2.3.2.7. Le premier incident nucléaire français grave

Les problèmes métallurgiques de tenue du barreau d'uranium et de sa gaine sont bien la clé du fonctionnement du réacteur. En effet, un incident (ou un accident grave selon les auteurs) se produit sur G1 à l'automne 1956. Après un démarrage sans problème en janvier, une montée en puissance assez rapide et alors que G1 était arrivé en pleine puissance depuis quelques semaines, une cartouche - et ces cartouches avaient la réputation d'être fragiles - mal refroidie, s'échauffe et prend feu. En fait, c'est un barreau d'uranium mal positionné dans son alvéole qui s'est déformé provoquant la rupture de son gainage de magnésium. Le système de détection de rupture de gaine fonctionne et de peur que la radioactivité ne se répande, on décide l'arrêt immédiatde G1. Un ingénieur d'EDF se souvient : «l'extraction de l'élément combustible fut très délicate; un morceau de cet élément qui tomba sur le plancher du réacteur fut ramassé au moyen d'une longue pince par le Chef du Service de Construction des Piles et placé rapidement dans un canal vertical aménagé dans le plancher et destiné à recevoir d'éventuels déchets; des ouvriers légèrement contaminés passèrent plusieurs heures à se doucher dans les installations sanitaires du bâtiment administratif voisin, installations qui furent condamnées ainsi que leur accès pendant plusieurs jours. Cet incident n'eut aucun caractère de gravité car les irradiations étaient faibles, mais c'est lui qui incita à prévoir des dispositifs de dépannage dans les installations de chargement et de déchargement du combustible des réacteurs suivants, ainsi que des installations de décontamination du personnel particulièrement importantes à la sortie de l'enceinte étanche du réacteur EDF1.» 96 A posteriori, l'incident est jugé sans gravité, mais le doute s'était quand même emparé des techniciens, qui pendant plusieurs jours n'avaient pas trop su «comment s'en sortir» 97 .

Empilement des barreaux d'uranium dans le cœur de G1. (Cliché Sciences et Avenir, 1958)
Empilement des barreaux d'uranium dans le cœur de G1. (Cliché Sciences et Avenir, 1958)

Les 300 barreaux d'uranium sont extraits de la pile en novembre 57 pour être remplacés par des barreaux neufs. Des échantillons sont envoyés en Angleterre (l'atelier de dégainage est hors d'usage suite à une contamination) pour être étudiés. Il s'avère qu'ils ne contiennent qu'un très faible pourcentage de plutonium et sont à peu près inutilisables. Un bilan de l'accident conclue que ce sont 7 kg d'uranium qui ont fondu. 98

Notes
96.

Georges Lamiral, op. cit., pp. 25-26.

97.

Entretien avec Georges Vendryes, 19/04/99.

98.

PV de la Commission de Sûreté des Installations Atomiques, séance du 5/12/61. Archives CEA, Fonds du Haut-Commissaire, HC-F2 05 19.