux définit l’organisation comme étant « tout à la fois une entité créée pour conduire une action collective (un hôpital, une association, un parti politique), son agencement (définition des tâches, répartition) et les processus pour produire à la fois l’entité et son agencement ». De plus, l’organisation est conçue comme un système ouvert, fait d’échanges, qui ne peut fonctionner sans information sur les attentes et les comportements des acteurs extérieurs dont elle dépend, sans envoi de signaux sur ses projets et ses résultats, sans connaissance de l’état des relations entre les acteurs internes (Desreumaux, 1998) 136 .

Cette diversité des définitions est à rapprocher de celle que nous pouvons donner de l’entreprise :

  • - C’est une forme d’organisation productive qui gère des ressources matérielles, financières, techniques et humaines pour produire des biens ou des services à destination de clients finals. Cette production se réalise grâce à la collaboration d’individus ayant des attentes et des compétences différentes. Cette collaboration ne peut s’établir qu’à travers un cadre structuré d’actions décidées par l’entreprise en recherchant le meilleur compromis entre le projet commun et la façon dont les individus modèlent et interprètent les choses d’une manière conforme à leurs intérêts ;
  • - en ce sens, l’entreprise est une réalité politique, lieu de confrontation et de négociation. Un aspect essentiel du fonctionnement de l’entreprise est la nécessité pour elle de collecter, traiter et produire de l’information à la fois sur le contexte dans lequel elle s’insère et sur elle-même ;
  • - c’est aussi une organisation sociale qui possède une ou plusieurs cultures faites d’apprentissages accumulés au cours de résolutions de problèmes, de coordination des activités et d’adaptation à l’environnement qu’elle rencontre (Desreumaux , 1998) 137 .

Nous complétons ces différentes approches de l’organisation par celle qu’en donne le Ministère français de l’Economie et des Finances sur l’entreprise (Rymeyko, 2002) 138  :

  • - la plus petite combinaison d’unités légales constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d’une certaine autonomie de décision […]

Une multiplicité de définitions est proposée par les différents auteurs, nous pouvons néanmoins dégager un certain nombre de points communs et de divergences, que nous résumons par le schéma de la figure 3-4 suivant :

Figure 3- 4 : l’organisation et ses caractéristiques
Figure 3- 4 : l’organisation et ses caractéristiques
Traits caractéristiques
Auteurs
Entité Collectif Buts communs Actions structurées Echanges

SCOTT

ROBBINS

KATZ et KAHN

BARNARD et SIMON

FOMBRUN

CROZIER

DESREUMAUX



X

X




X



X

X






X



X

X

X

X

X








X

X








X



X

X



X


X

X

X

X

L’organisation est donc bien une réalité vivante ayant des motifs d’existence et fonctionnant pour survivre dans le temps.

Pour notre part, nous rejoignons l’analyse que fait Desreumaux (1998) 139 de l’organisation en disant que celle-ci est une entité au sens de système ouvert traitant des informations, composée de participants adhérant à des degrés divers aux buts communs poursuivis par l’organisation. L’organisation est aussi un centre de décisions sur la nature du projet à poursuivre et de l’action à mener. L’organisation enfin est caractérisée par un cadre structuré d’actions.

Après avoir constaté les multiples facettes de l’organisation, nous proposons de porter notre attention sur les réflexions des différents analystes des organisations pour expliquer « cet instinct de survie ».

Notre intention dans le développement qui va suivre n’est pas de faire une analyse détaillée du contenu des différentes théories élaborées sur les organisations, mais d’en extraire les concepts-clés qui nous renseignent à la fois sur les modes de fonctionnement des organisations et sur la place explicite ou implicite qui a été faite à l’homme au travail tout au long de l’évolution des organisations.

Nous empruntons aux différents auteurs qui se sont penchés sur les organisations leurs réflexions critiques et notre présentation s’appuie sur le modèle de synthèse présenté par Desreumaux (1998) 140 , car il répond à un souci de chronologie de notre part afin d’en faire un inventaire le plus exhaustif possible. Les théories que nous présentons présentent toutes un intérêt et sont encore d’actualité. Elles ne sont pas systématiquement opposées mais complémentaires. Les cadres théoriques passés en revue considèrent le plus souvent les organisations qu’ils analysent comme existantes, cela permet d’évacuer le délicat problème de leur apparition et des conditions de la constitution d’acteurs individuels en acteurs collectifs pertinents.

Nous compléterons notre inventaire par la théorie socio-économique développée par H. Savall.

Notes
127.

Les citations des auteurs sont issues de DESREUMAUX A., « Théorie des organisations » Ed. Management, 1998, 218 p.

128.

SCOTT WR., « Organizations : rational, natural end open systems », Englewood Cliffs, Prenctice Hall 1987.

129.

ROBBINS SP., « Organization Théory, Englewood Cliffs », NJ, Prenctice Hall 2nd 1987.

130.

KATZ et KAHN, « The social psychology of organizations », Wiley, 1966.

131.

FOMBRUN CJ., « Structural dynamics within and between organizations », Administrative Science Quarterly 31/3, 86, 403-421.

132.

BARNARD CJ., « The functions of the executive », Cambridge, Mass, 1938.

133.

SIMON HA., « Administrative Behavior », Macmillan, 1947.

134.

CROZIER M., « Le phénomène bureaucratique », Ed. Seuil, 1963.

135.

DESREUMAUX A., « Théorie des organisations » Ed. Management, 1998, 218 p. op. cit.

136.

DESREUMAUX A., « Théorie des organisations » Ed. Management, 1998, 218 p. op. cit.

137.

DESREUMAUX A., « Théorie des organisations » Ed. Management, 1998, 218 p. op. cit.

138.

D’après le règlement européen sur les répertoires d’entreprises du 22/07/93, cité par RYMEYKO K.Doctorat de Sciences de gestion, 2002.

139.

DESREUMAUX A., « Théorie des organisations » Ed. Management, 1998, 218 p. op. cit.

140.

Le développement qui suit, emprunte les données à l’ouvrage de DESREUMAUX A., « Théorie des organisations » Ed. Management, 1998, 218 p. op. cit.