5.4.2. L'examen de la sûreté d'EL4

EL4 passe en Commission pour les essais de démarrage le 20 décembre 1966. L'objet de ce premier examen concerne uniquement l'autorisation pour les premières expériences à froid et sans puissance. 319 Un certain nombre de problèmes jugés «délicats» sont soulevés par Jean Bourgeois, comme la circulation du CO2, l'échangeur ou la sécurité incendie. Les points les plus caractéristiques ayant retenu l'attention de la sous-commission sont présentés : il s'agit du tableau de contrôle, d'une méthode de mesure par empoisonnement de l'air, de l'empoisonnement du modérateur et de l'utilisation de barres gazeuses à hélium 3. Pour chacun de ces points, la sous-commission a demandé ou demandera la vérification de certains systèmes, si besoin testés sur d'autres installations, et la vérification des instruments de mesure des paramètres importants dans la sûreté en cas d'accident. Les Canadiens ayant soulevé un risque de fragilisation du zircaloy, Bourgeois invite la commission à s'assurer que ces risques sont réels.

Un nouvel examen d'EL4 occupe l'essentiel du Compte-rendu de la réunion de la CSIA du 25 avril 1967. Il s'agit cette fois d'autoriser la montée en puissance de la centrale. 320 Cet examen débute par la relation d'un incident survenu quelques jours plus tôt ayant rendu impossibles les opérations de chauffage nucléaire préalables à la montée en puissance. Un défaut de régulation de l'huile d'étanchéité sur une des trois turbo-soufflantes a finalement provoqué l'incendie des câbles d'alimentation électrique des pompes sur une longueur de 2 ou 3 mètres, interrompant toute alimentation électrique de ces pompes. Le problème provient du fait que les chemins des câbles d'alimentation de secours passaient par les mêmes conduits que les câbles d'alimentation normale. L'incident a également montré que les informations délivrées par les automatismes avaient été mal interprétées par le personnel, non suffisamment averti.

L'examen de la sûreté du réacteur s'engage alors. Les problèmes de sécurité apparaissent moins sévères que pour les autres types de pile : EL4 dispose d'un combustible non oxyde, il n'y a donc pas de danger d'incendie du combustible. Le modérateur est liquide à basse température et ne peut pas alimenter un incendie. De plus, les gaines sont en acier inoxydable, un métal mieux connu que les autres et qui permet des températures élevées. Sont alors passés en revue les différents aspects de la physique du réacteur (M. Girard) : bilan de réactivité, vérification des protections, neutronique en puissance. Après une intervention de Bourgeois signalant une note du Département de Métallurgie montrant que de nombreuses inconnues subsistent sur les connaissances sur la tenue de la gaine et des structures, un ingénieur du GTSP (M. Ringot 321 ) examine la sûreté de l'élément combustible. Les essais de sûreté menés par le GTSP dans la boucle à dépressurisation Pégase semblent montrer que, en pile, les allongements de la gaine avant rupture sont beaucoup plus faibles que ceux obtenus dans les essais hors pile. Les facteurs de sécurité sont cependant importants. Sont ensuite examinés les opérations de manutentions, le bloc réacteur, les circuits de CO2. Sur ce dernier point, les transitoires thermiques, qu'ils soient amenés par le démarrage de l'installation ou par tous les incidents de soufflage et de chute des barres, posent des «problèmes sérieux». Les calculs de résistance des matériaux aux gradients thermiques ont mis en évidence un certain nombre de «points délicats». Des essais de cyclage thermique ont alors été lancés en chacun de ses points grâce à des mesures de température du métal et à des jauges de contraintes. Les résultats sont attendus en fin d'année.

En conclusion des exposés, M. Bourgeois propose une autorisation qui soit pour le moment limitée à une puissance thermique maximale de 25 MW et une température de sortie du CO2 de 315°. Une nouvelle autorisation devra être sollicitée pour la suite des opérations. La commission accorde l'autorisation demandée.

Trois mois plus tard 322 , la Commission examine une nouvelle demande d'autorisation de montée en puissance pour la centrale de Brennilis. Les essais effectués sont exposés par un ingénieur d'EL4 (Girard) : ils ont révélé quelques points qui posent des problèmes, c'est pourquoi ils restent sous surveillance, mais on estime qu'on pourra leur apporter des remèdes satisfaisants. La Commission examine alors le projet de décision présenté par la Sous Commission de Sûreté des Piles, qu'elle adopte.

EL4 est couplée au réseau en juillet 1967.

Notes
319.

PV CSIA, Séance du 20 avril 1966.

320.

PV CSIA, Séance du 25 avril 1967, pp. 3-12.

321.

Claude Ringot est diplômé de l'Ecole Centrale de Paris en 1953. Il travaille depuis 1956 dans la recherche en matière d'énergie nucléaire, en tant que responsable du développement des éléments combustibles des réacteurs gaz-graphite, à eau lourde, puis à haute température et à eau légère.

322.

PV CSIA, Séance du 16 juin 1967.