3.4.4. La sous-commission de sûreté des piles. Jean Bourgeois

3.4.4.1. La SCSP

La Sous-Commission de Sûreté des Piles, dont la présidence et le secrétariat sont assurés par le personnel de la Direction de la Physique et des Piles Atomiques (DPPA) est mise en place à compter du 1er Mars 1960. C'est cette sous-commission qui va élaborer la philosophie de la sûreté nucléaire en France. M. Jean Bourgeois, Adjoint du Directeur de la Physique des Piles Atomiques est nommé Président de la Sous-Commission tandis que le secrétariat est assuré par M. F. de Vathaire.

La Sous-commission se compose de membres titulaires, représentant les différentes directions suivantes : la Direction des Applications Militaires (DAM), la Direction Industrielle (DI), la Direction des Matériaux et Combustibles Nucléaires (DMCN), la Direction de Cabinet du Haut-Commissaire (DCHC), et la Direction Administrative (DA, Sécurité Incendie). Les membres sont proposés par les chefs de ces directions et nommés par le Président de la Commission de sûreté des installations atomiques. 217

La Sous-Commission de Sûreté des Piles a pour tâche de recevoir et d'instruire les dossiers relatifs à la Sûreté des Piles qui sont adressés à la CSIA; de recueillir auprès des Services du CEA les éléments complémentaires qu'elle juge utiles; de rédiger, sous forme de projets, les décisions du ressort de la Commission. Elle doit également «s'efforcer de dégager les bases d'une politique de sûreté des piles, et de déterminer en conséquence les études à faire effectuer par les Services Spécialisés ainsi que leur ordre d'urgence» 218 . Sa compétence s'étend à toutes les piles et tous les ensembles sous-critiques du Commissariat. Pour effectuer sa tâche, la Sous-Commission dispose d'un groupe de travail siégeant à la DPPA, et de moyens que fourniront sur sa demande les Départements spécialisés.

Deux semaines après sa création, une note de Service HC38 énonce les documents que les différents Directions responsables de projets doivent fournir concernant la sûreté des piles. L'examen de la sûreté conditionne désormais la construction et la mise en exploitation de tout projet. Un «rapport préliminaire de sûreté» doit être établi en vue de la délivrance d'un «certificat de sûreté», dont dépend la construction de la pile. Les responsables des piles en fin de construction doivent établir, au moment des essais de réception, le rapport sur la sûreté de la pile ainsi que le projet des premières consignes d'exploitation, nécessaires à la délivrance d'une «licence d'exploitation». A titre de régularisation, les Chefs de piles déjà en exploitation doivent fournir dès que possible ces deux documents auxquels s'ajoute une copie des rapports concernant les principaux incidents survenus jusqu'à ce jour, aux fins de constitution d'archives. L'annexe de la note présente un plan-type du rapport de sûreté, reprenant le §3 du cours de Vathaire déjà évoqué : le «rapport de sûreté d'une pile» doit se composer de cinq parties :

Rapport de sûreté d'une pile
«I - Caractéristiques du site
Il pourra pour ce chapitre être fait référence à un document général d'étude du site.
II - Description de la pile
Seront décrites plus particulièrement les parties essentielles à la sûreté de marche : cœur; circuits de refroidissement (normal et secours), circuits auxiliaires éventuels (pressurisation, épuration, etc.); dispositifs de contrôle et de sécurité, appareils de chargement et de déchargement; enceinte de sécurité, lorsqu'elle existe; ventilation; filtres; lutte contre l'incendie; protection biologique, etc…

III - Données nucléaires et thermiques;
Les principales données nucléaires et thermiques peuvent être présentées sous forme de tableaux et de courbes dans différentes hypothèses : démarrage, marche normale (combustible neuf, combustible empoisonné), arrêt brutal. Une évaluation de la précision des valeurs fournies sera indiquée.

IV - Caractéristiques de sûreté de l'installation
Les facteurs intrinsèques de stabilité et d'instabilité de l'installation devront être mis en évidence. La philosophie du contrôle en sera déduite.
Les facteurs supplémentaires de sécurité introduits par les automatismes et les verrouillages dûment explicités et justifiés.
Les risques liés aux imperfections et défaillances possibles des dispositifs de contrôle et de sécurité seront mis en évidence.

V - Etude des accidents possibles
Les principaux accidents possibles dépendent étroitement du type de pile. Il sera généralement possible de distinguer les accidents libérant un certain excès de réactivité (montée intempestive des barres de contrôle, erreur de chargement ou de déchargement etc…) et les accidents dus à une défaillance du refroidissement (rupture du circuit primaire, arrêt des pompes, obturation d'un canal, etc…).
Une étude particulière sera faite de l'accident maximum prévisible. Les hypothèses en seront exposées et justifiées. L'émission correspondante de produits radioactifs fera l'objet d'une évaluation aussi précise que possible. Les dangers de contamination des environs seront évalués. Une conclusion en sera dégagée concernant l'utilité ou l'inutilité d'une enceinte étanche pour la pile.»
219

L'obligation faite aux physiciens et ingénieurs de rédiger un tel rapport n'a pas été immédiatement comprise : leur réaction goguenarde peut se résumer par l'expression en cours à l'époque à propos du rapport de sûreté, qualifié de «réacteur en papier». Les premiers rapports feront une dizaine de pages, ils en comportent aujourd'hui plusieurs milliers.

Notes
217.

Note HC39 du 15 mars 1960. Cette même note nomme les membres de la Sous-Commission représentant les grandes directions du Commissariat : il s'agit de J. Jacquesson pour la Direction des Applications Militaires, Ch. Segot pour la Direction Industrielle, P. Wallet pour la Direction des Matériaux et Combustibles Nucléaires, P. Candes du SCRGR pour la Direction de Cabinet du Haut-Commissaire, et A. Chappellier pour la Direction Administrative (DA, Sécurité Incendie).

218.

Note de Service HC N°36, 1er mars 1960.

219.

Note de Service HC 38 du 14 janvier 1960, p. 3.