3.3.3 La définition de la stratégie d’entreprise

Beaucoup de définitions sont données mais restent toutes provisoires :

La stratégie est avant tout un processus de management de l’entreprise :

La mise en œuvre de la stratégie passe obligatoirement par le recours à la fonction personnel pour mettre en œuvre les actions qui ont été planifiées.

Thiétart parle d’une nécessaire animation des hommes dans la phase de mise en œuvre car ce sont les hommes et les femmes qui mettent en œuvre les plans et font fonctionner l’entreprise 177 . Cette animation des hommes et des femmes, dans la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise, demande à passer d’une intention stratégique à sa phase de concrétisation et de réalisation. Cette étape primordiale implique que les acteurs de l’entreprise se sentent tous concernés par la démarche.

La question qui se pose est de savoir comment mettre en œuvre des actions stratégiques en s’appuyant sur les ressources humaines ? Comment passer d’un plan stratégique à sa phase de réalisation ? (Savall et Zardet, 1995) 178

Pourquoi les entreprises ont-elles des difficultés à mettre en oeuvre des pratiques de gestion des ressources humaines ? Quelles sont les conditions favorables ou défavorables à la mise en œuvre ?

Les ouvrages traitant de ces questions ne sont pas explicites sur la relation qui doit nécessairement exister entre les pratiques de la fonction « Ressources Humaines » et le devenir de l’entreprise formalisé par sa stratégie. Le management stratégique lie la mise en œuvre d’un plan stratégique et les Ressources Humaines car souvent les décisions concernant les hommes sont prises séparément des décisions stratégiques et après celles-ci.

Ce que Savall et Zardet appelle MOSINTEX (mise en œuvre stratégique interne-externe), pour désigner tout à la fois l’implication des acteurs internes et externes, correspond à un management des Ressources humaines dans la réalisation d’un plan stratégique préalablement défini.

Savoir combiner les différentes fonctions de l’entreprise et les réguler en fonction de politiques communes ou cohérentes sont les traits caractéristiques de ce que l’on appelle aujourd’hui le management stratégique (Savall et Zardet, 1995) 179 .

La mise en oeuvre d’une stratégie socio-économique considérée comme la réalisation des actions et leur évaluation périodique, se fonde à la fois sur des principes de management et des outils concrets (l’instrumentation de l’action). De plus, la qualité de la mise en œuvre prévaut contre la pertinence de la décision stratégique formelle.

Les principes de management vont trouver leur concrétisation dans l’action en étant diffusés auprès de l’ensemble des cadres pour être partagés et portés.

La stratégie socio-économique (Savall, 1979) 180 retient six principes fondamentaux de management :

Nous verrons dans le chapitre VI que cette démarche suppose une adhésion fondamentale au principe de renforcement du rôle des cadres et de l’encadrement. Le renforcement comporte une transformation exigeante de ses attributions, ses activités, ses rôles et ses missions.

La mise en œuvre de la stratégie suppose que l’entreprise fasse des choix. La liste des options stratégiques possibles, ci-dessous, induisent différemment les pratiques de gestion des ressources humaines suivant l’option retenue (Besseyre des horts, 1990) 181  :

La stratégie de retournement a retenu notre attention car elle correspond au processus de changement amorcé au sein de la société X et à notre positionnement induit en tant que Directeur des Ressources Humaines au cours de ce processus.

Dans ce type de stratégie, l’entreprise décide de réagir face à la baisse du niveau d’activités. Des programmes de réduction des coûts sont mis en place, des efforts sont faits sur de nouveaux produits et de nouvelles actions commerciales. Des changements de structures accompagnent souvent cette stratégie. De nouvelles règles et des procédures sont définies. Nous pouvons rapprocher ces transformations de celles que nous avons observées au sein de la société X. Celle-ci venait de traverser trois années douloureuses avec des résultats négatifs. Par la formation « élévation des compétences » sur le thème « vivons autrement et mieux ensemble », la société X souhaite réduire les frais de personnel en développant l’autonomie et la polyvalence des salariés. L’acquisition de nouvelles compétences doit permettre la constitution d’équipes autonomes, modifiant l’organisation du travail et les modes de management. Par ailleurs, le système de classification et le système de rémunération mis en cause entraînent une modification de la gestion des Ressources Humaines.

Dans la stratégie de retournement, le personnel est soumis à de brusques changements. Il doit être flexible, doué d’un bon potentiel pour s’adapter. Il fournit de gros efforts, en termes de productivité et de qualité, sans pour autant être récompensé sur le plan financier. Ce qui fut le cas pour le personnel de la société X.

Ce type de stratégie signifie que l’entreprise doit être flexible dans ses modes de fonctionnement et exigeante vis-à-vis de son personnel qui doit se montrer capable de s’adapter et de changer. L’implication de chacun est essentielle dans le projet de l’entreprise pour conduire cette stratégie, la fonction « Ressources Humaines » doit en être le moteur.

L’une des missions essentielles de la Direction des ressources humaines dans une stratégie de retournement est de savoir convaincre et impliquer le personnel. Pour être reconnue performante, la fonction « Ressources humaines » doit contribuer à la création de valeur et à la satisfaction des clients internes.

