Dans le cadre des processus stratégiques classiques, les organisations débutent leur analyse stratégique par le choix des marchés où elles souhaitent s’implanter puis elles s’intéressent à l’acquisition des ressources dont elles ont besoin pour s’implanter. Avec une approche par les ressources, les dirigeants commencent par identifier les ressources puis décident sur quels marchés ces ressources pourront être transférées et exploitées afin de se procurer des profits acceptables et durables 425 .
Dejoux (2001) 426 pense qu’une telle approche nécessite que l’analyse des compétences soit faite tant sur le plan individuel que collectif et également sur les compétences stratégiques d’entreprise. D’autre part, il est nécessaire que ces compétences puissent trouver à s’exprimer dans un contexte organisationnel favorable. L’organisation du travail, basée sur un agencement des postes, ne convient pas et l’entreprise doit concevoir d’autres formes d’organisation qui prennent en compte l’évolution des situations de travail devenues de plus en plus insaisissables et accorder l’importance aux attentes des salariés. Nous avons évoqué les effets réciproques de l’échange salarial et du comportement des salariés, et plus particulièrement, les impacts sur les motivations et le sentiment de satisfaction ou d’insatisfaction.
Le style de direction envisagé ne peut ignorer les attentes des collaborateurs 427 :
Dans ce cadre là, la rémunération des compétences devient un enjeu pour les nouvelles formes d’organisation. En effet, la relation salariale, qui se crée dans un échange de type contribution / rétribution, facilite le développement de l’autonomie et de la polyvalence, de la responsabilisation et de la prise d’initiative. De tels comportements favorisent le développement des équipes autonomes, des groupes projets. Les différentes configurations possibles sont de nature à répondre, également, aux exigences de souplesse et de réactivité qui sont réclamées par les clients.
En France, le pionnier en un système de rémunération des compétences est l’accord A CAP 2000 428 signé le 17 décembre 1990 dans la sidérurgie, où les salariés sont classés, rémunérés et promus en fonction de leurs compétences et non plus selon les tâches qu’ils assument. Dans cet accord, la compétence est définie comme un « savoir-faire opérationnel validé », et la rémunération est déterminée sur la base des compétences maîtrisées par le salarié 429 . Cependant, ce volet de l’accord, comme le soulignent Amadieu et Cadin (1996) 430 , s’est finalement soldé par un échec relatif. En effet, l’instrumentation de gestion des compétences sur le site du Nord n’a pas assez été explicitée et a entraîné une lourdeur dans la mise en œuvre de la grille de classification. Les évolutions de salaires n’ont pas été à la hauteur des engagements de la Direction du fait des difficultés rencontrées dans les évolutions de carrière basées sur les compétences. D’autre part, une forte implication de l’encadrement dans le processus était réclamée sans que celui-ci arrive à se positionner, ce qui a entraîné des tensions et des réticences de sa part dans la conduite des entretiens d’appréciation.
Commeiras et Naro(2000) 431 font remarquer que toutes ces expériences souvent liées à la mise en place de nouvelles formes d’organisation du travail plus participatives, privilégient le travail en équipes autonomes, la polyvalence ou la plurifonctionnalité. Ces auteurs citent l’exemple de la cellulose du Rhône à Tarascon. De même la progression des compétences figure parmi les critères de gestion des unités élémentaires de travail chez Renault (Roper et Haspel 1996) 432 à travers « l’Accord à vivre ».
Quelle que soit la forme d’organisation retenue par l’entreprise, celle-ci doit se pérenniser. Pour cela, elle doit se donner les moyens de maintenir et de développer les compétences qu’elle possède, autrement dit être en quelque sorte devenir un « centre d’apprentissage permanent ». C’est ce que nous allons développer maintenant.
Teece, Pisano, Shuen 1990, Firm capabilities ressources and the concept of stratégie Academy of management Ballinger press San francisco 1990, cités par DEJOUX C., « Les compétences au cœur de l’entreprise » Ed. d’Organisation, 2001, 348 p. op. cit.
DEJOUX C., « Les compétences au cœur de l’entreprise » Ed. d’Organisation, 2001, 348 p. op. cit.
HELFER P., KALIKA M., ORSONI J. « Management, stratégie et organisation » 3ème Ed. Ed. Vuibert, 2000, 402 p. op. Cit.
Accord sur la conduite de l’activité professionnelle.
COMMEIRAS N., NARO G., « Contrôle de gestion et systèmes de rémunération dans les nouvelles formes d’organisation », dans PERETTI J.M., ROUSSEL P., « Les rémunérations » Ed. vuibert, 2000, 378 p. op. cit.
AMADIEU J.F. CADIN L., « Compétence et organisation qualifiante », Ed. Economica, 1996, 110 p.
Ibid.
Cités par DEJOUX C., « Les compétences au cœur de l’entreprise » Ed. d’Organisation, 2001, 348 p. op. cit.