6.4.5 L’articulation entre la compétence, la performance, la rémunération et le résultat

Zardet (1997) 411 note que des directeurs des ressources humaines redécouvrent que les ressources humaines constituent un facteur important de gain d’efficacité. La satisfaction monétaire résulte plus d’une augmentation de la rémunération que de son niveau, à condition que le salarié soit conscient qu’il peut agir personnellement sur le niveau de sa performance. Une rapide augmentation peut entraîner de l’insatisfaction et une absence de stimulation si le travail n’est pas suffisamment source d’intérêt et de développement personnel(homo economicus). En effet, l’insatisfaction, liée au salaire, devient récurrente si le salarié, qui est satisfait aux périodes d’augmentation, n’est pas reconnu dans son activité était content de son salaire. Le sentiment d’insatisfaction revient alor.

La corrélation entre les politiques de rémunération et les comportements des salariés est, comme le suggère la figure 6-3 page 11, à mettre en relation avec la performance de l’entreprise qui résulte pour une bonne part des performances individuelles. Ces dernières dépendent d’un ensemble de facteurs que nous pouvons classer en deux catégories :

La politique de rémunération trouve son expression dans les méthodes d’évaluation des emplois et des compétences et la construction de la hiérarchie des salaires qui en résultent. Elle a un effet de levier sur les performances de l’entreprise, dans la seconde catégorie, quand elle influence les comportements de salariés (Sire et Tremblay, 2000) 412 .

Plusieurs notions et concepts permettent d’analyser les comportements au travail. Parmi ceux-ci nous notons la dualité insatisfaction/satisfaction ou la motivation des salariés. La rémunération est-elle un déterminant de la motivation au travail ? Sire et Tremblay (2000) 413 précisent que la théorie des attentes nous amène à constater que le niveau de rémunération garanti, correspondant à la partie fixe et irréversible, n’est pas motivant car il s’inscrit dans le passé de l’individu. Nous pensons qu’une politique de rémunération est efficace si elle agit sur le niveau de la motivation en développant des pratiques de rémunérations variables.

Le niveau de motivation à un instant « t » résulte soit du passé. C’est alors un processus cognitif qui pousse l’individu à agir, soit du futur à travers le niveau de motivation. L’individu se projette dans l’avenir en espérant que ses attentes soient satisfaites. Cette espérance l’incite à plus ou moins d’effort dans l’atteinte des objectifs et dans le respect du contrat passé. C’est sur ces deux derniers plans que la rémunération peut constituer un véritable levier de la performance. Les augmentations aux mérites, les primes et les bonus et, d’une façon plus large, la rétribution englobant la carrière ou des activités plus intéressantes, si elles correspondent aux attentes des salariés, développeront leur motivation.

Crozier et Friedberg (1977), en parlant du comportement de la personne au travail, précisent qu’elle va déterminer sa conduite en fonction de ses intérêts par rapport à ce que l’entreprise lui offre 414 . Nous pensons que les actions menées sur les attentes des salariés ne suffisent pas à les motiver. En effet, il faut un lien entre l’effort et la récompense. Le niveau d’effort demandé doit être en relation avec le niveau de la récompense attendue. Par ailleurs, la récompense ne doit pas être trop éloignée dans le temps, ni trop diluée dans un bonus collectif, comme nous l’avons précisé pour les systèmes d’intéressement. En effet, la référence aux résultats obtenus par un groupe de travail trop important réduit la perception du lien entre l’effort individuel et sa récompense.

Nous venons de faire l’analyse du lien qui existe entre le système de rémunération et le comportement des salariés, en termes de motivation, de satisfaction ou d’insatisfaction. Nous avons vu que ce lien crée le levier de la performance.

Pour améliorer leur compétitivité et développer leur flexibilité, un nombre croissant d’entreprises engagent également des transformations dans les relations de travail et expriment leurs attentes vis-à-vis de leurs collaborateurs, en termes de mise en œuvre des compétences. Parallèlement, elles modifient profondément leur politique de rémunération et le contenu de l’échange salarial. Les entreprises ne parlent plus, uniquement, de productivité du travail. Elles réfléchissent sur les moyens de l’organiser, de la modeler dans une série de relations avec ses salariés au moyen de sa politique de rémunération. Les entreprises qui décident de rémunérer les compétences des salariés, et non la performance individuelle, font le pari que celles-là auront une influence sur les performances globales de l’organisation. Lorsque la rémunération est liée aux compétences, les salariés s’engagent plus facilement dans l’action collective prennent plus de responsabilité et d’initiative. Les attitudes des salariés vont dépendre des règles que l’entreprise instaure en matière de rémunération. Nous avons observé, au sein de la société X, que les salariés se montrent plus ou moins disposés à mettre en œuvre de nouvelles compétences, d’accepter des changements de poste ou de service, à s’impliquer dans le démarrage de nouvelles installations, de participer à des actions de formation. Les réactions des salariés sont très différentes. La politique de rémunération arrêtée par l’entreprise ne les amène pas tous à s’impliquer et à jouer le jeu du changement organisationnel de la même manière. Nous pensons que l’élévation des compétences individuelles et collectives acquises par la formation, par apprentissage et le travail en équipe, tel que nous avons pu le constater au sein de la société X, dans le cadre son évolution organisationnelle, sont des facteurs davantage concurrentiels.