Le développement des ressources humaines est fondamentalement lié aux modes d’organisation, au sens large du terme englobant la structure, les modes de communication, la longueur des lignes hiérarchiques, le développement du travail en équipe et en réseau, les missions de l’encadrement de proximité.

Nous assistons aujourd’hui à une véritable mutation de la fonction. La fonction « personnel » évolue vers la fonction « Ressources humaines ». Le changement d’appellation correspond à un changement de perspective et de pratiques. Le personnel considéré traditionnellement comme une source de coûts qu’il faut minimiser devient une ressource qu’il faut mobiliser, développer et sur lequel il faut investir. Cette ressource devient stratégique pour l’entreprise et la fonction devient elle aussi majeure et acquiert un statut de fonction stratégique.

Le passage de la notion de productivité à celle de compétitivité a permis aux ressources humaines de passer de l’organisation du travail à la stratégie d’entreprise.

Dans les années 1980, les variables emploi - ressources humaines deviennent des paramètres stratégiques avec des modèles émergents d’anticipation, d’adaptation et le modèle de la stratégie induite par les ressources humaines. De nouvelles logiques managériales de personnalisation, d’adaptation, de mobilisation, de partage et d’anticipation apparaissent.

La réflexion stratégique doit intégrer la dimension ressources humaines en amont. Le Directeur des ressources humaines doit être un véritable « partenaire stratégique ».

Les enjeux de la gestion des ressources humaines sont profondément modifiés face aux nouveaux défis que sont les mutations technologiques, les incertitudes économiques, la concurrence internationale, les évolutions démographiques, de nouveaux courants socio-culturels, les rapports avec les partenaires sociaux, les modes de management,. L’impact des mutations technologiques sur le renouvellement des pratiques de la gestion des ressources humaines est considérable depuis une quinzaine d’années et a des conséquences sur l’emploi, les qualifications et les conditions de travail.

Le manque de visibilité économique et le durcissement de la concurrence internationale entraînent une gestion des ressources humaines plus serrée en matière de coûts et plus contraignante dans sa gestion. L’acquisition et le développement des compétences nécessaires deviennent la préoccupation centrale des Directeurs des ressources humaines.

Des Directeurs des ressources humaines identifient trois objectifs principaux à la fonction « Ressources Humaines » :

Dans l’entreprise, la fonction « Ressources Humaines » doit être à l’écoute des salariés. Elle travaille pour quatre types de clients, représentés dans la figure 3-6, dont les attentes apparaissent très diverses (Peretti, 2002) 183 .

Figure 3- 6 : la fonction Ressources Humaines et ses clients

Pour

Le DRH doit être
Les dirigeants Support de la stratégie
Acteur de la compétitivité Créateur de valeur
Les managers ( n + 1 ) Garant du partage de la fonction
Garant de l’empowerment des n +1
Les salariés Garant de l’équité
Garant de l’employabilité
Garant de l’éthique
Les représentants du personnel



Source : PERETTI J.M., « Ressources humaines »
Garant de l’écoute Garant de la conformité
Garant de la dynamique sociale

L’ensemble des défis que doit relever une Direction des Ressources humaines, tant sur le plan de l’environnement externe que de son environnement interne, peut être analysé sous l’angle de la logique de la contingence (Lawrence et Lorsch, 1989) 184 .

La figure 3-7, ci-après, met en évidence la relation entre les défis, les logiques et les politiques et pratiques de gestion des Ressources humaines.

Figure 3- 7 : l’approche contingente de la GRH
Figure 3- 7 : l’approche contingente de la GRH

Cette nouvelle approche de la fonction nous montre qu’il faut intégrer les ressources humaines dès la conception des stratégies d’entreprise au même titre que les autres dimensions économique, technologique, financière et que la fonction « Ressources humaines » doit assurer le pilotage stratégique, concevoir et faire accepter une logique d’actions qui lui est spécifique et peut remettre en cause, au nom même de l’efficacité globale, certaines décisions souhaitables du seul point de vue économique.

Notes
175.

BESSEYRE DES HORTS C.H., « Vers une gestion stratégique des ressources humaines »,Ed.d’Organisation, 1990, 224 p. op. cit.

176.

Ibid.

177.

Cité par BESSEYRE. DES HORTS C.H.

178.

SAVALL H., ZARDET V., « Ingénierie stratégique du roseau », Ed Economica, 1995, 517 p. op. cit.

179.

Ibid.

180.

SAVALL H., « Reconstruire l’entreprise. Analyse socio-économique des conditions de travail », Préface de PERROUX F., Ed. Dunod, 1979, 275 p.

181.

BESSEYRE DES HORTS C.H., « Vers une gestion stratégique des ressources humaines »,Ed.d’Organisation, 1990, 224 p. op. cit.

182.

PERETTI J.M., « Ressources humaines », Ed. VUIBERT, 7ème édition, 2002, 577 p.op.cit.

183.

PERETTI J.M., « Ressources humaines », Ed. VUIBERT, 7ème édition, 2002, 577 p.op.cit.

184.

LAWRENCE PR., LORSCH JW., «  Adapter les structures des entreprises », 2ème éd., Ed.d’Organisation, 1989, cité par PERETTI J.M., « Ressources humaines », Ed. VUIBERT, 7ème édition, 2002, 577 p.