5.6.3. Poursuivre les études pour le lever les incertitudes et autoriser des hypothèses moins pessimistes pour les réacteurs du futur

Dans cette première moitié des années soixante, la filière des réacteurs à neutrons rapides n'a pas atteint le même niveau de développement que les autres types de réacteurs. Ceci explique pourquoi les ingénieurs du GTSP n'envisagent pas une évaluation de leur sûreté globale. Les ingénieurs du groupe de Bourgeois estiment cependant que les causes probables de risques sont les mêmes que celles des réacteurs à neutrons lents. 339

Comme pour les autres filières, les problèmes envisagés dans les études de sûreté des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium sont ceux concernant les accidents de réactivité et les accidents de refroidissement. Mais dans le cas des réacteurs à neutrons rapides, l'étude de ces accidents pose des problèmes plus pointus. Du fait de l'utilisation de neutrons dont le temps de vie est extrêmement court, les accidents de réactivité posent un problème accru, et il faut donc prévenir tout excès de réactivité par une forte contre-réaction négative. Or, en 1964, de nombreuses incertitudes demeurent encore sur les données de base telles que le coefficient de température des combustibles, le coefficient lié à la densité des noyaux de sodium, ou l'effet Doppler dû aux matériaux fertiles. Les accidents de refroidissement sont rendus également un peu plus délicats du fait des fortes puissances spécifiques de ces réacteurs qui accélèrent les évolutions de température accompagnant un déséquilibre entre puissance et refroidissement. Par ailleurs, l'utilisation de sodium comme refroidisseur pose certains problèmes particuliers puisque le sodium présente la désagréable propriété de réagir violemment au contact de l'eau, ce qui oblige à certaines études sur ces réactions au niveau des générateurs de vapeur, appareils assurant l'interface où s'effectuent les échanges de chaleur depuis le sodium vers l'eau puis vers la vapeur qui sert à faire tourner la turbine.

Toutes ces incertitudes doivent être levées car en l'état, elles «amèneraient à prendre des marges de sécurité coûteuses» 340 pour de futures installations industrielles. Les ingénieurs du GTSP estiment en 1964 que ces incertitudes devraient être levées d'ici à la fin de la prochaine décennie. L'ensemble des études menées jusque-là amène les responsables du GTSP à une conclusion optimiste pour l'avenir de cette filière, exprimée lors de la troisième conférence des Nations Unies à Genève : «dans les conditions très pessimistes de l'excursion nucléaire maximale calculée, l'enceinte formée par l'enveloppe de béton armé et les bouchons du bloc pile peut contenir pratiquement tous les effets mécaniques de l'accident et, en limitant la quantité de sodium dispersée dans le bâtiment pile, peut également exclure tout feu de sodium dangereux pour l'enceinte étanche.» 341 Ceci les conduit à envisager pour les grands réacteurs rapides futurs un vraisemblable adoucissement des caractéristiques des enceintes de confinement étant données les conditions très pessimistes retenues pour ce prototype.

Notes
339.

François de Vathaire, Philippe Vernier, Adrien Pascouet, «Conception de la sûreté en France et influence des impératifs de sûreté sur la conception des réacteurs», Rapport CEA - R2655, Genève, 1964, Conf. 28/P/82, 19p. Texte rédigé avec la collaboration de P. Candès, G. Drevon, et A. Meunier. Le texte a été présenté à la troisième conférence de Genève de 1964.

340.

Ibid., p. 7.

341.

Ibid., p. 8