1.2.2. La fission

Du côté du Kaiser Wilhelm Institut de Berlin, les savants Otto Hahn et Lise Meitner, rejoints par Fritz Strassmann, irradient eux aussi l'uranium et obtiennent à la fin des années trente une classification de ce qu'ils supposent être des isotopes de l'uranium. Selon une expression du physicien Edward Teller, «la fission était sous le nez» des physiciens depuis plusieurs années. Comme le raconte Spencer Weart 17 , Irène Curie et son assistant Pavel Savitch n'étaient pas passés loin de la découverte en 1937. Ayant tenté d'isoler les différents isotopes dans le mélange radioactif produit par l'irradiation de l'uranium, ils avaient obtenu un élément étrange que leurs collègues de Berlin n'avaient pas identifié, de période radioactive de trois heures et demie, ressemblant au lanthane. Déconcertés par leurs résultats, les savants français n'osèrent pas conclure. Reprenant les expériences, Hahn et Strassmann aboutissent eux aussi à des résultats qu'ils n'osent pas interpréter, tant le saut conceptuel remet en cause toute l'expérience de la physique nucléaire : le noyau s'est-il brisé en deux ? Ils publient néanmoins leurs résultats dans Die Naturwissenschaften du 6 janvier 1939. Dans les jours qui suivent, la preuve est finalement apportée par Lise Meitner et Otto Frisch que le noyau d'uranium a bel et bien éclaté sous l'impact d'un neutron.

Fermi non plus n'était pas passé loin de la découverte de la fission avec ses éléments transuraniens. Une chimiste allemande, Ida Noddack lui avait écrit pour suggérer une interprétation de son expérience comme étant la fission des noyaux d'uranium, mais des calculs basés sur des données erronées avaient amené Fermi à rejeter cette hypothèse.

Notes
17.

Spencer Weart, La grande aventure des atomistes français, Fayard, 1980, pp. 94-97.