4.2.1.3. Peggy et G2-G3 : droit de veto de la SCSP

La Sous-Commission de sûreté a été chargée lors de sa création de rédiger, sous forme de projets, les décisions du ressort de la Commission. Mais entre deux réunions de la Commission, la Sous-commission dispose du pouvoir d'arrêter une installation dont elle jugerait que le fonctionnement n'est pas assez sûr. Ce fut le cas notamment pour l'installation Peggy, autorisée par le Haut-Commissaire, qui a dû être arrêtée par suite du mauvais fonctionnement du système de chute des barres de contrôle. La Commission confirme lors de la séance suivante 251 la suspension de la pile, jusqu'à ce que les essais que le Président de la Sous-Commission a exigés pour le nouveau système soient terminés, de manière satisfaisante. La sous-commission et son président disposent donc d'un réel pouvoir lorsqu'elle estime qu'une installation n'est pas suffisamment sûre. Par ailleurs, toutes les autorisations délivrées par la Commission cessent d'être valables en cas d'accident sérieux, et si de tels accidents se produisent, la commission exige de réexaminer les autorisations.

Cette position est réaffirmée lors de l'examen de G2-G3 à propos de l'autorisation pour une expérience d'irradiation de lithium et d'élévation de température dans ces piles 252 . L'irradiation du lithium dans G2-G3, qui doit permettre de tester les qualités d'un nouveau type de cartouche, pose un certain nombre de questions en matière de sûreté, et la Commission avait posé comme préalable à l'autorisation de l'expérience de connaître le résultat de plusieurs études. Celles-ci ont été examinées par la Sous-Commission qui préconise, sous certaines conditions, l'autorisation de l'expérience. M. Bourgeois est forcé de constater qu'en ce qui concerne le système de détection de rupture de gaines (DRG) par les produits de fission provenant d'uranium inséré dans la cartouche, les essais menés jusque-là ont été «infructueux» et que l'étude de ce système doit être poursuivie. Il envisage comme possible un système cette fois basé sur la détection du tritium, dont la mise au point et les essais doivent se poursuivre par la collaboration entre le Centre de Marcoule et le Service de Protection contre les Radiations (SPR) de Saclay. 253 Malgré ces doutes, la Commission autorise l'expérience envisagée, le Haut-Commissaire insistant néanmoins sur la nécessité de pousser les études et d'aboutir rapidement, en particulier pour ce qui concerne les études de Détection de Rupture de Gaines.

Les progrès dans les études effectuées depuis la séance précédente sont exposés trois mois plus tard. 254 Ces études permettent de conclure que les faibles ruptures de gaines d'une ou plusieurs cartouches aluminium-lithium ne sont pas susceptibles d'être détectées. Seules les ruptures très importantes seront sans doute détectées mais elles sont peu probables. Après discussion, la Commission modifie sa décision initiale sur l'irradiation de lithium dans G2-G3 pour permettre des irradiations prolongées au-delà de trois mois, mais sous réserve qu'un dispositif de mesures continu ou discontinu permette d'évaluer la quantité globale de tritium contenu dans les CO2 de chaque pile. Cette quantité ne devra pas dépasser 100 Curie, tandis qu'une chambre de mesure de tritium sera disposée sur un des canaux d'irradiation de lithium. En outre, à la demande de la Sous-Commission de sûreté des piles, la Commission prescrit que l'enveloppe d'acier inox des cartouches Alu-Li soit soumise aux mêmes épreuves d'étanchéité que la gaine Alu.

Accord est donc donné à la poursuite d'expériences se rapprochant des limites de sécurité, avec en contrepartie l'amélioration des moyens de détection. Inversement, la solution consistant à mesurer les fuites éventuelles à l'aide du tritium, tout en améliorant la sûreté, autorise les expérimentateurs à pousser plus avant leurs investigations. Le niveau de sûreté est donc la résultante d'une évaluation de ces deux facteurs, risque pris dans les expériences et dispositifs de sécurité mis en œuvre : une plus grande prudence autorise une plus grande prise de risque.

Notes
251.

PV CSIA, Séance du 15 mars 1961.

252.

Ibid.

253.

Les Services de Protection contre les Radiations des centres nucléaires sont issus en 1958 du Service de Contrôle des Radiations et de Génie Radioactif (SCRGR). Les premiers ont été créés à Fontenay-aux-Roses et à Saclay, suivis de ceux de Marcoule et de Grenoble. Au cours des années soixante, les Services de Protection Radiologique ont été chargés d'assurer la radioprotection dans les installations, la surveillance de l'environnement, la mise au point de l'instrumentation et les mesures de doses, l'intervention en cas d'accident, la formation, la métrologie des rayonnements et le traitement des déchets radioactifs. L'instrumentation est donc l'une des tâches essentielle des SPR. Celle-ci prend une ampleur telle qu'est créé en 1964 un Comité d'Instrumentation en radioprotection pour coordonner les études et les essais.

254.

PV CSIA, Séance du 27 juin 1961.