4.1.3 Le concept de qualification des postes et des personnes

Il faut également distinguer la qualification des postes et la qualification des personnes :

Une confusion est souvent faite entre qualification et classification. La qualification représente la valeur des capacités professionnelles nécessaires pour tenir un emploi lui-même qualifié et dont le résultat correspond à un classement dans une grille de classification.

La figure 4-1 résume cette double distinction entre l’évaluation du poste, l’évaluation de la personne et celle entre la qualification du poste et celle de la personne. Nous avons pris l’exemple de l’opérateur « Forge à froid », de la société X, pour illustrer notre propos.

Figure 4- 1 : l’évaluation et la qualification du poste d’opérateur « Forge à froid »
Figure 4- 1 : l’évaluation et la qualification du poste d’opérateur « Forge à froid »

La qualification des postes de travail se compose de trois phases (Peretti, 2002) 192  : l’étude de poste et la description des postes, l’évaluation des postes et la classification des postes.

La qualification des postes de travail a pour objectif d’évaluer l’importance relative et respective des différents postes. Elle n’a de sens que si les postes sont décrits indépendamment de leur titulaire. La qualification des postes ne prend en compte que la complexité des tâches à effectuer en faisant abstraction des compétences des individus. La qualification du poste de travail se fait à partir de critères d’évaluation préétablis. L’objet de l’évaluation est le poste de travail. La description et l’évaluation des postes de travail permettent de les hiérarchiser et de les classer (Zardet, 1997) 193 .

L’approche des problèmes du travail à partir de la qualification des personnes n’est pas récente. Elle existe depuis longtemps au niveau de certaines professions. Par exemple, dans la fonction publique en France, le diplôme est la variable dominante pour l’attribution du grade et donc de la rémunération.

Dans certains métiers manuels notamment ceux de la maintenance, les écarts de qualification se font sur la base d’un essai professionnel qui met en évidence les savoir-faire pratiques. Certaines conventions collectives, comme celle de la métallurgie par exemple, reconnaissent la qualification supposée être attachée à certains diplômes par un coefficient minimum d’embauche, cas du brevet de technicien supérieur (BTS) ou du diplôme universitaire de technologie (DUT). La qualification se définit comme l’attribut d’un individu lié à un ensemble de capacités, de savoirs et savoir-faire socialement reconnus. Elle est plus un élément de statut que de hiérarchisation. Cependant, elle doit être appréciée en fonction de l’emploi tenu. La prise en compte de l’homme au travail plutôt que le poste fait partie des pratiques et a donné lieu à des réalisations. Ce qui est nouveau depuis une dizaine d’années, c’est la prise de conscience du caractère insuffisant de cette approche purement académique de la qualification. Il est nécessaire de croiser cette approche avec une véritable connaissance du travail tel qu’il est réalisé concrètement. La qualification devient une variable principale. La recherche de l’adéquation homme / poste demeure et la qualification, qui renvoie à une notion dynamique de la personne, s’appuie sur son histoire personnelle. Elle se construit à partir de sa formation initiale et de ses savoir-faire opérationnels, qu’il intègre tout au long de sa trajectoire personnelle, et correspond aux différents emplois tenus. Cette évolution professionnelle permet une progression de la qualification de la personne. La qualification se trouve donc au croisement d’un triple constat :

Il existe une interférence entre la complexité du poste et la réussite du salarié pour fonder la qualification. La qualification dépend du poste tenu et de la manière dont il est tenu. La figure 4-2 schématise cette interférence:

Figure 4- 2: l’Interférence poste / personne
Figure 4- 2: l’Interférence poste / personne

Cette combinaison entre la classification de l’emploi, les performances du travailleur et son histoire professionnelle pour déterminer la qualification peut se représenter par le schéma suivant (Figure 4-3) :

Figure 4- 3 : les déterminants de la qualification
Figure 4- 3 : les déterminants de la qualification

