La place primordiale du potentiel humain dans l’analyse, la décision et la mise en œuvre stratégiques est une des premières caractéristiques de la stratégie socio-économique, ce potentiel humain étant le premier levier d’action. Le concept de stratégie socio-économique s’appuie sur l’hypothèse que : « Le potentiel humain est un facteur énergétique essentiel et une source d’avantages concurrentiels économiquement porteur ».
Le potentiel humain désigne ici les ressources qu’il est possible de mobiliser telles que l’acquisition des compétences, la mise en œuvre de ces compétences, la réalisation de tâches plus complexes mais permettant plus d’initiatives et de prise de responsabilités, la participation directe à des actions de communication, d’information, l’organisation personnelle de son temps de travail… (Savall, Zardet, 1995)
Il nous faut, par ailleurs, rapprocher cette hypothèse de la notion d’unité active, que nous avons abordée précédemment, qui est présente dans la stratégie socio-économique, afin de comprendre l’importance accordée au potentiel humain.
La stratégie socio-économique s’appuie sur le concept développé par Perroux(1972) 343 qui considère que l’homme au travail, les groupes de travail, les unités de production, les entreprises et les organisations, les groupes d’entreprises, en un mot les groupes sociaux développant une activité économique doivent être conceptualisés comme des agents relativement autonomes appelés « unités actives ». Ces groupes sociaux ont le caractère d’une organisation dotée d’une individualité, d’un système de décisions formelles et informelles, d’un capital physique et de ressources psychiques et culturelles. Ces agents ont un attribut essentiel : l’activité, c’est à dire la capacité d’agir sur leur environnement, de le structurer, de la déstructurer en créant des valeurs économiques nouvelles.
Au cœur de la stratégie socio-économique se trouve une conception de l’individu, unité active, à partir d’une transposition du concept de l’entreprise, unité active, créé par Perroux. Il s’agit de mettre en évidence toute la capacité d’action de l’individu, sur son environnement et son énergie.
Le potentiel humain n’est pas la somme des diplômes possédés par les salariés ni même la somme des qualifications. Il est le résultat d’une synergie qui peut être positive ou négative. Si le potentiel humain est en synergie positive, il apporte la démonstration que les compétences collectives, mises en œuvre par le biais des compétences individuelles, sont supérieures à la somme des qualifications. Si ce potentiel est en synergie négative, il y a un appauvrissement de la mise en œuvre des compétences qu’elles soient individuelles ou collectives et une sous utilisation des qualifications des individus en termes d’adéquation à l’emploi. Dans sa recherche d’amélioration de ses performances, l’entreprise associe activement le personnel à cette recherche et sollicite aussi l’évolution des acteurs et des ressources humaines. Dans cette démarche, les compétences et le potentiel humain constituent le premier levier stratégique d’amélioration durable de la performance économique de l’entreprise.
Nous avons déjà défini la grille de compétences (cf chap. 2, pp. 84-87) et son rôle d’outil de management d’équipe dans la première partie de notre recherche. Dans cette grille, la compétence est constituée d’un ensemble de connaissances théoriques acquises par la formation initiale, l’apprentissage ou de façon didactique, et de pratiques observables d’opérations, détenues par un acteur, mises en œuvre dans l’exercice de son activité professionnelle dans une ou plusieurs spécialités. 344 La grille de compétences permet de visualiser les compétences effectives des différentes personnes qui contribuent à l’activité d’un atelier ou d’un service et à l’organisation. Les compétences recensées le sont, tant sur les opérations liées aux activités de l’unité ou de l’équipe, que sur des savoirs-faire particuliers des personnes qui y travaillent. La grille de compétences apporte un puissant concours à la mise en œuvre stratégique par sa fonction de diagnostic stratégique. Elle peut être utilisée sous la forme d’une macro-grille de compétences élaborée à partir des métiers de l’entreprise. La conception socio-économique de la compétence nous amène à formuler plusieurs remarques qui nous conduiront à proposer notre propre positionnement sur ce concept.
La théorie socio-économique retient le caractère primordial des ressources humaines, et plus particulièrement des compétences, dans la recherche des performances durables de l’organisation. Elle concilie ou réconcilie la dimension sociale et la dimension économique à travers une synergie et une dynamique dans la réalisation des objectifs souhaités par l’entreprise. La dimension humaine est considérée comme une ressource sur laquelle il faut investir et sur laquelle on peut compter. Considérée comme autonome au sens d’unité active, sa capacité d’intervention sur l’environnement interne de l’entreprise en fait un acteur capable de faire évoluer l’organisation en interaction avec les autres unités actives de son secteur, et plus particulièrement, de faire évoluer son poste de travail en relation avec les évolutions constantes que subit l’entreprise tant sur le plan technologique qu’organisationnel et managérial.
Cette capacité d’influencer l’organisation, qu’a l’acteur, sous-entend la prise en compte des motivations et des attentes de chacun mais également sa faculté d’appréhender les situations de travail auxquelles il est confronté d’une manière réfléchie et cohérente afin de réaliser les objectifs qui lui sont assignés.
Dans ces conditions, l’analyse des comportements individuels et collectifs des personnes au travail nous paraît de première importance. Cette analyse demande à ce que nous attachions un regard particulier sur la mise en œuvre des compétences individuelles en situations de travail d’où notre approche de la notion de compétence dans le contexte de nos travaux.
Les développements présentés ici sont en majorité extraits de SAVALL H. et ZARDET V. « Ingénierie stratégique du roseau » Economica, 1995, 517 p.
PERROUX F., « Pouvoir et économie » Dunod, 1972, p.99, cité par SAVALL H. et ZARDET V.
SAVALL H. et ZARDET V. « Ingénierie stratégique du roseau » Economica, 1995, 517 p. op. cit.