CONCLUSION GENERALE

Les résultats auxquels nous sommes arrivé répondent, en partie, aux questions posées à l’origine de notre recherche. Nous proposons de présenter les principaux résultats de notre recherche, de nous attacher ensuite à en cerner les limites, puis de développer les perspectives qu’elle laisse entrevoir.

Les résultats

Ils trouvent leur application dans le contexte spécifique de la société X. Leur développement nous amène à reformuler les interrogations qui ont guidé notre recherche.

Face à un environnement mouvant et agressif, la société X a décidé de s’adapter aux nouvelles données du marché en mobilisant l’ensemble de son personnel. Elle a considéré que l’un des facteurs-clés de maintien de sa compétitivité et de ses performances passait par un redéploiement de sa stratégie sociale. Cette vision rejoint un certain nombre d’auteurs qui considèrent que les performances de l’entreprise passent par les performances individuelles. Cette décision s’est fondée sur le principe selon lequel chaque personne possède un potentiel de pouvoir ; par les compétences qu’il détient. Son autonomie et sa polyvalence augmentent lorsque son champ d’action est mieux structuré et plus organisé. Cette rupture, avec le fonctionnement habituel de la société X, a entraîné un changement des représentations du travail qui a fait passer d’une logique de postes à une logique de compétences. Les questions, que nous nous sommes posées alors, ont été de savoir :

  • - comment mobiliser le personnel pour l’amener à accepter ces changements ?
  • - en quoi les outils de gestion des ressources humaines, et plus précisément les systèmes de classification et de rémunération, peuvent-ils apporter un début de réponse à la souplesse et à la réactivité réclamées par les clients en facilitant le passage d’une logique de postes à une logique de compétences ?
  • - quelles contributions un système de classification des compétences peut-il apporter à l’amélioration des performances socio-économiques de l’entreprise lorsque les références utilisées dans le contrôle de l’activité sont remises en questions ?

Ces questions ont été les axes de recherche de nos travaux qui se sont attachés à proposer des réponses à notre problématique.

Comment, dans le cadre du passage d’une logique de postes à une logique de compétences, l’entreprise peut-elle maintenir, voire améliorer, ses performances socio-économiques ?

Nous présenterons nos résultats, suivant les axes de réflexion qui nous ont guidé, pour apporter des réponses aux questions posées. Cette présentation respecte les étapes de notre recherche-intervention.

  • La formation « Elévation des compétences »

La formation « Elévation des compétences », mise en place dans la société X, est une première réponse à la prise en compte des compétences des salariés. La mise en place de groupes de résolution de problèmes et de grilles d’apprentissage pour suivre les réinvestissements des acquis sur le terrain à permis de développer l’autonomie et la polyvalence des salariés. Nous avons pu observer, dans les équipes de travail, les remplacements entre opérateurs, voire entre opérateurs et régleurs. Cette autonomie et cette polyvalence n’ont été possibles qu’avec l’émergence de nouvelles compétences des salariés. Cela leur a permis de prendre en charge de nouvelles activités qui, jusque là, occupaient une personne à temps complet. Tel est le cas pour les opérations de topomaintenance ou de contrôle SPC, qui bien qu’existant dans l’entreprise depuis des années, n’étaient pas accomplies par les salariés. La formation « Elévation des compétences » les a encouragés à dépasser le travail prescrit vers un ajustement des prescriptions au contexte mouvant de la fabrication. Nous pouvons résumer cette évolution par la figure ci-après :

La compétence se définit, dans la société X, comme la mise en œuvre de connaissances, de savoirs-faire et de savoirs-être à travers des actions de résolutions de problèmes dans des situations de travail spécifiques. Les compétences sont des savoirs-agir reconnus et validés. Cette définition a trouvé sa réalisation concrète à travers la grille de compétences. Ses impacts sont multiples :

  • - elle permet aujourd’hui, au sein de la société X, de suivre l’évolution des compétences des salariés ;
  • - elle renforce le rôle de la hiérarchie dans ses pratiques de gestionnaire, de formateur et d’animateur d’équipe ;
  • - elle facilite l’élaboration de plans de formation de service et d’actions de formation au plus près du terrain. Cela permet de réduire l’écart entre les emplois tenus et les compétences disponibles, comme le montre la figure suivante ;
  • - elle permet de développer l’autonomie et la polyvalence des salariés. En effet, l’identification de la vulnérabilité des opérations, d’un atelier ou d’un service, permet au responsable de prévoir et de gérer les compétences dont il a besoin ;
  • - c’est un indicateur qui s’inscrit dans les plans d’actions prioritaires facilitant la mise en œuvre concrète des objectifs stratégiques définis par la direction.

