4.3.2.2. Les filtres de G1

L'avancement des études lancées sur G1 est examiné par la Commission en décembre 1960. Le rapport de sûreté a été présenté à la Sous-Commission par le Centre de Marcoule lors d'une réunion au mois de Septembre. Au vu de ce rapport, la Sous-commission a jugé nécessaire de préciser certains points mis en évidence par l'étude de l'accident maximum prévisible et les consignes à prendre dans l'éventualité d'un tel accident. C'est pourquoi la décision a été prise de créer deux groupes de travail : un Groupe de travail chargé d'étudier les problèmes d'incendie d'un canal, et un Groupe de travail chargé des questions de filtration de l'iode.

La direction du premier groupe a été confiée à M. Martin du Centre de Marcoule. Il présente en commission l'expérience qui a été mise sur pied. Il s'agit d'une maquette consistant à étudier systématiquement, par chauffage électrique du combustible, les conditions de déclenchement d'un incendie, sa propagation d'un canal à l'autre ainsi que les meilleures méthodes d'extinction. Cette présentation provoque une discussion sur l'accroissement de la vitesse d'oxydation du graphite qui a séjourné un certain temps dans les piles et sur les méthodes de protection contre ce phénomène. Le haut-commissaire demande que l'expérience ait lieu sur du graphite «sali» artificiellement pour se placer dans des conditions comparables à la réalité.

En ce qui concerne les études sur les filtres à iode, le Groupe de travail s'oriente vers l'utilisation de filtres à charbons actifs disposés sur un circuit de secours placé en dérivation du circuit normal : en cas d'accident on basculerait de la ventilation directe, à débit normal, à une ventilation à faible débit, passant sur les filtres à iode. La tenue des charbons actifs nécessitant une baisse de la température du gaz à moins de 100°, le Haut-Commissaire appelle l'attention sur un autre procédé basé sur l'utilisation de tours de lavage à hyposulfite. Mais cette solution s'avère difficile à mettre en œuvre dans une installation déjà existante comme G1.

L'installation des filtres à iode sur G1 fait l'objet d'un examen en décembre 1961. 285 Le projet de filtres, d'une efficacité de 103, a reçu l'accord du Centre de Marcoule. Son coût s'élève à 1.190.000 NF, auxquels s'ajoutent 180.000 NF de travaux de génie civil. Le Haut-Commissaire tient à bien resituer le problème : si la pile G1 doit fonctionner encore longtemps, il est nécessaire de la munir de filtres à iode, mais il n'y a pas une extrême urgence. En effet, il rappelle que du fait de la répétition des recuits Wigner, une forte élévation accidentelle de température dans le réacteur risque d'entraîner des conséquences dont la gravité croît avec le temps. Les recuits Wigner laissent en effet s'accroître la fraction de l'énergie spécifique contenue dans le graphite, libérable seulement à une température supérieure à celle qu'il est possible de faire atteindre au graphite lors des recuits. Il estime donc nécessaire de munir G1 de filtres dès l'année suivante, si l'on est assuré que G1 doit être utilisée pendant plusieurs années. Par contre, il estime que ce n'est pas indispensable si la production de G2 et G3 permet de se passer de G1 rapidement. M. de Rouville, Directeur du Centre de Production de Plutonium de Marcoule, au contraire, pense qu'il serait peut-être plus nécessaire encore d'installer cette sécurité constituée par le filtre à iode dans l'hypothèse où la pile G1, cessant d'être utilisée comme engin de production industrielle, le serait alors fort probablement comme engin expérimental. Selon lui, c'est en effet dans le cas de cette utilisation expérimentale que l'on peut s'attendre à voir effectuer sur le réacteur quelques «acrobaties» qui entraîneraient sans doute plus de risques d'une élévation accidentelle de température que la marche routinière actuelle de G1 à puissance constante.

La question de l'utilisation future de G1 n'étant de toute façon pas tranchée, la Commission décide d'autoriser 286 le fonctionnement de la pile, sans filtres à iode, pour 1962, étant entendu que cette autorisation ne pourra être renouvelée si, à l'expiration de ce délai, les travaux d'installation des filtres n'ont pas été décidés et entrepris. Le Haut-Commissaire demande à la Direction des Productions et au Centre de Marcoule d'étudier le problème de l'installation des filtres à iode en fonction du programme ultérieur d'utilisation du réacteur. Ce programme devra être précisé dans un délai assez court, de l'ordre de six mois, afin que, le cas échéant, une demande d'ouverture de crédit puisse être présentée au plus tard au Comité de l'énergie atomique de juillet 1962.

En octobre 1963 287 , alors que la discussion en commission porte à nouveau sur l'augmentation de la température de fonctionnement de G1, les positions restent identiques. François de Vathaire, chef du GTSP, expose les améliorations apportées à la sûreté du réacteur. Piatier, à nouveau, se demande si le gain de production de plutonium possible, certainement faible, vaut la peine d'accroître les risques. Il estime qu'il s'agit d'un type de réacteur «à ne pas pousser» car il est probable que le graphite de G1 devient de plus en plus «chatouilleux» au fur et à mesure des essais et des recuits : il faut éviter à tout prix un échauffement exagéré, car une rupture de gaine reste toujours possible, malgré les progrès réalisés. De Rouville, Directeur du Centre de Production de Plutonium de Marcoule, est, lui, favorable à l'augmentation, Bourgeois aussi. Francis Perrin pour sa part estime qu'on se trouve devant un accroissement du risque, faible, mais difficile à évaluer. Il lui semble qu'il serait raisonnable de faire un essai de fonctionnement à la nouvelle température envisagée (300°+/-25°) pendant une durée limitée à trois mois, après le prochain recuit et examen du résultat, et après vérification de l'efficacité des filtres. La Commission accorde donc une autorisation provisoire.

Notes
285.

PV CSIA, Séance du 5 décembre 1961.

286.

Ibid.

287.

PV CSIA, Séance du 1/10/63.