3.2.3 La place faite au poste de travail et à l’homme à travers cette évolution

Quel que soit l’angle d’analyse adopté par les auteurs, la notion de poste de travail n’est pas remise en question par les différents courants. Simon (1947) 158 va même dans ce sens en parlant de division verticale du travail. Certes, l’homme tient sa place et joue un rôle dans l’organisation, mais aucune analyse aussi détaillée que celle de Taylor n’a mis en évidence le lien économique entre l’homme et la productivité de l’entreprise et n’a obtenu des résultats concrets. Le modèle taylorien a été un modèle explicatif du fonctionnement des organisations, mais également un modèle applicatif, normatif et prescriptif. Les modèles fixent surtout leur attention sur les modes de fonctionnement des organisations et la nature des échanges soit internes soit externes qu’elles créent.

Nous proposons de compléter cette première analyse de l’impact encore présent de la notion de poste par une approche contextuelle et historique des différentes analyses. Celles-ci s’expliquent en partie par les préoccupations économiques et sociales des organisations aux périodes où elles se sont développées. Pour cela, nous retraçons les différentes époques qui ont marqué l’évolution des organisations et des hommes.

La période 1850-1944 correspond à des méthodes de travail empiriques et où les performances de la main d’œuvre sont faibles. En 1880 naît l’Organisation Scientifique du Travail. Le souci est d’accroître l’efficacité des salariés. Celle-ci passe par une parcellisation des tâches et une spécialisation des salariés. Dans le modèle taylorien-fordien le personnel occupe un poste.

L’école classique a développé l’idée mécaniste de l’homme au travail. Celui-ci est assimilé à un « animal-machine » qui avance avec une carotte et que l’on sanctionne avec un bâton. L’homme ne souhaite qu’une chose : travailler et ne pas penser, donc accomplir la tâche la plus simple possible (Helfer, Kalika et Orsoni, 2000) 159 . Nous retrouvons cette conception de l’homme dans la théorie X de Mc Gregor.

De 1945 à 1965,lapopulation salariée s’accroît, et nous notons une évolution du cadre réglementaire et des idées relatives à l’homme au travail. La pénurie de main d’œuvre se fait sentir et on puise dans les campagnes, les femmes et le personnel immigré. Cela favorise le développement du modèle taylorien. C’est à cette époque que Mayo développe ses concepts, entre 1924 et 1939 aux USA. Ceux-ci sont connus et introduits en France à la fin des années 1940. La productivité ne se décrète pas, elle se construit sur des rapports de confiance et non d’autorité. La conception sous-tendue de l’homme dans son travail est qu’il est plus heureux quand il est considéré, dans une ambiance et des relations de travail satisfaisantes et le sentiment d’appartenir à l’entreprise. Il devient plus productif. Des politiques de relations humaines sont mises en œuvre.

De nombreuses transformations des conditions matérielles de travail sont réalisées. L’école des relations humaines développe son influence avec les théories X et

Y de Mac Gregor, la pyramide des besoins de Maslow et les facteurs d’hygiène et de satisfaction de Herzberg.

1965 à 1975 est l’époque des baby boomers et leur entrée dans la vie active. Les courants socioculturels se développent : les besoins d’expression et d’accomplissement personnel, les attentes à l’égard du travail, l’élévation du niveau d’instruction et donc des qualifications et des aspirations, des nouvelles exigences de satisfaction au travail.

Dans les années 1970, les entreprises font appel à une main d’œuvre plus qualifiée et plus polyvalente avec le passage d’une production de masse à une production plus diversifiée

Avant les années 1980, dans le domaine du management des entreprises, la variable « ressources humaines » apparaît tout au plus que comme une variable d’ajustement ou une variable molle. La conception dominante est celle du « personnel coût ». La tradition française est influencée par la notion de coût car elle est mesurable et visible. Le social et l’économique sont incompatibles.

Après les années 1980, deux conceptions du potentiel humain s’opposent, celle du « personnel coût » et celle du « personnel ressource ». La conception traditionnelle du personnel perçu comme une source de coûts qu’il faut minimiser laisse place à la conception d’un personnel considéré comme une ressource dont il faut optimiser l’utilisation. « Le personnel ressource » devient une variable au cœur des décisions stratégiques complexes de la réalité. La détection des potentiels et de leur développement, les investissements massifs de formation en vue de reconversion deviennent des préoccupations majeures des chefs d’entreprises. La conception rénovée, du personnel perçu comme une ressource qu’il faut optimiser, entraîne une synergie entre le social et l’économique (Besseyre des horts, 1990) 160 .

Notes
158.

SIMON HA., « Administrative Behavior », Macmillan, 1947.

159.

HELFER J.P., KALIKA M., ORSONI J., « Management : Stratégie et organisation » Ed. VUIBERT, 2000, 3ème Edition, 404 p. op. cit.

160.

BESSEYRE DES HORTS C.H., « Vers une gestion stratégique des ressources humaines »,Ed.d’Organisation, 1990, 224 p.