Mais, une politique de rémunération centrée sur les compétences, amène-t-elle les entreprises à s’interroger sur l’intégration de la variable compétence dans les outils du contrôle de gestion ?

En premier lieu, la prise en compte des compétences individuelles, dans la recherche des performances d’une équipe, peut apparaître dans le tableau de bord de pilotage d’un responsable d’équipe au même titre que les indicateurs de coûts, de délais ou de qualité. Nous avons proposé, au sein de la société X, un tableau de bord de pilotage des dysfonctionnements observés par le chef de l’atelier « forge à froid et à mi-chaud ». Celui-là permet de suivre la réduction de ces dysfonctionnements en lien avec la mise en œuvre des compétences des salariés du secteur. Nous pensons qu’il est possible, dans ces conditions, de mettre en place un tableau de bord de pilotage afin de visualiser concrètement les objectifs poursuivis, de mettre en place les indicateurs de suivi des actions à mener et de finaliser un contrat de rémunération base sur les gains obtenus. Ce tableau de bord de pilotage permet de mettre en place des règles du jeu, afin de formaliser les évolutions des compétences et des modalités de rémunération associée. Le développement des compétences individuelles compte, alors, parmi les principaux critères de performance de l’équipe.

En second lieu le contrôle de gestion des compétences peut être renforcé par la mise en place d’un système de rémunération fondé sur les compétences. Le projet de mis en place des contrats d’activités périodiquement négociables (CAPN), que nous avons suggéré, dans la société X, est un exemple d’outil de rémunération des compétences mises en œuvre. Nous avons constaté que ce type d’outil demande à l’organisation une évolution de ses comportements d’apprentissage et de formateur. L’articulation des systèmes des contrôles de gestion et des systèmes de rémunération des compétences nous paraît être possible dans les formes d’organisation apprenantes ou qualifiantes. Les systèmes de rémunération qui se dessinent dans les organisations qualifiantes ou transversales reposent sur deux bases complémentaires : les performances collectives et les compétences. Se pose dès lors la question de l’évaluation de ces éléments. Les approches stratégiques en termes de cœur de compétence (Hamel et Prahalad, 1990) ou de capacités dynamiques (Teece, Pisano et Shuen, 1997) identifient dans les compétences des sources d’avantage concurrentiel. De même, les travaux récents sur les notions d’organisation qualifiante (Zarifian, 1994) ou d’organisation apprenante (Senge, 1992) mettent l’accent sur des éléments tels que l’implication des acteurs, leur coopération ou les phénomènes d’apprentissage organisationnel comme vecteurs de performance. Cela tendrait à montrer que la gestion des ressources humaines est créatrice de valeur. (Commeiras et Naro, 2000) 415 .

De Beyssac et Peretti (2000) 416 notent que Melessike (1995) a fait ressortir le lien entre les choix stratégiques de l’entreprise et son système de rémunération. Les pratiques de bonus, d’augmentations individuelles d’intéressement et de stock-options sont corrélées avec les stratégies choisies (productivité, qualité, innovation, développement des compétences).

Notes
411.

ZARDET V., « Système et politique de rémunération du personnel » in Encyclopédie de gestion, P. Joffre et Y. Simon, 2ème Ed. Ed. Economica, 1997, 3527 p., pp 2838-2866

412.

SIRE B., TREMBLEY M. ; op cit., dans PERETTI J.M., ROUSSEL P., « Les rémunérations » Ed. vuibert, 2000, 378 p. op. cit.

413.

Ibid.

414.

Cité par HELFER P., KALIKA M., ORSONI J., « Management, stratégie et organisation » 3ème Ed. Ed. Vuibert, 2000, 402 p. op.cit.

415.

COMMEIRAS N., NARO G., « Contrôle de gestion et systèmes de rémunération dans les nouvelles formes d’organisation », dans PERETTI J.M., ROUSSEL P., « Les rémunérations » Ed. vuibert, 2000, 378 p. op. cit.

416.

Cités par EUSTACHE D., « La rémunération des compétences : vers un nouvel échange salarial », op. cit. dansPERETTI J.M., ROUSSEL P., « Les rémunérations » Ed. vuibert, 2000, 378 p. op. cit.