4.4 Les systèmes de management et l’organisation du travail

Nous proposons d’aborder, dans cette sous-section, les pratiques managériales dans le domaine des classifications car elles présentent une logique différente de celle qui conduit les acteurs syndicaux ou gouvernementaux. Helfer, Kalika et Orsoni (2000) 256 soulignent que les expériences menées par des entreprises de manière volontariste sont soumises à une double contrainte :

Cette double contrainte est liée au fait que tout groupement humain, quel qu’il soit, pour subsister, exige que ses membres se conforment à des règles communes, quitte à les contraindre s’il le faut. Pezet (2000) 257 note que les pratiques observées répondent au principe de la rationalisation de l’action collective qui permet de gouverner les individus dans l’entreprise. Celle-ci justifie les mesures prises à leur égard et les techniques utilisées pour agir. Ces techniques vont déterminer des critères rendant visible et contrôlable le gouvernement des individus dans l’entreprise, partant du principe que n’est contrôlable que ce qui est visible.Parmi ces techniques, nous trouvons les grilles de classification.

Il n’est pas aisé de créer en interne son propre système d’évaluation des emplois. L’entreprise est-elle légitime sur ce champ ? En quoi ses spécificités donnent-elles lieu à une expérience si particulière dans le domaine de la hiérarchisation de ses emplois ? De quoi se compose la marge de manœuvre des entreprises qui souhaitent intervenir sur les classifications ?

Donnadieu et Denimal (1994) 258 ont constaté que c’est le plus souvent dans le champ des méthodes proposées par les cabinets-conseils, présents dans le domaine des ressources humaines, que l’entreprise trouve ses ressources . Les auteurs analysent quelques méthodes de classification parmi les plus connues, les plus utilisées ou les plus novatrices pour évoquer les pratiques concrètes d’entreprises. Toutes ces méthodes utilisent d’une manière générale une multiplicité de critères. Parmi les plus courantes, trois sont retenues : la méthode HAY, la méthode CORT et la méthode CEGOS.

Elle est d’origine américaine. C’est la plus connue des méthodes de classification. Elle a été introduite en France en 1966. Sa démarche prône la recherche de l’universel. Elle classe non seulement les postes à l’intérieur de l’entreprise mais permet une comparaison avec d’autres entreprises et à l’étranger. Son application est intéressante pour les groupes qui possèdent des filiales à l’étranger. La grille HAY est une grille de cotation exprimée en points. Elle revendique son intention scientifique à travers le choix de ses critères classants présentés comme objectifs, rationnels et universels. Elle se décompose en trois critères et huit sous-critères :

L’articulation entre les critères et les objectifs sont représentés dans la figure 4-10.

Figure 4- 10 : les critères d’évaluation de la méthode HAY
Figure 4- 10 : les critères d’évaluation de la méthode HAY

La méthode s’appuie sur l’héritage de la théorie de l’information. C’est à partir des trois phases opérationnelles de toute action humaine, l’observation (prise de conscience et analyse du problème donné), la décision (élaboration de la solution au problème), la réalisation (la mise en œuvre sur le terrain de la solution retenue), que s’est construit la démarche.

La méthode se décline en trois fois deux critères, soit six critères au total. Chaque critère recouvre une échelle de positions définies dans un guide unique de classement comprenant des niveaux et des échelons en nombre déterminés.

La méthode se veut, avant tout, pragmatique, proche du client et de ses spécificités. Cette méthode privilégie la recherche d’une comparaison interne des postes. Elle vise à une meilleure acceptabilité par le corps social et le respect de la culture d’entreprise.

Au-delà de ces trois méthodes Donnadieu et Denimal (1994) 259 retiennent cinq autres méthodes de classification qui présentent toutes les mêmes similitudes dans la recherche d’objectivité et de rigueur au niveau des objectifs visés, des populations concernées, des critères utilisés, du pilotage du processus, de la technique d’analyse du travail, de l’évaluation, de l’harmonisation des résultats et de la pondération éventuelle.

Les cinq autres méthodes retenues sont : CENTOR, IGS, RPS (Andersen-consulting) WYATT, TPF&C.

Ces méthodes s’ajoutent aux méthodes traditionnelles., on note la diversification dans les approches descriptives qui n’est pas sans rapport avec les évolutions constatées concernant l’objet de l’évaluation. Quelle que soit la méthode utilisée, la première phase consiste à décrire le poste de travail, soit dans le cadre d’un emploi repère soit pour tous les postes comme nous l’avons représenté dans la figure 4-11, ci-après, qui compare les procédures de quelques méthodes traditionnelles.

Figure 4- 11 : l’analyse comparée des méthodes d’évaluation
Analyse du travail CEGOS CENTOR CORT HAY IGS RPS TPF WYATT
Emplois repères


Tous les emplois
X







X
X



X
X X



X
X X

D’après un compte rendu émis par le CEREQ le 21/10/93, nous pouvons identifier que la principale tendance, au niveau de l’évolution des méthodes d’analyse du travail, est un élargissement de la notion de situation de travail avec une prise en compte de plus en plus systématique de la dimension individuelle.

La description HAY fait ressortir ce qu’on attend du poste (missions) et non la façon dont le titulaire doit s’y prend (tâches prescrites).

Dans la méthode CORT, le descriptif fait ressortir l’identification de l’emploi, la description des activités, l’analyse du système de l’emploi dans son environnement et les facteurs de qualification.

La démarche CENTOR prend en compte les dimensions de l’emploi et les capacités individuelles.

La classification est le reflet de l’organisation, ce qui explique que les dirigeants recherche une méthode d’évaluation des emplois qui soit la plus adaptée aux changements qu’ils ont à gérer. Ces méthodes traduisent le mode managérial sur lequel les dirigeants s’appuient pour conduire ces transformations et trouver une méthode de gestion qui soit efficace pour être justifiée (Helfer, Kalika et Orsoni, 2000) 260 . Ces modes de management conduisent à différents types d’actions managériales qui favorisent l’évolution des entreprises et en particulier les pratiques de gestion des ressources humaines (Peretti, 2002) 261 .

Blake et Mouton ont proposé une grille managériale où cinq styles de direction sont définis en fonction de deux axes :

La nature du style de direction suivant l’un de ces deux axes conditionne la recherche d’une méthode d’évaluation dans le sens des postes de travail ou des personnes et son choix.

Notes
256.

HELFER J.P., KALIKA M., ORSONI J., « Management : Stratégie et organisation » Ed. VUIBERT, 2000, 3ème Edition, 404 p. op. cit.

257.

PEZET E., « Négociation et gouvernement d’entreprise », Entreprise et Histoire, 2000, n° 26, pp. 74-88. op. cit.

258.

DONNADIEU G., DENIMAL P., « Classification, Qualification », Ed. Liaisons, 1994, 199 p. op. cit.

259.

DONNADIEU G., DENIMAL P., « Classification, Qualification », Ed. Liaisons, 1994, 199 p. op. cit.

260.

HELFER J.P., KALIKA M., ORSONI J., « Management : Stratégie et organisation » Ed. VUIBERT, 2000, 3ème Edition, 404 p. op. cit.

261.

PERETTI J.M., « Ressources humaines », Ed. VUIBERT, 7ème édition, 2002, 577 p. op. cit.

262.

BLAKE R. R. et MOUTON J.S.  « Les deux dimensions du management » traduction française, Ed. d’organisation, cité par HELFER J.P., KALIKA M., ORSONI J., « Management : Stratégie et organisation », 2000.