Les limites et les perspectives

Nos travaux constituent une première étape d’un processus de recherche. Ils présentent des limites mais également des perspectives de développement que nous proposons de mettre en avant. Nous identifions cinq limites à nos travaux.

La principale limite se situe au niveau de l’interruption de notre expérimentation, suite à notre départ personnelde la société X, qui ne nous a pas permis de conduire à terme le projet initial que nous avions arrêté. Nous rappelons que celui-ci proposait la mise en place de contrats d'activité périodiquement négociables afin d’associer la mise en œuvre des compétences, préalablement hiérarchisées, et la réduction des dysfonctionnements repérés dans l’atelier « Forge à froid ». Cet outil permet de faire le lien entre les performances individuelles et les performances de l’atelier.

La deuxième limite consiste à la conduite de nos travaux dans une seule organisation pendant une longue période. Quelle généralisation peut-on apporter aux résultats de notre recherche ? Nous avons constaté que des recherches de ce type se développaient de plus en plus. Elles apportent des résultats spécifiques à chaque organisation qui peuvent être soumis à la rigueur scientifique par une approche adaptée comme celle du cadre d’analyse du modèle contextualiste.

La troisième limite réside dans le choix de notre instrumentation de gestion des ressources humaines. En effet, nous avons privilégié le système de classification comme outil d’amélioration des performances globales de la société X. D’autres outils peuvent être utilisés dans la recherche d’une optimisation des compétences et de la recherche des performances, comme l’entretien d’appréciation ou la formation. Notre choix se justifie par le contexte de la société X. En effet, les salariés réclament une reconnaissance de leurs efforts à travers la grille de classification des emplois de l’Union des Industries Métallurgiques et Minières qui ne rend plus compte des nouvelles logiques d’emplois.

La quatrième limite réside dans la méthode utilisée pour pondérer les savoirs et les savoirs-faire. Nos rencontres régulières avec l’encadrement de l’atelier nous ont permis de valider en permanence les résultats que nous obtenions. Nous pensons toutefois que la démarche reste subjective. La réduction de cette subjectivité consisterait dans l’élargissement du comité d’évaluation à d’autres acteurs de l’entreprise, voire aux représentants du personnel afin de renforcer le bien fondé de l’approche.

La cinquième limite est justifiée par le choix des auteurs sur lesquels nous nous sommes appuyé pour conduire notre recherche. Les thèmes abordés dans le domaine de la gestion des ressources humaines et du management stratégique sont nombreux dans la littérature existante. Nous avons privilégié les auteurs dont les analyses se rapprochaient le plus de nos travaux.

Les perspectives que suggèrent nos travaux se situent dans le prolongement de ceux-ci. Nous avons signalé que nous n’avions pas pu suivre l’évolution des actions de réduction des dysfonctionnements identifiés dans l’atelier « Forge à froid ». Une première perspective serait de comparer les résultats obtenus par la mise en œuvre de ces actions avec le rendement antérieur de l’atelier.

La deuxième perspective réside dans l’articulation de la grille de classification des compétences à la grille de classification des emplois existante. Cette démarche faciliterait l’appropriation de la nouvelle grille par les salariés et éviterait de déroger aux contraintes législatives en vigueur concernant les conventions collectives.

La troisième consiste à s’appuyer sur la grille de classification des compétences pour fonder un système de rémunération basé sur la réduction des dysfonctionnements que nous avons identifiés lors de notre expérimentation. Nous rappelons que les dysfonctionnements, dans la définition de l’analyse socioéconomique, correspondent à des écarts enregistrés entre l’orthofonctionnement, c’est-à-dire le fonctionnement souhaité de l’organisation, et le fonctionnement réel. Ces écarts entraînent des actions de régulation qui représentent des coûts appelés « coûts cachés ». La réduction de ces dysfonctionnements bénéficie à l’entreprise et devient alors des « performances cachées ». Les situations de travail rencontrées par les salariés créent les opportunités d’actions de réduction de ces dysfonctionnements. La contractualisation de ces actions passe par la réalisation de contrats d’activité périodiquement négociables dont nous avons précisé les objectifs et les modalités de mise en œuvre dans le chapitre 2. Dans cette perspective, cette articulation présente un triple avantage :

  • - elle justifie les écarts de salaires entre les salariés ;
  • - elle renforce l’encadrement dans son rôle de gestionnaire et développe de nouvelles pratiques managériales ;
  • - elle crée un lien précis entre les performances individuelles et les performances de l’entreprise.

Une quatrième perspective se situe dans l’extension de la démarche à l’ensemble de la société X. Le recensement, que nous avons effectué, des connaissances de base utilisées dans l’atelier « Forge à froid » peut être élargi à l’ensemble de la société X. Un certain nombre de ces connaissances sont communes à plusieurs ateliers, ce qui permet de constituer une base de données. Une pondération unique peut être réalisée ainsi qu’une hiérarchisation des compétences en fonction de cette pondération. Nous pouvons alors procéder à un classement de l’ensemble des postes de travail de la société X en rapprochant les compétences minimales requises sur les postes et la hiérarchisation des compétences disponibles dans l’entreprise.