3.2.3. L'Atomic Energy Act

En août 1954 une nouvelle loi est votée (Atomic Energy Act) qui rompt avec les restrictions imposées depuis 1946 : le développement de l'énergie atomique à des fins civiles est désormais placé au rang de priorité nationale et l'AEC doit mettre fin à son monopole sur les données nucléaires. L'objectif est de lancer de façon urgente un vaste programme de développement d'une industrie nucléaire commerciale privée. En même temps, la loi de 1954 confie à l'AEC le soin de préparer les réglementations visant à protéger la santé du public contre les dangers des rayonnements. L'Atomic Energy Act charge donc statutairement l'AEC de trois missions principales : à côté du développement et de l'expérimentation des armes nucléaires, elle doit assurer la promotion commerciale de l'énergie atomique, tout en assurant la réglementation et le contrôle («regulation») de ces activités. Ces deux derniers objectifs, parfois contradictoires surtout lorsqu'ils sont assignés à la même agence, ne manqueront pas d'engendrer certaines difficultés, notamment avec le comité d'expert qui prendra des positions plus réservées que les commissaires sur certains projets soumis par les industriels.

Pour encourager l'industrie privée à développer l'énergie atomique, la Commission à l'Energie Atomique, sous la présidence de Lewis L. Strauss, impulse en janvier 1955 un «power demonstration program». L'AEC s'engage auprès des industriels à assurer la recherche et développement des réacteurs de puissance dans ses laboratoires, de subventionner les recherches supplémentaires effectuées par les industriels et de leur fournir les matières premières. Le but du programme de démonstration de l'AEC est de stimuler la participation et l'investissement du privé dans la faisabilité des différents types de réacteurs.

En contrepartie, du point de vue réglementaire, l'Atomic Energy Act renforce le rôle de l'ACRS dans l'évaluation de la sûreté des centrales commerciales, le comité devant émettre un avis sur l'opportunité d'autoriser ou non la construction d'un réacteur. En 1955, l'AEC forme une Division des Applications Civiles (Division of Civilian Application) pour l'attribution des licences d'exploitation des réacteurs, division au sein de laquelle est constitué un Service d'Evaluation des Risques (Hazards Evaluation Branch).

La loi de 1954 indique également la procédure à suivre pour l'obtention de l'autorisation de construction et d'exploitation d'un réacteur. Ces procédures se veulent suffisamment rigoureuses pour assurer la sûreté et malgré tout assez souples pour ne pas entraver le progrès technique dans cette technologie en plein développement. Ainsi, l'évaluation de la sûreté des réacteurs est effectuée au cas par cas, sans réelle philosophie, mais en tentant chaque fois de peser les avantages et l'adéquation des systèmes de sécurité proposés avec le site et le type de réacteur.

Dans un premier temps, tout producteur d'électricité souhaitant obtenir une autorisation dépose une demande auprès de l'AEC pour discuter les sites possibles compte tenu du type de centrale et en considérant la densité de population, la sismologie, la météorologie, la géologie et l'hydrologie du site. A ce stade l'AEC souligne également au requérant le type d'informations concernant le projet qui sont nécessaires pour son évaluation.

Si ces informations sont fournies, démarre alors la procédure officielle d'examen de la demande de permis de construction : c'est l'évaluation du «rapport préliminaire de risques» (preliminary hazards summary report) par la Division of Reactor Licensing, qui analyse les caractéristiques du site, les choix de conception et de calculs, l'efficacité des dispositifs de sûreté et de confinement pour la prévention des rejets radioactifs en cas d'accident, les alimentations de secours, la manutention du combustible et le stockage des déchets. Dès que l'équipe chargée de la réglementation de l'AEC reçoit cette demande d'autorisation, elle envoie une copie des rapports à l'ACRS, qui donne un avis, associé de recommandations quant à l'opportunité ou non d'autoriser la construction de la centrale.

Dans un troisième temps, se tient une audition publique, un «Public Hearing». Cette procédure instituée en 1957 prévoit que toute autorisation doit être soumise à l'instruction de l'Atomic Safety Licensing Board (ASLB), qui est présidée par un juriste, dans une sorte de procès où des représentants de l'AEC peuvent être appelés à témoigner. L'ASLB rend une décision pouvant être contestée en appel. Si la décision est favorable, le dossier est soumis à un nouvel examen, qui autorise la construction, les travaux ne pouvant commencer qu'à sa délivrance.

Après l'autorisation de construire, l'AEC exerce un contrôle pour vérifier que la réalisation se fait conformément aux prescriptions établies. Le producteur doit ensuite déposer une demande d'autorisation d'exploitation, accompagnée d'un «rapport final de risques» (final hazards summary report) : une nouvelle procédure d'examen par l'AEC puis l'ACRS est alors engagée. L'AEC délivre alors généralement une autorisation provisoire, puis une autorisation définitive qui fait l'objet d'une procédure complète avec enquête publique.