CHAPITRE 7. Une analyse complémentaire de nos travaux a travers L’approche contextualiste

L’objectif de ce chapitre est de compléter les analyses longitudinales qui nous ont permis de saisir les enjeux de nos travaux.

Dans la première section, nous rappellerons les principes qui fondent l’approche contextualiste. La section 2 sera consacrée à une relecture des différentes variables spécifiques de la société X qui ont influencé les orientations sociales stratégiques de la société et la révision du système de classification. Nous analyserons, dans la section 3, les représentations des acteurs et les effets de l’apprentissage sur une instrumentation de gestion des ressources humaines. Nous tenterons de saisir, dans la section 4, l’importance des enjeux stratégiques, liés à la révision du système de classification, pour le devenir de la société X. Nous terminerons, dans la section 5, sur les limites de l’interprétation à travers l’approche contextualiste.

Les résultats de nos travaux ont montré qu’en agissant sur les variables compétences, rémunérations et dysfonctionnements, il est possible de renouveler un système de classification des emplois et des compétences dans un contexte de changement.

Mais une instrumentation de gestion des ressources humaines ne s’arrête pas uniquement à la construction d’un outil pour accompagner le passage d’une logique de postes à une logique de compétences. L’évolution de cette instrumentation est soumise aux pressions de son environnement.

Les enjeux stratégiques, dont est porteuse cette instrumentation pour le devenir de la société X, dans laquelle nous sommes intervenu, sont liés à des interactions complexes et permanentes que nous voulons mettre en évidence. L’importance des enjeux, dans la transformation de cette instrumentation, est liée à une dynamique d’acteurs confrontés à leur environnement et à leur mobilisation.

L’objectif du présent chapitre est triple et cherche à mettre en lumière, dans le contexte spécifique de la société X :

Pour cela, nous avons utilisé l’approche contextualiste (Pettigrew, 1985) 448 , que nous avons évoquée dans notre chapitre introductif. Elle nous semble particulièrement bien adaptée au cas spécifique de la société X pour expliquer les phénomènes contingents et contextuels évoluant dans le temps. Cette approche vient enrichir les résultats de nos travaux et nous aide à interpréter l’évolution du système de classification et de rémunération dans la société X en interaction avec son environnement.

L’analyse des résultats des recherches en Sciences de gestion, que nous avons développé dans les chapitres 3, 4, 5 et 6, montre l’importance que nous devons accorder aux systèmes de classification et de rémunération dans la gestion des ressources humaines. Ces outils sont le reflet des caractéristiques de l’organisation. Ils sont le résultat d’un construit social cherchant à concilier justice et équité. Ils traduisent, dans l’échange salarial, le type de logique de gestion des ressources humaines qui sous-tend la politique sociale et humaine qu’entend appliquer l’entreprise. Ces systèmes sont mis en œuvre par une Direction des ressources humaines dont le rôle devient primordial lorsque le renouvellement de ces outils est rendu indispensable dans un contexte de changement. Les défis lancés aux Directions des ressources humaines sont nombreux et multiples. Celles-ci évoluent vers une fonction intégrée et plus stratégique dans les décisions des Directions Générales. Elles devront de plus en plus prendre en compte les attentes des salariés dans la recherche des performances de l’entreprise. Leurs missions de partenaire, en partageant la fonction avec les opérationnels, vont s’intensifier.

Différentes approches longitudinales ont exploré le domaine de la gestion des ressources humaines. Certaines opposent la gestion des ressources humaines, en termes de compétences pour répondre à la notion de flexibilité, à la gestion par les postes de travail relevant du modèle taylorien (Amadieu et Cadin, 1996) 449  ; (Cadin et Guérin, 1999) 450 . D’autres étudient la liaison entre les pratiques de gestion des compétences et les performances de l’organisation (Lawler, Ledford et Morhman, 1995) 451 . Des approches analysent, également, l’évolution des instruments traditionnels de gestion des ressources humaines comme les classifications et les rémunérations, dans le contexte du nouveau modèle des compétences (Marbach, 1999) 452 .

L’analyse des travaux de recherche, effectués en Sciences de gestion, nous renseigne sur le caractère évolutif des systèmes de gestion des ressources humaines, au cours du temps, lié aux perceptions que s’en font les praticiens et les chercheurs. Toutes ces approches montrent que les systèmes instrumentés de gestion des ressources humaines évoluent mais que les difficultés se déplacent aussi.

Defélix (2001) 453 note que, parmi les recherches effectuées sur la gestion des compétences s’appuyant sur des données longitudinales, les recherches menées par Gilbert (1998) 454 et ceux de Klarsfeld (2000) 455 montrent l’évolution des systèmes et le déplacement des difficultés.

La description et l’analyse de Gilbert concernent une usine du groupe Usinor, dans laquelle il a étudié cinq ans durant de la vie d’une instrumentation. Conçu à l’origine dans un souci de gestion prévisionnelle et de formation, le système de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences a induit progressivement une individualisation des relations de travail et la diffusion d’une incitation à acquérir des compétences. Il montre ainsi que l’instrumentation et l’intention de gestion évoluent au cours du temps.

Mais les difficultés se déplacent aussi, comme l’analyse Klarsfeld dans sa description d’un chantier de gestion des compétences dans la même usine pendant huit ans. Deux managers se sont succédés avec deux approches différentes de l’instrumentation. Son analyse permet de mettre en évidence l’importance des représentations des acteurs. Pour l’un, l’instrumentation n’est pas prioritaire et la difficulté principale réside dans l’insuffisance de motivation des salariés. Le second, au contraire, pousse au développement de l’instrumentation et considère que ce qui pose problème n’est pas la motivation des salariés, mais leur faible niveau de compétences ainsi que la réticence de la maîtrise à faire évoluer ces compétences.

Pour comprendre les orientations stratégiques et les choix qui ont été arrêtés par la Direction générale de la société X, nous devons resituer nos travaux dans le contexte de la société qui nous a permis de réviser les outils de gestion des ressources humaines. Le cadre d’analyse contextualiste nous aide dans notre démarche. Nous proposons de rappeler les fondements de ce cadre.

Notes
448.

Cité par DEFELIX CH., « Contextualisme, conventions et analyse des tensions organisationnelles : une application à la fonction ressources humaines », série recherche, C.E.R.A.G,décembre 1999, 24 p.

449.

Cités par DEFELIX CH., « Les systèmes de gestion des compétences : des systèmes d’information à gérer avec prudence », Revue de gestion des ressources humaines, n° 41, juillet-août 2001, pp. 33-45.

450.

Ibid.

451.

Ibid.

452.

Ibid.

453.

DEFELIX CH., « Les systèmes de gestion des compétences : des systèmes d’information à gérer avec prudence », Revue de gestion des ressources humaines, n° 41, juillet-août 2001, pp. 33-45. op. cit.

454.

Cité par DEFELIX CH., « Les systèmes de gestion des compétences : des systèmes d’information à gérer avec prudence », Revue de gestion des ressources humaines, n° 41, juillet-août 2001, pp. 33-45. op. cit.

455.

Cité par DEFELIX CH., « Les systèmes de gestion des compétences : des systèmes d’information à gérer avec prudence », Revue de gestion des ressources humaines, n° 41, juillet-août 2001, pp. 33-45. op. cit.