Grâce à la visualisation des compétences disponibles, la grille de compétences permet de construire des plans de développement réalistes de la stratégie de la société X. Les plans d’actions prioritaires ont permis d’articuler la mise en œuvre des compétences nouvellement acquises à des actions de réductions de dysfonctionnements observés dans l’activité de production quotidienne. Ces actions de régulations, que nous avons appelées « modules techniques », dont nous rappelons les résultats dans la figure ci-après, sont d’un intérêt primordial pour la société X et la poursuite de nos travaux. Elles démontrent qu’il est possible d’associer la mise en œuvre des compétences et la recherche de performances. Celles-ci se situent à la fois au niveau des performances sociales et des performances économiques. Bien que nous n’ayons pas fait apparaître les résultats financiers de toutes les actions, l’exemple de l’action n° 11, présenté en annexe, confirme l’obtention de ce type de résultats. Dans cette action, les gains obtenus, sur une année, sont de l’ordre de 6.200 francs à la période considérée, c’est-à-dire de mai 1996 à mai 1997. Ces gains concernent une série de deux mille essieux forgés. Ces gains deviennent significatifs pour l’ensemble des séries qui sont réalisées sur une année. Ces résultats mettent en évidence le lien entre les performances individuelles et les performances de l’entreprise.

La poursuite de nos travaux s’est appuyée sur ce constat et sur deux autres facteurs. Lors du lancement de l’action de formation « Elévation des compétences » il a été convenu, au cours de la négociation avec les partenaires institutionnels, que la mise en œuvre des compétences serait associée à un système de rémunération. Nous nous sommes appuyé sur cet engagement. Le deuxième facteur que nous avons pris en compte fut la demande de reconnaissance des salariés dans leurs fonctions. Cette demande sous-tendait le besoin d’une reconnaissance sociale que satisfait la grille de classification des emplois de l’Union des Industries Métallurgiques et Minières.

RESULTATS QUANTITATIFS, QUALITATIFS ET FINANCIERS
Performances économiques :

Action n° 1: Topo maintenance sur MAF 8 pouce, le taux de panne a été divisé par deux.

Action n° 2: Topo maintenance CFI-grenaillage : la consommation moyenne de grenaille est passée de 2,8 kg à 1,9 kg par tonne.

Action n° 5: Retour forge : le temps de montage des outillages sur la MAF 8 pouce est passé de 430 mn à 250 mn en moyenne.

Action n° 11: Lubrification de la MAF 8 et 9 pouces : la consommation du produit de lubrification a été divisée par trois.













Figure 1-21 supra.
Apprentissages réalisés dans les groupes :

Action n° 1: Compréhension du fonctionnement d’un FRL ( filtre, régulateur, lubrificateur )

Action n° 2: lecture de plans, analyse par l’arbre des causes, rapport entre un ampérage et une section, volumes et capacités, découverte du renseignement écrit

Action n° 3: réinvestissement de la méthode de résolution de problèmes, rédaction de fiches d’instruction, établissement d’un inventaire, suivi du flux de production, connaissance des grands principes du flux tendu

Action n° 4: calculs de pourcentages, réalisation d’un PARETO, identification des défauts de calage et des actions correctives à mettre en œuvre

Action n° 5: principe de réalisation de fiches machines, lecture à l’aide du pied à coulisse, lecture de plan, principe de réalisation de fiches de réglage et réglage effectif sur les machines

Action n° 6: fonctionnement de la MAF 8 pouces, programmation du bras de graissage automatique, principe de fonctionnement d’une chauffeuse à induction, base d’électricité, connaissances des principes de la topo maintenance
  • La construction d’une grille de classification des compétences

La grille de compétences utilisée par la hiérarchie nous a permis de concevoir le projet de construction d’une grille de classification des compétences dans un des secteurs de la société X. Les résultats que nous avons obtenus sont d’ordre qualitatif car ils affectent essentiellement la dimension humaine et leur impact sur les comportements. Cet impact est de premier ordre dans la société X car l’approche contextualiste nous a montré le fossé important entre les représentations qu’avaient les salariés de la reconnaissance de leurs efforts et les finalités d’une grille de classification des compétences. Nos travaux nous ont permis de repérer plusieurs éléments :

  • - les salariés reconnaissent la validité d’une telle grille car elle justifie et valide, dans un respect de justice, les compétences individuelles ;
  • - elle permet à l’encadrement de répondre aux demandes de promotion émanant des salariés ;
  • - elle rend un système de rémunération des compétences crédible et admis par les salariés ;
  • - elle est adaptée aux évolutions enregistrées, au niveau de l’atelier, des postes de travail qui ne permettent plus de se référer à la grille de classification existante.

Les travaux que nous avons développés dans le chapitre 2 nous ont amené à construire une grille de classification des compétences en s’éloignant de la logique de classification des emplois, comme nous le montre la figure suivante.

Nos travaux montrent que, quelle que soit la démarche utilisée dans la gestion des compétences, nous revenons à la situation de travail. Nous rejoignons en cela, les observations de Donnadieu et Denimal (1994) 460 . Dans le cadre de nos travaux , nous avons classé les postes de travail car l’organisation du travail est basée sur l’activité au poste de travail. Nos analyses ont mis en évidence l’impact important des logiques de postes dans les pratiques de gestion des ressources humaines.

Notes
460.

DONNADIEU G., DENIMAL P., « Classification, Qualification », Ed. Liaisons, 1994, 199 p. op.cit. p. 35.