4.2.3. L'incident d'EL3 et le problème des responsabilités

C'est un incident survenu sur la pile EL3 le 8 novembre 1961 qui amène la Commission à s'interroger sur l'attribution plus précise des responsabilités entre les différents services qui interviennent au cours de la vie d'une installation. Le but de la manipulation ayant donné lieu à l'incident 258 d'EL3 était l'étude de la fusion à cœur de l'oxyde d'uranium (UO2). La cartouche d'essai comportait 890 grammes d'UO2 fritté enrichi à 4%, avec 2 thermocouples permettant d'évaluer la température extérieure et intérieure de la gaine. La rupture brutale de la gaine et l'éjection d'UO2 liquide ont entraîné la contamination du circuit d'eau lourde d'EL3.

M. Bourgeois expose que les dispositifs de sécurité ont bien fonctionné mais que l'ambiance dans le «grenier» de la pile est telle à la suite de l'accident que parmi les agents appelés à y travailler, 2 ont dépassé la dose de 5 rems et doivent être «mis au vert» et 7 dépassent 4 rems : ces doses ont été accumulées peu à peu, à chaque séance de travail. D'autre part l'accroissement du bruit de fond de la DRG a conduit à limiter la puissance de fonctionnement de la pile à 12,5 MW. M. Bourgeois rappelle les discussions qui avaient précédé la mise en pile, et souligne que l'incident a mis en lumière le fait que la responsabilité d'autoriser les mises en pile n'était pas clairement définie. Afin que les responsabilités soient fixées sans ambiguïté, la Commission décide que le chef des piles expérimentales aura la responsabilité d'autoriser les expériences, qu'il doit faire étudier au point de vue de la sûreté de la pile. En cas de conflit avec un Département, celui-ci peut en appeler à la CSIA, sous couvert de la Sous-Commission de Sûreté des Piles.

Le problème de savoir à qui incombe la responsabilité d'une installation en cas d'incident oblige à procéder à une meilleure définition administrative des rôles des différents départements intervenant sur une installation, en particulier au point de vue budgétaire. Il faut pour cela distinguer les responsabilités lors des différentes phases de fonctionnement d'une installation, que ce soit la phase de construction, la phase des d'essais, puis de remise à l'exploitant. La question avait déjà été entrevue précédemment à propos de l'examen de Mélusine. 259 Il était apparu que l'autorisation donnée par la Commission au regard des seules questions de sûreté ne signifiait pas pour autant une autorisation au titre des programmes ou des budgets. La question réapparaît lors de la neuvième réunion de la Commission 260 à l'occasion de l'examen de la sûreté de la pile Ulysse. Après avoir passé en revue les questions techniques concernant les résultats des essais à basse puissance, la Sous-Commission, sous certaines réserves concernant la configuration du cœur, l'efficacité de la barre de réglage, l'excès de réactivité, le dispositif d'injection d'azote etc., est d'avis d'autoriser le fonctionnement de la pile jusqu'à une puissance de 100 kilowatts. C'est alors qu'un dernier problème se pose à propos de la responsabilité de la pile. La pile étant pour l'instant arrêtée, M. Bourgeois propose que le DEP en conserve la responsabilité jusqu'au mois de septembre, date à laquelle il faudra définir nettement à qui incombe la responsabilité de cette pile, et préciser quel personnel sera chargé de l'exploitation. Le Haut-Commissaire signale que le personnel nécessaire figure sur les demandes de recrutements complémentaires urgents : si ces demandes sont satisfaites on ne pourra disposer effectivement de ce personnel avant 1963. M. Bourgeois précise que le DEP pourra fournir en temps voulu le personnel formé, mais il attend que le DEP reçoive le financement équivalent. Dans ces conditions, non pour des raisons de sûreté mais pour des considérations administratives et de moyens, la Commission estime ne pouvoir accorder immédiatement l'autorisation d'Ulysse.

Notes
258.

PV CSIA, Séance du 4 avril 1962.

259.

PV CSIA, Séance du 5 décembre 1961.

260.

PV CSIA, Séance du 26 juin 1962.