7.2 La relecture du contexte de nos travaux

7.2.1 Le contexte externe et interne de la société X

Rappelons que la société X appartient au groupe Y depuis 1988. Ce rachat a bouleversé la culture de la société X qui, jusque là, avait l’habitude de prendre ses décisions de manière autonome. A partir de ce moment, elle a dû s’habituer à traiter les orientations stratégiques en relation avec la direction générale du groupe. Celui-ci a édicté des règles de conduites communes pour l’ensemble des sociétés. Il insiste sur la déontologie et l’image de marque qui passe par le respect d’autrui, les économies qui doivent être recherchées, les relations humaines internes, les relations extérieurs et surtout l’amélioration de la qualité. Ce sont tous ces changements que la société X doit aujourd’hui intégrer dans ses façons d’agir et de penser.

La société X possèdent deux sites peu éloignés l’un de l’autre mais qui présentent des caractéristiques différentes :

  • - l’ancienneté des établissements est importante. L’un date de 1922, berceau de l’entreprise où nous retrouvons une forte tradition des métiers de la forge, l’autre, construit en 1973, est composé d’une structure plus légère ;
  • - la technologie et le process de fabrication sont différents. Les machines à forger et les presses font appel à la dextérité manuelle des salariés sur le premier site, alors que le second s’est doté progressivement de machines semi-automatiques, robotisées. Le deuxième site se situe en amont et en aval du process de fabrication du fait qu’il fabrique les outillages de forge, réalise des opérations de transformation ou de finition des pièces forgées en provenance des deux sites. Il assure le contrôle final et l’expédition des produits des deux sites.

La société X évolue dans un environnement qui affecte ses résultats. Le contexte économique et financier de la société X révèle :

  • - un secteur très concurrentiel dans la forge. Cette concurrence provient des forges intégrées aux fabricants, des forges espagnoles, italiennes et dans un futur proche, des pays de l’Est ;
  • - une lutte acharnée sur les prix. Un produit vendu quatre euros cinquante sept en 1985 est vendu, en 1995, trois euros trente cinq. La dévaluation de certaines monnaies aggrave le problème. Les prix de vente sont de plus en plus régis par les marchés internationaux ;
  • - des secteurs clients en perte de vitesse. En l’espace de trois ans, l’activité a subi une baisse de 50 % dans les secteurs du machinisme agricole et des travaux publics ;
  • - une baisse sensible du résultat financier. La baisse de volume d’activité, liée aux précédents facteurs, a fait passer le chiffre d’affaires de 15 millions d’euros en 1983, à 27 millions d’euros en 1989 et 16 millions d’euros en 1994 ;
  • - une clientèle de plus en plus exigeante. Cette clientèle, en particulier l’automobile, a de fortes exigences en matière de qualité, réclame des certifications et demande à auditer régulièrement la société X. Elle impose des délais de plus en plus courts, ce qui oblige un flux de fabrication tendu, parfois journalier, et remplace ainsi les grandes séries. Les exigences techniques évoluent vers des tolérances de plus en plus fines.

Cette situation a eu des conséquences sur le contexte social et humain. Pour s’adapter aux évolutions de son environnement, la société a dû conduire, dans le passé, un certain nombre d’actions qui sont venues modifier son mode de fonctionnement et son organisation internes avec plus ou moins de réussite :

  • - des restructurations et des plans sociaux se sont déroulés tout au long de l’histoire de la société X. L’effectif est passé de cinq cent personnes en 1973 à deux cent vingt et une en 1995 ;
  • - un plan de formation est lancé en 1984 et se termine sur des résultats mitigés. Il s’est déroulé en trois phases :
    • une première phase de connaissance de l’entreprise faite par le personnel de direction a concerné trois cent personnes ;
    • une deuxième phase portait sur la connaissance des métiers de base de la forge. Elle était animée par des techniciens de l’entreprise, experts dans leurs domaines ;
    • une troisième phase a repris les acquis techniques de la deuxième phase pour former des « maîtres ouvriers ». La phase trois n’a pas été terminé et le bilan fut globalement mitigé car les résultats, en termes d’évolution des compétences et de l’organisation du travail, furent limités. L’analyse faite par la direction, à ce moment là, a montré un changement trop brutal auquel l’entreprise et les hommes n’étaient pas préparés. Il ressort, également, que la formation était trop académique et théorique en regard du niveau général de la population concernée ;
  • - un raccourcissement de la ligne hiérarchique est tenté car les impératifs de réduction des coûts s’imposent. En 1970, l’organisation était la suivante :
    • un chef d’atelier ;
    • un contremaître ;
    • un chef d’équipe ;
    • un responsable de l’outillage ;
    • un ouvrier qui devait « faire de la tonne ».

A cette équipe, s’ajoutaient un régleur, un monteur et un contrôleur en fin de fabrication.

En 1995, la hiérarchie est limitée à un chef d’atelier et deux agents de maîtrise. Une tentative de suppression de la hiérarchie directe s’est soldée par un échec et la maîtrise a du être repositionnée entre les ouvriers et le chef d’atelier. Ce retour en arrière s’explique par le manque d’autonomie du personnel de production insuffisamment préparé à un changement trop rapide et mal accepté par le personnel ;

  • - une organisation qualifiante a été mise en place avec des salariés de bon niveau et volontaires. Cette expérience a débouché sur des résultats encourageants dans certains secteurs de la fabrication. Des équipes sont arrivées à avoir une certaine autonomie avec une rotation des salariés sur les postes de travail. Un enrichissement des tâches a été observé avec la prise en charge des analyses de données, la recherche des causes d’arrêt de machines, le suivi et les relevés de productivité. La direction souhaite, alors, que ce type d’organisation se développe mais le phénomène de propagation est relativement réduit pour ce qui concerne le personnel de faible niveau de qualification. Dans cette population, les outils d’analyse et de contrôle sont sous-exploités voire même refusés bien que ces outils existent depuis plusieurs années. Ce refus s’étend aussi aux procédures qualité et à la production en flux tendu ;
  • - des groupes de travail fonctionnent depuis 1985. Ils s’appuient sur les techniques de résolutions de problèmes. Ils interviennent dans différents domaines et sont animés en interne. Certains de ces groupes ont notamment facilité la mise en place des équipes évoquées ci-dessus.