3.4.2.2. L'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA)

Si la France accepte de soumettre ses activités atomiques au contrôle d'Euratom, elle est beaucoup plus réticente vis-à-vis de celui qu'entend exercer l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA). Elle n'acceptera que le contrôle de cette agence s'applique à son territoire que vingt ans après sa création en 1957, et seulement dans certains cas bien définis. En effet, à travers la création de l'AIEA, les Etats-Unis entendent exercer un contrôle sur le commerce des matières nucléaires, uranium enrichi mais aussi uranium naturel, pour interdire leur usage à des fins militaires. Cette volonté de lutter contre la prolifération nucléaire se double d'un enjeu commercial pour les Etats-Unis 204 : il faut que les vendeurs d'uranium naturel soient aussi soumis à l'exigence du contrôle sur les usages de leurs productions, ce qui n'était pas le cas jusque-là où seul l'uranium enrichi était concerné par cette règle. Cet objectif présentait un double inconvénient pour les Français, à la fois comme acheteurs d'uranium naturel sur le marché mondial et qui comptaient l'utiliser dans leurs réacteurs pour leur programme militaire, mais aussi comme exportateurs potentiels des réacteurs à uranium naturel-graphite-gaz, seule filière concurrente des réacteurs à uranium enrichi développés aux Etats-Unis. La France sera la principale opposante aux projets américains au sein de l'AIEA, tentant sans succès d'exempter du contrôle l'uranium naturel.

Notes
204.

Cf. Goldschmidt, Bertrand, Le complexe atomique, Fayard, 1980, pp. 270-303.

Après la suppression du secret sur les questions atomiques civiles par les Américains en 1954, le Congrès américain avait rendu obligatoire, en 1956, pour toute cession de matières nucléaires, l'acceptation par le pays importateur du droit pour les Etats-Unis d'en vérifier l'usage par des inspecteurs. Cette clause ne pouvait qu'handicaper les producteurs américains si elle n'était pas imposée à tous les fournisseurs, c'est pourquoi les Etats-Unis allaient mener campagne pour généraliser cette politique à tout le commerce international. Dans le domaine de l'uranium enrichi, cela ne devait pas poser beaucoup de problèmes car les Etats-Unis possédaient un quasi-monopole, ce qui n'était pas le cas pour l'uranium naturel.