Nous avons une illustration de la possibilité de déterminer la qualification de la personne indépendamment de la qualification des postes de travail dans l’accord A Cap 2000. Cet accord a été signé fin 1990 dans une des unités du groupe Usinor-Sacilor. La direction de l’entreprise souhaite alors dépasser la relation figée homme-poste et permettre l’évolution du personnel en fonction de ses seules capacités opérationnelles contrôlées. L’idée centrale est d’attribuer un niveau de classification en fonction des compétences individuelles. Dans cet accord, l’appréciation des performances porte sur les compétences mises en œuvre dans le cadre de l’activité. Il prend en compte, dans la détermination des rémunérations, les compétences effectivement maîtrisées par le salarié et non plus celles requises pour tenir le poste. La logique de compétences se substitue à la logique de postes par le remplacement des postes disponibles au sein de l’entreprise ou dans d’autres unités du groupe. L’accord fait explicitement référence à l’accord de classification de la métallurgie pour positionner le poste occupé par la personne avec des adaptations. L’accord se base sur quatre critères :

Ces critères sont ceux qui sont utilisés dans la grille de classification de l’Union des Industries Métallurgiques et Minières.

L’accord A Cap 2000 intègre un système d’évaluation des compétences (SEC) qui permet :

La qualification présente en outre une portée juridique. En effet, les droits et obligations du salarié dépendent de la qualification, le changement de qualification étant considéré comme une modification substantielle du contrat de travail sans l’accord du salarié 194 . Dès lors que le contrat de travail stipule qu’un salarié est embauché avec un niveau de classification de l’emploi qu’on lui propose, cela sous-entend qu’il est qualifié pour le tenir et qu’il aura la rémunération correspondante. Si le salarié démontre qu’il est capable de tenir le poste proposé, il bénéficie de la rémunération prévue. Il peut y avoir, également sur-qualification ou sous-qualification en fonction des compétences que possède le salarié avec les conséquences financières qu’elles entraînent s’il y a un changement de qualification. Le salarié est en droit de refuser une telle position d’un employeur si elle affecte son niveau de rémunération initialement prévue au contrat de travail.

A l’analyse des définitions de la classification et de la qualification données par différents auteurs, une certaine ambiguïté subsiste sur le concept de qualification que nous souhaitons clarifier. Nous parlons de qualification des personnes alors, qu’implicitement, la notion de qualification des emplois existe. En effet si la classification correspond à l’acte de ranger des emplois dans une grille prédéfinie ou à construire, la qualification des emplois est l’ensemble du processus qui intègre ce rangement et l’action d’évaluer les emplois à partir de critères d’évaluation définis comme nous le verrons dans le respect de certaines règles. Peretti (2002) 195 met bien en évidence cette notion lorsqu’il parle de l’opération de qualification en trois phases : la description de poste, l’évaluation et la classification du poste. La qualification des personnes existe également dans la mesure où elle répond à l’acte d’évaluer le titulaire d’un poste en termes de compétences disponibles. Pour notre part, nous nous rangeons à cette distinction entre qualification des postes de travail et qualification des personnes et nous rejoignons la définition qu’en donne l’Union des Industries Métallurgiques et Minières qui conditionne les négociations conduisant à l’accord de 1975.

Notes
191.

Note technique sur la classification des emplois dans la métallurgie. Application de l’accord national du 21/07/1975 de l’Union des Industries Métallurgiques et Minières.

192.

PERETTI J.M., « Ressources humaines », Ed. VUIBERT, 7ème édition, 2002, 577 p. op. cit.

193.

ZARDET V., « Systèmes et politiques de rémunération du personnel », in Encyclopédie de gestion, Ed. Economica, 2ème Ed., 1997, 3519 p., pp. 3225-3247.

194.

Cass. Sociale du 26 mai 1998. Actualités N° 7882 du 22 juin 1998. Liaisons sociales juin 2001.

195.

PERETTI J.M., « Ressources humaines », Ed. VUIBERT, 7ème édition, 2002, 577 p. op. cit.