Le passage d’une logique de postes à une logique de compétences a entraîné une rupture totale entre la représentation que se faisait le personnel de sa place et de son rôle dans l’organisation du travail et le développement de l’autonomie et de la polyvalence qui lui est réclamé. Pour lui, ce changement est perçu comme une source de travail supplémentaire : « Si on améliore l’organisation, est-ce qu’on va augmenter les rendements ? » « Ne court-on pas le risque d’avoir à faire plein de choses en plus tout en maintenant les mêmes rendements ? » 458 . L’évolution est uniquement vue sous l’angle de l’élargissement des tâches. Bien que l’organisation passée présente une certaine rigidité et soit très segmentée par une activité centrée sur les postes de travail, elle présente l’avantage d’être lisible aux yeux des salariés qui peuvent se positionner. Elle comporte, en outre, une logique interne qui « cimente » le tout. Le système de valeurs repose sur ce fonctionnement et les salariés y voient un changement de nature à rompre cet équilibre qu’ils refusent plus ou moins.
La logique compétences induit rapidement la question des retombées salariales. Bien que des tentatives aient été entreprises pour réduire les incohérences du système de classification et de rémunération, les salariés disposent d’un système qui leur permet de conserver des points de repère en matière de rémunération. Le salaire reste le mode le plus identifiable de la reconnaissance de la qualification professionnelle. La logique du système de rémunération demeure calquée sur l’organisation passée et sur la réalité : « je ne fais pas plus que ce pour quoi je suis payé » 459 . La recherche de performances, souhaitée par la direction et basée sur les compétences, bouleverse les repères de salaires auxquels étaient habitués les salariés et introduit le doute et la méfiance. Dans ces conditions, la recherche de l’autonomie et de la polyvalence s’accompagne d’une demande forte de la reconnaissance salariale.
Propos d’un opérateur de forge.
Ibid.