3.3.5. L'organisation de la sûreté au sein de l'AEA

Dans les mois qui suivent, l'autorité britannique pour l'énergie atomique met sur pied une organisation de santé et sûreté («Health and Safety organisation», les deux termes sont associés). Un principe fondamental de cette organisation est que chaque équipe est responsable de la sûreté de ses activités au travers de la chaîne normale de commandement. Pour conseiller le management dans cette tâche, des services «santé et sûreté» sont mis en place sur chaque site, tandis qu'un petit comité dirigé par Sir John Cockcroft est chargé d'élaborer la philosophie à suivre par ces différents services. Un service («Health and Safety Branch») situé à Risley est instauré pour le contrôle des activités «santé sûreté» du Groupe Industriel et il fait office d'organe exécutif pour le comité. Sa responsabilité couvre la préparation des normes, l'évaluation de la conception, de la construction, de l'exploitation et de la maintenance des réacteurs, des usines de chimie radioactive et des laboratoires. La diversité et l'échelle de ces responsabilités conduisent à une vigoureuse campagne de recrutement de personnel spécialisé. 169

Un deuxième rapport Fleck qui examine l'organisation «health and safety» de l'UKAEA est envoyé au premier ministre britannique le 22 janvier 1958. Ayant examiné cette nouvelle structure, le rapport indique que le Service de santé-sûreté de Risley comporte deux divisions principales :

‘«(a) Une Division Sûreté : elle porte la responsabilité des problèmes de sûreté des réacteurs pour le compte de l'Autorité et, […] de criticalité dans les deux Groupes de Recherche et Industriel. […] La Division Sûreté a également la responsabilité des équipes de Physique sanitaire et de Sûreté dans les travaux des groupes industriels.[…]
«(b) Une Division Médicale : […] Chaque département médical d'entreprise est confié à un cadre assistant du Groupe médical, qui est responsable devant le manager général de l'entreprise et devant le médecin chef du groupe.»’

Ce rapport est reçu par le cabinet du Haut-Commissaire le 22 janvier 58, soit deux semaines après sa publication. Le chef du cabinet, M. Long, a particulièrement souligné dans le passage précédent la séparation qui est faite en Grande-Bretagne entre la division «sûreté» et la division «médicale» et les responsabilités attribuées à chacune d'entre elles. 170

Si les structures et l'organisation sont mises en place, le quatrième rapport annuel de l'UKAEA (57-58) ne consacre qu'une ligne (sur cinq pages) pour évoquer «un effort considérable» consacré aux problèmes de sûreté dans la conception des réacteurs, auquel s'est ajouté une attention particulière au développement de méthodes et d'équipement pour la mesure des radiations.

Dans le courant de l'année 1958, le Comité Veale, créé à la mi-58 suite à l'accident de Windscale, produit une première version de son rapport dans lequel il insiste sur l'urgence de fournir des diplômés en radiobiologie et physique radiologique.

Mais ce n'est qu'au cours de l'année 1959 que l'institutionnalisation des problèmes de sécurité se matérialise au sein de l'AEA, par la création d'une nouvelle Direction («Health and Safety Branch»), cette fois indépendante des autres Groupes de l'Autorité. Les lacunes ayant été comblées par la campagne de recrutement et ces nouvelles équipes ayant gagné en expérience, il devient possible de séparer la responsabilité de conseil pour le contrôle des activités quotidiennes des établissements de l'AEA de la mise au point d'une politique concernant la philosophie dans le domaine de la santé et de la sûreté. Créée le 1er juillet 1959, cette nouvelle Direction comprend trois divisions : la «Safeguards Division», la «Radiological Protection Division», et une «Administrative Division». C'est donc la séparation entre d'une part les questions de sûreté des réacteurs («Safeguards») et la Radioprotection d'autre part, ce qui est confirmé par l'apparition d'une nouvelle rubrique dans le rapport annuel, intitulée «Safeguards Work».

La «Safeguard Division» est d'ailleurs appelée à jouer un rôle d'expert pour le Chief Inspector of Nuclear Installations du Ministère de l'Energie (Ministry of Power). Une loi de 1959, la «Nuclear Installations (Licensing and Insurance) Act», entrée en vigueur le 1er avril 1960, a en effet institué un service d'inspection nucléaire (Nuclear Inspectorate) au sein du ministère, en vue d'examiner les aspects de sûreté des installations autres que celles appartenant à l'AEA, en particulier celles du CEGB (Central Electricity Generating Board) 171 , l'EDF britannique. Au niveau gouvernemental est également mis en place un «Nuclear Safety Advisory Committee», sous la présidence de Lord Fleck, pour conseiller le Ministre de l'énergie. L'AEA est représentée par trois membres.

L'année 1960 voit également la mise en place en Grande-Bretagne, pour la première fois au monde semble-t-il, d'un système central de recueil et d'analyse des événements importants pour la sûreté («system of central reporting and analysis of occurrences of safety importance»).

L'accident de Windscale, outre l'organisation de la sûreté, impulse tout un programme de recherche en la matière, tout spécialement en relation avec les réacteurs de puissance de Calder Hall et de Chapelcross. Des projets spécialement dédiés aux problèmes de sûreté sont également mis sur pied. Un programme de recherche théorique sur les problèmes de criticalité est développé en liaison avec l'industrie pour les problèmes de détection. Des études sont menées sur les effets de la température et de l'irradiation sur les matériaux de construction nucléaire, avec une attention particulière pour la température de transition ductile-fragile pour les aciers. D'autre part, des modèles réduits sont étudiés à Foulness pour vérifier la sûreté de conception des réacteurs, un exemple d'étude étant celle consacrée aux effets de ruptures des systèmes de refroidissement. Les travaux de sûreté radiologique sont par ailleurs poursuivis. 172

Notes
169.

Ibid., § 247, p. 42.

170.

Report of the Committee appointed by the Prime Minister to examine The Organisation for Control of Health and Safety in the United Kingdom Atomic Energy Authority. Sur la brochure, M. Long marqué d'un trait rouge dans la marge le paragraphe suivant, p. 55 : «We have examined the functions and structure of the newly formed Health and Safety Branch at Risley. As the branch is at present organised there are two main divisions :

(a) Safety division : This carries responsibility for problems of reactor safety throughout the Autority and, as described in paragraphs 84 and 85 below, of criticality in the Research and Industrial Groups.[…] The Safety Division also has functional responsibility for the Health Physics and Safety teams in each Industrial Groups Works. […]

(b) Medical Division : […] Each Works Medical Department is in charge of an Assistant Group Medical Officer, who is executively responsible to the Works General Manager and functionally responsible to the Group Medical Officer.»

171.

d'après UKAEA, Sixth Annual Report 1959-60, Her Majesty's Stationary Office, London, pp. 39-42.

172.

d'après UKAEA, Seventh Annual Report 1960-61, Her Majesty's Stationary Office, London, pp. 53-57.