1.2.1. Le neutron, la radioactivité artificielle

C'est après avoir lu le compte rendu d'une expérience menée par le couple Joliot-Curie que James Chadwick, ancien assistant de Rutherford travaillant au laboratoire Cavendisch de Cambridge, conclue que ces derniers ont mis en évidence, sans s'en rendre compte, une particule qu'il recherchait depuis près de dix ans. James Chadwick annonce la découverte de cette nouvelle particule, le neutron, dans une lettre adressée au journal Nature le 17 février 1932. Quelques mois plus tard, en janvier 1934, Joliot et Irène Curie sont en mesure d'annoncer dans une note aux Comptes rendus de l'Académie des sciences la découverte de la radioactivité artificielle. Ayant soumis certains éléments légers comme l'aluminium à un rayonnement alpha, ils ont découvert que ces éléments devenaient à leur tour radioactifs et qu'ils émettaient des électrons positifs : il était donc possible de former artificiellement des atomes radioactifs inconnus dans la nature.

Rapidement informé de la nouvelle de la découverte de radioactivité artificielle, le physicien italien Enrico Fermi est le premier à utiliser les neutrons pour bombarder différentes substances et observer la transmutation des atomes. Bombardant l'uranium, il découvre non seulement un mais plusieurs éléments nouveaux qui se comportent de façon étrange, qu'il baptise «transuraniens». Par ailleurs, au cours de ses expériences sur les neutrons, Fermi établit à l'automne 1934 que les neutrons, une fois ralentis par les chocs sur des substances hydrogénées, sont beaucoup plus efficaces pour la transmutation des atomes. Les neutrons rapides, eux, interagissent indifféremment avec tous les éléments : on sait aujourd'hui que dans certains cas le neutron a une chance de s'ajouter au noyau, dans d'autres il induit l'émission d'une particule, dans de nombreux autres cas le neutron perd simplement son énergie et laisse derrière lui le noyau dans un état excité. Si on utilise des neutrons lents, dans la plupart des cas, la réaction qui se produit est la capture du neutron : celui-ci est ajouté au noyau et l'énergie supplémentaire est évacuée par un rayon gamma. Et suivant la nature du noyau, cette réaction peut se produire même si le neutron est à une grande distance, du fait de la nature ondulatoire de la matière, et l'effet est d'autant plus important que la vitesse des neutrons est faible.